La Colline aux Coquelicots (critique)
Dernier film Ghibli de Goro Miyazaki
Alors qu'Arrietty n'est même pas encore sorti au cinéma en occident (ce sera le cas le 12 janvier en France), le studio Ghibli a annoncé hier son prochain film qui sortira sur les écrans japonais à l'été 2011 : Kokuriko Zaka Kara (en japonais, コクリコ坂から ce qui signifie "depuis la colline aux coquelicots" ou "sur la descente des coquelicots").
Ce prochain film Ghibli est une adaptation du shôjo manga éponyme de Chizuru Takahashi et Tetsurō Sayama, paru en 1980 dans le magazine Nakayoshi (éditions Kodansha) et très apprécié de Hayao Miyazaki. Il a été réédité par Ghibli et Kadokawa en juillet 2010 - cf. le visuel ci-contre.
L'histoire de Kokuriko Zaka Kara se passe en 1963 (38 de l'ère Showa), l'année précédant les Jeux Olympiques 🏅 d'été de Tokyo. Le scénario s'articule autour de la vie quotidienne d'une lycéenne, Komatsuzaki Umi, qui gère une chambre d'hôtes à l'occidentale sur la côte. Sa mère étant souvent partie, c'est elle qui s'occupe également de son frère et de sa sœur. L'histoire se focalise également sur sa vie ("heureuse et remplie") de lycéenne, avec à ses côtés Kazama Shun, membre du journal du lycée, et Mizunuma Shiro, président du conseil des élèves.
Le studio Ghibli semble définitivement vouloir mettre ses nouvelles recrues sur le devant de la scène, puisque la réalisation de Kokuriko Zaka Kara a été confiée à Goro Miyazaki, le fils du réalisateur phare du studio, déjà responsable des moins éblouissants Contes de Terremer sorti en 2006. La supervision du projet est cependant confiée à Hayao Miyazaki, qui a d'ailleurs co-écrit le scénario avec Keiko Niwa. Côté bande-originale, exit Joe Hisaishi, c'est le jeune Satoshi Takebe qui s'occupera des musiques du film. A la production, comme toujours, l'éternel Toshio Suzuki. L'héroïne Komatsuzaki est doublée par Aoi Teshima, qui interprétait déjà Therru dans les Contes de Terremer. Enfin, c'est la chaîne de conbinis Lawson (déjà partenaire du Musée Ghibli) qui est partenaire du film.
Personnellement, je regrette un peu la direction prise par les derniers Ghibli, à savoir des films plus axés sur la vie quotidienne de protagonistes plutôt que sur une aventure grandiloquente. Je ne nie pas que Totoro soit une des excellences du studio, mais certaines productions un peu plus ambitieuses (à l'image de Princesse Mononoke, Le Tombeau des Lucioles ou Laputa) ne feraient certainement pas de mal à la réputation de Ghibli qui prend un risque de s'empaffer légèrement depuis Ponyo.
Espérons que Kokuriko Zaka Kara remonte par la même occasion la réputation de Goro Miyazaki.
Critique (juillet 2011)
En arrivant au Japon il y a quelques jours, je me suis aperçu que La Colline aux Coquelicots / Kokuriko Zaka Kara, le dernier Ghibli en date, sortait le 16 juillet pendant mon récent séjour. J'ai donc eu l'opportunité de le voir au cinéma dès le lendemain de sa sortie. J'ai réservé ma place dans un grand complexe cinéma de Kabukichô (près de Shinjuku à Tokyo) où la séance était quasiment pleine.
Penchons-nous donc sur La Colline aux Coquelicots. Comme vous le savez si vous lisez Kanpai, j'ai vu tous les Ghibli et je ne leur voue pas systématiquement un culte. Certains de leurs films sont des merveilles, évidemment, mais ces dernières années, j'aurais du mal à dire qu'ils ont eu une production exceptionnelle, excepté avec Ponyo et Le Royaume des Chats 🐈. Sachant qu'en plus La Colline aux Coquelicots a été confié à Goro Miyazaki, le fils d'Hayao dont le seul film Les Contes de Terremer n'était pas des plus intéressants, on peut partir pour la projection avec une crainte légitime. D'autant que le manga de 1980 dont il est issu n'a pas laissé une empreinte indélébile dans l'histoire.
Pourtant, j'ai été assez agréablement surpris par ce dernier Ghibli. Pour être tout à fait clair, il ne s'agit certainement pas du meilleur film du studio. Mais La Colline aux Coquelicots fait partie de ces Ghibli un peu contemplatifs dans lesquels il ne se passe pas forcément grand chose, qui présentent une tranche de vie d'un protagoniste sans grande aventure ni vilain méchant. En l'occurrence, les personnages principaux sont Umi (interprétée par Masami Nagasawa) et Shun, deux lycéens qui se découvrent un premier amour mutuel. En parallèle, cela réveille leurs interrogations sur la disparition de leur père, qui pourrait être le même géniteur. L'action se passe en 1963 dans la ville portuaire de Yokohama, à quelques kilomètres de Tokyo.
On n'est absolument pas perdus pendant le film, la filiation Ghibli est évidemment très forte et le character-design tout comme l'ensemble de la brique technique ne sortent absolument pas du cadre habituel auquel nous a élevés le studio japonais. Certains décors dépassent toutefois un peu du lot, tels que les tableaux de ciel ou d'horizon sur la mer, ou encore évidemment la grande bâtisse du Quartier Latin, dessinée par Hayao Miyazaki et regorgeant de petits détails adorables dans les décors. L'animation, en revanche, est assez faible. Il y a peu d'images par seconde et l'ensemble du film est assez statique. Ce n'est pas forcément un mal dans son contexte mais un peu de mouvement dans les détails n'aurait pas forcément été de trop.
Musicalement, la bande originale a une coloration assez française, avec pas mal d'accordéon, mais aussi et surtout quelques touches de piano bien senties qui viennent accompagner le mouvement et le déroulement de l'intrigue. Le compositeur star Joe Hisaishi n'a pas participé au film, mais le niveau reste très correct. Quant à la chanson thème du film, douce et mélancolique, elle est totalement adaptée. Pour info, il s'agit d'une reprise de Ue wo muite arukô interprétée par Sakamoto Kyû, l'une des chansons japonaises les plus célèbres de son histoire.
Certes, La Colline aux Coquelicots n'a rien de très audacieux mais je n'ai pas vu le temps passer (1h45 environ), ce qui est bon signe tant j'ai une propension étonnante à m'endormir devant les films un tout petit peu ennuyeux. Il ne s'y passe pas forcément grand chose, mais on sent que Goro Miyazaki a tiré les leçons de son essai raté avec Les Contes de Terremer et c'est tant mieux. D'ici à ce qu'il atteigne le niveau de son père ou d'Isao Takahata, il y a encore un chemin assez long à parcourir.
Je m'amuse quand même du signal symbolique partagé par ce film. Dans cette atmosphère pré-Jeux Olympiques de 1964, les Japonais rasent l'ancien au profit de la toute-puissance du neuf et du futur. Mais ce qui a une histoire ne doit pas toujours être évincé ou détruit. Forcément on imagine un lien avec les deux cadres historiques du studio Ghibli, Miyazaki et Takahata qui semblent avoir du mal à passer le flambeau, en particulier le premier. Son fils, en l'occurrence, offre peut-être là un point de vue en filigrane.
La sortie de La Colline aux Coquelicots n'est pas encore annoncée officiellement en occident, mais on peut s'attendre à une diffusion au cinéma début 2012 (mise à jour : La Colline aux Coquelicots sortira au cinéma le 11 janvier 2012 en France, une avant-première a lieu lundi 14 novembre à Paris - UGC les Halles, en présence du réalisateur). Dans l'intervalle, vous pouvez toujours (re)voir Arrietty ou Ponyo en DVD/ Blu-Ray, ou vous préparer à Ninokuni.