Baten Kaitos - Les ailes éternelles et l'océan perdu
En bon amoureux transi, fidèle et imbécile de MLSI, j’ai de suite porté beaucoup d’attention à ce Baten Kaitos, annoncé comme l’un des grands RPG du Cube. Il n’avait de toute façon pas de grande concurrence lors de son annonce, à la fin de l’année fiscale 2002, et pas beaucoup plus ni à sa sortie ni depuis, hormis un Tales of Symphonia encore relativement décrié. La première fois que j’ai joué à Baten Kaitos, c’était lors du Tôkyô Game Show 2003, dans la petite bulle que Namco avait aménagée pour le jeu. Julien m’avait d’ailleurs filmé, attendant mon tour, jusqu’à ce qu’un membre du personnel lui rappelle l’interdiction des caméras, règle que partagent beaucoup de stands.
Malgré un essai de dix courtes minutes, j’avais pu observer principalement deux types de jeu et leurs caractéristiques propres : le mode aventure, qui faisait briller de mille couleurs de superbes décors bitmap, et le mode combat dont l’utilisation des cartes m’apparaissait bien obscure. Mise au point effectuée bien affalé dans mon fauteuil, de longs mois plus tard, les remarques subsistent : Baten est toujours aussi beau, et le système de combat perturbe, au début, les non-initiés. Ce dernier réserve toutefois quelques belles surprises que nous détaillerons un peu plus bas.
Monolith Software Interactive s’est donc régalé sur les couleurs, se vengeant des tons bien ternes que Xenosaga les oblige à utiliser. Personnages en 3D se déplacent sur des fonds 2D, une technique empruntée au premier Bio Hazard de 1996 mais toujours utile sinon efficace, car réactualisée grâce à la puissance de la GameCube. Les tableaux offrent des harmonies graphiques particulièrement gracieuses, donnant un cachet contemplatif magnifié par la maîtrise des couleurs et le léger mouvement des composantes. Cartes, ports et magasins, en particulier, sont absolument superbes.
La donne n’est pas aussi satisfaisante, en revanche, du côté du design des protagonistes. Si les avatars, dessinés par HIGURASHI Nakaba, accompagnent bien les textes de l’ami KATO, le rendu des personnages en situation de jeu s’avère beaucoup moins convaincant. L’équipe semble déguisée pour aller au carnaval, ce qui lui ôte pas mal d’un charisme pourtant primordial dans ce type de jeu. De toute façon, Baten reste un peu mou du genou dans son déroulement. Ultra classique, il lutte pendant de longues heures pour nous faire accrocher à ses protagonistes. Personnellement, j’ai eu du mal à utiliser les trois derniers des six personnages : les héros eux-mêmes doutent quasiment jusqu’à la fin de leur véritable camp, et ils progressent moins vite que ces premiers.
Musicalement, le titre assure. Les pistes, signées SAKURABA Motoi (Tales of, Star Ocean, Valkyrie Profile, etc.), s’avèrent très agréables à l’oreille. Certaines sont calmes, d’autres épiques ; instruments et compositions ravissent les sens, et accompagnent joliment l’habillage graphique. Le doublage n’est pas mal non plus dans son genre, mais souffre de trois petits défauts qui entachent son tableau. D’abord, la petite résonance constante énerve rapidement, même (voire encore plus) en Surround. Ensuite, certains doubleurs sur- ou sous-jouent des scènes. Enfin, plus pénible, j’ai l’impression d’un concours entre les doubleurs pour savoir qui parlera le plus lentement ; concours relayé par les accès disque, quoique discrets, de la lentille du Cube.
Revenons au système de combat. Un peu confus au départ, avec notamment son écran récapitulatif à chaque fin de tour, il offre avec la progression des possibilités particulièrement intéressantes. Un peu moins longs que dans Xenosaga, ils s’avèrent en revanche presque aussi tactiques et peu frustrants, puisque chaque joueur paramètre son deck à 100%. Pour moi qui suis assez récalcitrant à tout ce qui utilise des cartes, je m’y suis fait très vite. Au départ, on a l’impression que tout n’est pas contrôlable, mais c’est la part due au hasard, notamment dans les mains. Et finalement, cela ne change pas trop du classique ATB, lui offrant même une alternative très audacieuse. L’on se sent beaucoup plus libre, et avec beaucoup plus de choix.
Le reste du game design satisfait encore : un système d’expérience et de classes très cohérent, peu de chargements perceptibles, un protagoniste qui parle au joueur (cf. photo plus haut) et lui demande parfois son avis même si cela change peu ou prou le déroulement, etc. Baten Kaitos accroche son joueur parce qu’il est long, intéressant et sympathique à jouer, parce qu’il ne donne pas l’impression qu’il se prend au sérieux, et peut-être surtout parce qu’il emprunte à Chrono Cross ce côté contemplatif, linéaire et presque « à l’ancienne », qui lui donnent un certain cachet et lui confèrent son propre charme.
L’on regrettera quelques petits détails, notamment le manque d’utilisation d’images de synthèse (présentes en cinématique d’introduction pour les passages marquants) et, surtout, l’étroitesse des environnements visités, la simplicité des énigmes et la facilité globale de progression (malgré un ou deux boss récalcitrants). Mais ce ne sont que bien peu de choses face à la qualité d’ensemble de Baten Kaitos. Personnellement, cela faisait longtemps que je n’avais pas autant accroché à un RPG (les Xeno mis à part), et je ne peux que le conseiller à tous types de joueurs qui prendront la peine de s’y investir, et découvrir un jeu et un système de combat impeccablement réglés.