Ascension du Mont Fuji

Celui qui gravit le Mont Fuji 🗻 une fois est un sage, celui qui le fait deux fois est un fou.
-- proverbe japonais

Après Tokyo, le Mont Fuji est probablement l'attraction touristique la plus connue au Japon. Son rayonnement au niveau international est tel que le "Fuji San" (et non Fujiyama) suscite beaucoup de légendes et de fantasmes. Dans son Ni d’Ève ni d'Adam, Amélie Nothomb explique qu'en gravissant la plus haute montagne du Japon, on devient quelque part un peu Japonais.

Désigné au Patrimoine Mondial de l'Unesco depuis juin 2013, au titre de "lieu sacré et source d'inspiration artistique", le Fuji-san a vu son nombre de randonneurs japonais et étrangers augmenter presque chaque année. En juin 2023, à l'approche de la saison qui marquait les 10 ans de cette inscription et le 1er été post-covid 🦠 ouvert à tous, les organisateurs locaux s'alarmaient d'une possible affluence exceptionnelle de 300.000 randonneurs qui pourraient faire l'ascension cette année-là. Finalement, en 2023, le Mont Fuji a été gravi par 221.322 randonneurs selon les statistiques du Ministère de l’environnent japonais. L’augmentation a certes été forte par rapport à 2022, du fait de la réouverture des frontières, mais la fréquentation reste tout de même dans les moyennes annuelles pré-Covid.

Pour pallier le phénomène de surtourisme et garantir la préservation du site naturel, les préfectures japonaises responsables de la montagne sacrée, Shizuoka et Yamanashi, ont décider de réguler plus franchement l'accès au sentier Yoshida le plus emprunté à partir de la saison 2024.

Voici ci-après un compte-rendu complet accompagné de photos et de nombreux conseils pour celles et ceux qui souhaitent réaliser l'ascension du mont Fuji.

Quand peut-on gravir le Fuji-san (saison et horaires) ?

L'ouverture officielle de la montée est limitée à une saison courte de 2 mois en été, dont les dates exactes dépendent des 4 sentiers d'ascension aménagés pour gravir le Fuji-san :

• Yoshida Trail est le sentier le plus couru car le plus facile (137.236 grimpeurs en 2023, soit plus de 60% du total). Accessible en bus depuis Tokyo, sa période d'ouverture couvre un peu plus de deux mois en été : généralement du 1er juillet au 10 septembre. Il débute à 2.305m d'altitude (5ème station) et il faut compter en moyenne 6 heures de montée jusqu'au sommet puis 4 heures de descente.
• Fujinomiya Trail est le 2ème sentier le plus parcouru (49.545 grimpeurs en 2023, soit un peu plus de 20% du total). Ouvert du 10 juillet au 10 septembre en moyenne, il est accessible en bus depuis les gares de Mishima et Shizuoka sur la ligne de JR Tokaido. Il commence à 2.380m d'altitude et requiert en général 5 heures de marche pour la montée puis 3 heures pour la descente.
• Subashiri Trail et Gotemba Trail, plus corsés, sont les 2 autres sentiers ouverts durant la même période que le Fujinomiya Trail. Moins fréquentés, ils attirent chacun moins de 20.000 grimpeurs par saison (moins de 10% du total). Ils présentent la caractéristique de commencer l'ascension plus bas, à moins de 2.000m d'altitude, pour une durée de randonnée logiquement un peu plus longue : compter entre 6 et 7 heures en moyenne de montée pour 3 heures également de descente.

Concernant le sentier Yoshida et pour échapper tant bien que mal à la foule et aux embouteillages vers l'arrivée au sommet, il convient d'éviter à tout prix de faire l'ascension les week-ends, pendant les vacances scolaires japonaises et surtout au cours de la période d'Obon (mi-août). En semaine, avant la mi-juillet et début septembre restent les périodes les moins encombrées.

Globalement, on peut considérer qu'il y a 2 créneaux favoris pour monter le Fuji-san qui consistent à contempler, de son sommet :

• soit le lever : vers 4h30 du matin en juillet et 5h30 en septembre ;
• soit le coucher du soleil : entre 18h début septembre et 19h en juillet.

Après tout, 日本 "Japon" signifie "origine du soleil", d'où l'expression de "pays du soleil levant".

Hors de la saison touristique estivale, l'ascension est fortement déconseillée voire interdite par les autorités, à cause de trop nombreux accidents de grimpeurs même aguerris. Il faut par ailleurs s'enregistrer auprès des préfectures de Yamanashi et Shizuoka, et l'ascension s'effectue alors à vos risques et périls.
Le 28 octobre 2019, un streamer de la plateforme de vidéo NicoNico, pourtant habitué de l'exercice, a chuté en direct pendant l'ascension. Son corps sans vie a été retrouvé 2 jours plus tard, près de 800 mètres plus bas, ce qui lui valut un Darwin Award.

La neige ❄️ s'installe sur le bon 1/3 supérieur du Mont, généralement aux alentours de fin octobre / début novembre. Sa première apparition de l'année est appelée 初冠雪 hatsu kansetsu.

Transports vers la 5è station Fuji Subaru Line

Depuis Shinjuku à Tokyo, un bus fait la navette plusieurs fois par jour dans un sens comme dans l'autre, via la route "Fuji Subaru Line". Il est conseillé de réserver ce bus à l'avance ; c'est faisable via cette page web, puis le paiement se fait sur place (en face de Yodobashi Camera) jusqu'à quelques minutes avant le départ, pour un coût de 7.600¥ (~46,42€) aller-retour. Le bus dépose les randonneurs à la cinquième station du Yoshida Trail, lieu de départ de la randonnée pour la majorité des grimpeurs. Alternativement, il est possible de s'y rendre en voiture 🚙 (péage à 2.000¥ / ~12,22€) avec certaines restrictions concernant la saison estivale.

Un projet de ligne ferroviaire entre la base du Mont Fuji et la 5è station a été validé par le préfecture de Yamanashi en février 2021, pour un tarif prévisionnel aller-retour de 10.000¥ (~61,08€). Le coût de construction est estimé à 140 milliards de Yens (~855,2 millions d'euros), pour une utilisation par 3 millions de voyageurs par an. Aucun calendrier n'est encore annoncé.

Météo du Mont Fuji

On n'oubliera pas vérifier la météo du Mont Fuji quelques jours avant de partir. Il vaut mieux éviter les jours où de la pluie ☔️ est prévue, et bien évidemment proscrire totalement les périodes de typhon 🌀 ! À noter que la température au sommet du volcan 🌋 avoisine les 0°C, même s'il fait plus de 30°C à sa base.

Concernant l'indice de visibilité de la montagne sacrée, le site officiel fournit en temps réel des prévisions à 7 jours.

À partir de l'été 2024 : nouvelles restrictions et tarifs de péage

Le 13 mai 2024, les préfectures de Yamanashi et de Shizuoka ont annoncé des mesures évoquées et validées depuis près de 10 ans ; elles sont mises en place à compter de la saison d’ascension 2024. Les plus importants changements concernent le sentier principal Yoshida.

Ainsi, depuis le 1er juillet 2024, on a pu constater :

• l'installation de barrières de péage permanentes à l’entrée du sentier pour la montée, à partir de la 5ème station ;
• la fermeture de ces barrières entre 16h et 3h du matin (sauf pour les grimpeurs ayant réservé au préalable auprès d’un refuge) ;
• l'instauration de frais d’admission obligatoires de 2.000¥ (~12,22€) par personne, à payer soit en avance en ligne uniquement sur le site officiel, ou sur place ;
• la limitation à 4.000 grimpeurs en journée (fermeture des barrières avant 16h en cas de limite atteinte).

Les frais d’admission et la limitation du nombre de randonneurs visent à améliorer les conditions de sécurité et le confort des grimpeurs. Le quota de visiteurs est réparti comme suit :

• 3.000 places sont attribuées à la réservation en ligne,
• et 1.000 à l’achat sur place.

Lors des saisons précédentes, le pic des 4.000 grimpeurs par jour a été atteint en moyenne pendant une dizaine de jours, et jusqu’à 17 jours pour celle de 2017, sachant qu’une saison compte environ 70 jours. En visant les jours de semaine en début et fin de saison, on réduit donc les risques.

Les réservations sont possibles en ligne ici à partir du 20 mai pour l’ouverture du 1er juillet. Les frais d’admission sont valables uniquement pour le jour sélectionné et non remboursables.

La fermeture nocturne du sentier Yoshida vise à empêcher l’accès aux randonneurs sans réservation dans un refuge, pour éviter le phénomène de "bullet climbing", l’ascension sans halte avec risque de mal aigu des montagnes. Le site officiel répertorie les refuges que l’on peut réserver pour une ascension de nuit sur chacun des sentiers. Point d'attention : ceux présents sur le Yoshida Trail sont généralement pris d'assaut dès l'ouverture des réservations en avance (nous l'avons constaté en quelques heures voire quelques jours tout au plus pour la saison 2024).

En ce qui concerne les autres sentiers (Subashiri, Gotemba et Fujinomiya), réputés plus difficiles et par conséquent moins fréquentés, la préfecture de Shizuoka ne prévoit pas pour l’instant la mise en place de péage. Néanmoins, les autorités souhaitent également limiter les risques dans ces zones et prévoient :

• de vérifier que les grimpeurs débutant l’ascension à partir de 16h aient bien une réservation dans un des refuges du sentier emprunté ;
• un système d’enregistrement en ligne des randonneurs, mis en place courant juin 2024.

Quelque soit le sentier choisi pour gravir le volcan sacré, il est toujours souhaitable de s’acquitter en supplément des 1.000¥ (~6,11€) facultatifs pour les frais de participation à la préservation du Mont Fuji (富士山保全協力金). Ceux-ci peuvent être réglés en même temps que les frais d’admission si l’on marche sur le Yoshida Trail.

En septembre 2024, la préfecture de Yamanashi annonce une chute drastique de 90% du nombre de grimpeurs(es) qui ont effectué l'ascension de nuit et d'un seul tenant (phénomène de bullet climbing) suite aux mesures de restrictions mises en place pour la saison 2024.

Quel équipement prévoir pour l'ascension ?

Une première précision pour couper court à certaines fausses informations : gravir le Mont Fuji est loin d'être une promenade de santé. Cela demande une condition physique, de la volonté et surtout une bonne préparation.

On prévoit d'être équipés de l'ensemble du matériel avant l'arrivée sur place. Les huttes (mountain huts en anglais) qui jalonnent les sentiers et servent également de refuges peuvent dépanner mais plus on monte en altitude, plus les tarifs proposés grimpent ridiculement haut.

Vêtements et accessoires

• plusieurs épaisseurs en haut ainsi qu'un coupe-vent imperméable ;
• un pantalon (si possible imperméable) dans lequel vous vous sentez à l'aise, éventuellement accompagné d'un caleçon long en-dessous ;
• de grosses chaussettes épaisses voire des sur-chaussettes en plus ;
• chaussures de randonnée indispensables (ne pas envisager de grimper en baskets) ;
• bonnet et/ou capuche ne sont pas de trop.

La plupart des accessoires peuvent se trouver facilement dans un 100¥ Shop au Japon, donc contre un budget raisonnable :

• un sac à dos logeable et léger ;
• une lampe frontale, extrêmement utile pour la montée de nuit ;
• des gants, si possible grippants ;
• une serviette contre la transpiration ;
• des lunettes de soleil et de la crème solaire pour la descente ;
• un petit sac hermétique pour ses déchets (peu de poubelles sur place) ;
• quelques milliers de Yens en espèces (cartes de crédit non acceptées) ;
• en cas de malaise potentiel : un antalgique et une canette d'oxygène ;
• protections éventuelles conseillées en cas du réveil du volcan : un casque, des lunettes protectrices et un masque anti-poussière.

Nourriture et boissons

• des barres de céréales / énergisantes, des biscuits secs, des compotes aux fruits ;
• des onigiri 🍙 ou mini-sandwich ;
• beaucoup d'eau, ainsi qu'éventuellement une boisson énergisante ;
• la consommation d'alcool est fortement déconseillée pendant l'ascension.

Matériel photo

• si possible un petit appareil photo 📷, léger et qui ne craint pas trop ou son smartphone ;
• éviter le reflex, ou avec un seul objectif ;
• ne pas emporter de trépied.

Du WiFi gratuit au Mt Fuji !

Depuis 2015, plusieurs hotspots wifi 📶 gratuits ont été installés le long de l'ascension (dont 3 au sommet), notamment pour permettre aux randonneurs de partager leur expérience en direct sur les réseaux sociaux et par e-mail.

Les langues disponibles pour la connexion sont le japonais, l'anglais, le chinois (traditionnel et simplifié), le coréen et le thaï.

En 2016, Wire & Wireless met en service son réseau sur place du 10 juillet au 10 septembre.

Témoignage sur notre montée par le sentier principal Yoshida

Le sentier Yoshida comporte 10 stations en plus de ses huttes-relai, la 1ère étant sa base (au sanctuaire Kitaguchi Hongu Fuji Sengen à Fujiyoshida) et la 10ème son sommet. La 5ème station, qui marque le départ de la majorité des grimpeurs, a un dénivelé qui s'étale sur près de 1.500 mètres, pour environ 7 kilomètres de marche.

Si la montée est déjà un certain challenge, sans non plus relever de l'escalade, il faut savoir qu'elle peut devenir pénible en cas d'embouteillage ; on choisit donc comme précisé précédemment un jour en semaine (du lundi au jeudi) hors jours fériés et période de congés des Japonais. On se couvre suffisamment malgré la transpiration de l'effort, pour éviter que le corps ne refroidisse au fur et à mesure que l'on prend de l'altitude et que l'on perd des degrés.

La randonnée commence simplement par un sentier facile, puis ça se corse sérieusement dès la 7ème station avec une montée très rocailleuse qui excite le palpitant. Pour les personnes en bonne condition physique et plutôt sportives qui ne craignent pas le mal de l'altitude, il est possible de faire la montée en moins de 6h (5h15 dans notre cas). Ensuite, c'est la volonté qui prime puisque beaucoup de personnes âgées Japonaises arrivent à son sommet. Pas aussi vite, certes, mais pour qui l'a décidé ce n'est pas infaisable.

À chaque station, on trouve une aire de repos, des toilettes 🚽 payantes et une ou plusieurs huttes-refuges qui vendent également de quoi reprendre des forces : cafés, soupes miso, petites bouteilles, bols de nouilles instantanées, paquets de chips. Comptez en moyenne entre 300¥ (~1,83€) et 700¥ (~4,28€) la collation.

En 2024, les randonneurs de nuit qui débutent la randonnée après 16h ont l'obligation d'avoir réservé en avance une nuit dans l'un de ces refuges, moyennant environ 13.000¥ (~79,41€) à 15.500¥ (~94,68€) par personne avec dîner inclus (riz au curry 🍛, gyudon ou hamburger japonais).

Le lever du soleil depuis le sommet

Faire l'ascension du Mont Fuji est une expérience fascinante : des échanges cordiaux voire camaradesques du début et des pauses aux relais, jusqu'aux souffles d'effort appuyés par tous les grimpeurs lors des passages difficiles. Près du sommet, le sentier se resserre, le silence devient aussi irréel que l'ombre majestueuse du Fuji-san dessinée par la pleine lune. Des responsables du parc national encouragent les grimpeurs et donnent le temps restant avant le sommet.

Puis l'on traverse ce dernier torii ⛩️ et nous voici en haut admirant, à mesure que l'horizon s'élève, la région de Hakone jusqu'à la baie de Tokyo entourées d'une mer de nuages. Spectacle merveilleux et étrangement calme du lever du soleil, entre les "banzai!" des Japonais, leur fier drapeau qui flotte au vent et l'hymne national joué en fond à travers des hauts-parleurs sans âge.

Une fois le soleil levé, le tour du cratère s'effectue sur 1h30 environ le long du sentier Ohachi-meguri Trail et en passant par le pic Kengamine, le point le plus élevé de la montagne sacrée.

Le moment de la descente

La descente est d'un autre style. Amusante au départ car très abrupte et plus sableuse, elle est étonnamment plus exténuante. Avec la fatigue de la montée qui a mobilisé tous les muscles des jambes, c'est au tour des articulations d'être sollicitées, notamment les chevilles et les genoux. Les quadriceps vont de nouveau travailler et l'on conseille absolument de forcer sur ces étirements une fois en bas. Il nous fallu environ 2h30 pour effectuer la descente, mais celle-ci paraît étonnamment plus longue sans doute à cause de la fatigue, de la chaleur et de la répétitivité des impacts.

Arrivés en bas, en attendant le premier bus de la journée à 10h, la touristique 5ème station déroule son ensemble de magasins de souvenirs et de restaurants. S'y croisent alors les randonneurs frais prêts à monter et ceux avec des valises sous les yeux. Autour de ce ballet, les cars de touristes vont et viennent pour dévaliser les magasins et se prendre en photo devant tout et n'importe quoi. Monter le Mont Fuji, en short et tee-shirt, est pour eux hors de propos.

Dommage pour eux : ils évitent une expérience exceptionnelle, presque indispensable à tout voyageur au Japon en été.