La valeur fantasmée des visites sur un site
Buzz et clics de l'audience web
On peut lire régulièrement ce genre de reproche à propos des sites web : contenu à clic, recherche de buzz, trafic à tout prix, etc. C'est le cas notamment lorsqu'un article donne une opinion parfois considérée comme trop affirmée, toute étayée ou justifiée qu'elle soit, en tout cas non conforme à celle de la majorité voire de la bien-pensance. Il me semble qu'il y ait parfois également une forme d'aigreur ou de jalousie de la part de certains râleurs, voire tout simplement une envie idiote de troller et même parfois une intention manifeste de nuire. Les exemples sur Kanpai restent heureusement rares ; notre communauté peut s'enorgueillir d'élever généralement le débat avec une majorité de commentaires mesurés, nuancés et ouverts à la discussion.
Mon point de vue en tant que responsable de site éditorial est simple : la course à l'audience brute est absolument vaine. Faire du trafic pour du trafic n'a aucun intérêt. Cela rapporte peut-être à ceux dont le modèle économique est basé sur le volume d'affichage de publicités, mais ce n'est pas le cas de Kanpai (où il n'y en a quasiment jamais). Si en tant que gestionnaire de site ou blogueur, on passe son temps à consulter les statistiques en espérant les voir grossir, donc que l'on écrit et organise ses pages et contenus uniquement pour élever des courbes, alors on ne respecte plus son lectorat. Le trafic d'un site web est comme l'audience d'une émission télé, ce sont de simples chiffres qui ne servent qu'à rassurer les annonceurs et combler quelques carences d'ego. Les sites qui prennent ce modèle et cherchent à faire du trafic coûte que coûte sur l'axiome mécanique "plus de vues = plus de revenus" ont donc un ligne éditoriale dictée par le clic à tout prix et pervertissent automatiquement le message qu'ils diffusent.
Quoi qu'il en soit, la donnée principale à prendre en compte n'est pas la visite en tant que tel mais son engagement : le temps passé sur le site, le nombre de pages parcourues, les commentaires publiés, les questions Kotaete posées et réponses apportées, voire l'ouverture d'un blog Kakikomi. Le visiteur n'est pas une statistique mais une personne humaine qui découvre un site et le travail de responsable éditorial est de faire en sorte qu'il l'apprécie, qu'il y trouve les infos recherchées, qu'il participe et rejoigne la communauté, et dans l'idéal qu'il s'y inscrive (quel que soit le flux) pour y retourner régulièrement.
Dans cette optique, il va sans dire que la priorité est de chercher à plaire à son lectorat sans non plus virer dans la consensualité. Certains trolls écrivent qu'un article sujet à controverse ne sert qu'à faire du trafic. Se sont-ils au moins posé la question suivante : dans quel but, pour quelle finalité ? Kanpai n'étant pas rémunéré sur la base du nombre de ses pages affichées, déplaire à ses utilisateurs est donc, le plus souvent, contre-productif.
Il m'arrive pourtant de publier des articles sur des sujets qui divisent. Je le fais pour plusieurs raisons :
- je ne veux m'interdire aucune thématique à traiter, aussi polémique soit-elle ;
- il y a une multitude d'opinions sur tous les sujets et la mienne n'est pas systématiquement arrêtée, un article est donc parfois l'opportunité d'exposer un point de vue et d'entendre celui des autres pour peut-être le faire évoluer ;
- le débat et l'échange sont toujours positifs, à l'opposé de la pensée unique, tant qu'ils se font de manière constructive et en bonne intelligence.
À mon avis, la polémique en soi n'est pas une mauvaise chose qu'il faut stigmatiser ou condamner à tout prix : elle encourage au contraire la discussion, l'échange d'idées et permet de traiter des thèmes que le confort ou la peur réfutent parfois. Mais celle-ci ne peut pas être stérile : elle doit avoir un sens, un fondement, un objectif de nivellement par le haut. Avant de publier un article, je ne réfléchis pas à la question de savoir si celui-ci est plutôt tranché ou au contraire consensuel ; je livre un avis subjectif qui permettra d'ouvrir un échange car je fais confiance à la communauté Kanpai.
Prenons le cas du sexe qui, comme tous les experts piliers de comptoir vous le diront, fait vendre. Beaucoup de chanteuses s'effeuillent pour renforcer leur personal branding. Lorsque cela ne vire pas au vulgaire, ce n'est pas forcément une mauvaise idée : autant mettre en valeur ses atouts, même si l'on prend alors le risque de brouiller son message (si tant est qu'il y en ait un). Pour un site web éditorial, en revanche, ça n'a pas de sens. Utiliser du sexy 🔞 pour attirer le chaland serait même contreproductif : ces visites-là, très peu qualifiées, ne sont pas celles qui s'attachent à un site, souhaitent le découvrir voire le soutenir à terme. Résultat : du temps perdu et même de l'image de marque dégradée. En marketing, il existe une règle qui veut qu'un contenu (article, média...) ne devrait pas être publié si on ne le ferait pas lire à sa famille et ses amis proches. Je fais plus que m'y plier, puisqu'en l'occurrence les personnes concernées suivent Kanpai.
Puis il y a cet adage, grotesque à mon goût, qui consiste à penser que "peu importe que l'on parle de vous en bien ou en mal, du moment que l'on parle de vous". Cela me semble anti-qualitatif au possible. C'est un peu ce que font beaucoup de sites d'actualités et/ou de médias à toutes les sauces, lorsque l'on y regarde de plus près (l'exemple est certes facile mais très didactique) : derrière des titres attirants, le contenu est généralement creux, peu étayé et sans analyse, parfois même copié-collé. Par essence, les sites généralistes ou qui surfent sur les sujets porteurs de "buzz" du moment sont condamnés à rester peu qualitatifs car non anglés. La force de Kanpai en ce sens est que sa thématique reste précise et les limites de sa ligne éditoriale bien définies.
Mais cela cristallise également toute la difficulté du choix des titres. Ceux-ci doivent exciter la curiosité du lecteur et l'encourager à cliquer pour aller lire l'article : un raisonnement logique car un mauvais titre qui n'attire pas la lecture dessert le travail de conception de l'article en lui-même. En revanche, un titre trop accrocheur ou sans rapport réel avec le contenu est encore une fois contreproductif, car le lecteur qui a cliqué a alors l'impression d'avoir été lésé. Il y a des chances pour qu'il se fasse moins avoir à l'avenir, voire arrête de suivre un fournisseur de contenu aux telles pratiques.
Vous aurez peut-être remarqué que je ne publie plus autant d'articles sur Kanpai (naturellement compensé par Kotaete et Kakikomi) que ce que le rythme quotidien m'a imposé pendant plusieurs années. Bien entendu la construction des eBooks, extrêmement chronophage, entre autres activités m'empêche d'y consacrer autant de temps que je ne le voudrais. Mais j'essaye de vous fournir malgré tout des articles variés, plusieurs fois par semaine, sur des sujets qui touchent de plus ou moins près au Japon. Que vous appréciiez ou pas mon avis, libre à chacun, mais vous aurez compris pourquoi ramener les publications de Kanpai à leur trafic est erroné.
N'oublions pas non plus que les râleurs sont souvent, et malheureusement, bien plus bruyants que les satisfaits...