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Castlevania : Curse of Darkness

Akumajô Dracula Yami no Juin

⏱ 7 minutes

Triste époque. Alors que certaines séries de mon enfance, comme Super Mario, Metroid ou Zelda ont bien réussi leur passage à la 3D, d'autres comme Rockman ou Castlevania peinent à y arriver. Ce qui les fait souvent perdre de leur valeur auprès du grand public avant de les ranger dans la catégorie des jeux auxquels plus personne, sauf certains fans, ne jouent. Et dans le cas de Castlevania, c'est à n'y rien comprendre. Lament of Innocence avait fait naître en moi l'espoir que l'on arriverait gentiment à faire quelque chose d'excellent en mélangeant 3D et Castlevania. Il posait de bonnes bases et malgré quelques points perfectibles, avait largement de quoi séduire. Pourtant, une fois terminé, ce deuxième essai vient tout remettre en cause.

Et cela commence avec une réalisation graphique tout simplement lamentable. Le jeu use du même moteur que Castlevania 64… Euh non, en fait, il s'agit bien du moteur de Lament of Innocence. Toutefois, les textures sont basiques au possible et un effet de brouillard omniprésent cache un vilain pop-up que l'on croyait oublié depuis les pires heures de la N64. L'ensemble est donc un cran au-dessous de Lament of Innocence, lui-même bien inférieur aux dernières productions PS2. On retiendra toutefois quelques pièces à l'esthétique fort réussie, comme les salles de sauvegarde, avec ce siège orné d'ailes qui viennent se rabattre sur le héros en laissant tomber de délicates plumes lumineuses une fois la sauvegarde faite, ou les salles de téléportation. Mais en dehors de ceci, rien à signaler, si ce n'est la grande laideur de l'ensemble.

C'est d'autant plus dommage que la quête se déroule au travers toute la Valachie en lieu et place d'un seul et même château 🏯. Toutefois, la variété des environnements n'a que peu d'impact sur le gameplay au final. Les séquences en extérieur restent également des successions de couloirs, comme dans Lament, bien que cela ne soit plus excusable. Qui apprécie explorer une forêt où l'on est limité à suivre un seul sentier, bordé de murs invisibles pour être sûr que l'on ne s'égare pas ? Sans doute pas grand monde. Surtout que les ennemis rencontrés au fil de ces corridors redondants sont systématiquement les mêmes pour chaque environnement graphique, ce qui amènera fatalement à ennuyer bon nombre de joueurs.

Côté scénario, comme d'habitude, les thèmes récurrents de la vengeance, de l'amour et du combat entre le bien et le mal sont de retour. Cette fois-ci, pas de rejeton Belmont à incarner, mais Hector, un ex-sous-fifre de Dracula ayant renié son maître pour les beaux yeux d'une demoiselle. Mais comme rien ne va jamais comme il faut longtemps, trois ans après que Trevor Belmont ait supprimé Dracula, l'Europe est maudite, plongée dans la misère et le tourment, et la demoiselle d'Hector est brûlée vive pour sorcellerie par Isaac, un autre sous-fifre de Dracula, toujours à sa solde même après sa mort. Et oui, "Les Feux 🔥 de l'Amour" façon XVe siècle, c'est un plus "chaleureux". Hector retourne donc sur les ruines du château de Dracula, histoire de venger la mort de sa belle et lever la malédiction en même temps. Tout ce petit monde a été dessiné sur le papier de belle manière par une Ayami Kojima fidèle à elle-même, avant d'être massacré en 3D par une équipe de développeurs amateurs. Hector se voit ainsi affublé de cheveux qui semblent gras ou mouillés en permanence, alors qu'Isaac nous donnera l'impression de sortir d'une soirée SM gay. Reste heureusement un Trevor Belmont qui, lui, a la classe, malgré un fouet jaune fluo façon sabre laser de Star Wars mou plutôt ridicule.

Fausse note du côté de la bande son également. Non pas qu'elle soit mauvaise, bien au contraire, mais elle relève un problème fortement inquiétant. Michiru Yamane semble tourner en rond, en réutilisant les arrangements qui ont fait son style, mais elle ne semble plus savoir assembler les notes entre elles. Dès lors, on se retrouve avec une bande son inégale, parfois presque caricaturale type "je mets de l'orgue (ou autre instrument) parce que les joueurs attendent ça, même si ce n'est pas en harmonie avec le reste". Le résultat final est donc un bon ton en dessous des compositions cultes de Symphony of the Night ou même de celles de Lament of Innocence, sans pour autant être mauvais.

Après tout cela, dur de s'imaginer que ce jeu puisse plaire. Et pourtant, je me suis vraiment bien amusé à le faire. En fait, j'y ai autant accroché que Dawn of Sorrow sur DS. Et cela grâce à plusieurs choses. Tout d'abord, j'aime bien voir l'univers de Castlevania prendre du volume. Ce n'est pas toujours parfait, mais on y retrouve un peu le bestiaire et la présence de boss comme Legion m'ont bien mis dans le trip. Ensuite, le fait que l'environnement ne se limite pas à un château donne un petit côté Simon's Quest à l'ensemble pas désagréable. Dommage juste que l'on soit limité à ces maudits couloirs. Enfin, le système de jeu est quand même super bien pensé. Il s'articule autour des Démons Innocents, une gestion de familier assez complète (pour un jeu d'action), avec personnalisation et évolution de différents types de créatures que l'on peut invoquer. Chacune a ses capacités et les stades d'évolution varient selon les armes utilisées. Certaines sont également indispensables pour avancer dans le jeu. Et à côté des familiers, il y a le système de forge d'armes et armures. Les ennemis peuvent déposer des matériaux qui ensuite servent à forger différents types d'objets d'attaque ou de défense. Chaque arme a un comportement propre. Ainsi, Hector ne se battra pas de la même manière avec une épée légère qu'une épée lourde, qu'une lance, qu'un gourdin, qu'une hache ou qu'un poing américain. Certaines associations amènent même quelques délires, comme la création de balais, ou de manteaux de fourrure. Dommage que les armures et casques ne changent pas l'apparence du personnage. Deux petits défauts côté gameplay sont tout de même à démontrer. Tout d'abord, le système de lock est peu efficace, voire inefficace. On garde une cible verrouillée, mais on peut très bien aller ailleurs en même temps et souvent, Hector tape à côté. Deuxième point négatif, la tendance à ce qu'il range son arme avec un petit mouvement classieux, façon Link dans les trailers de Twilight Princess, à la fin de certains combos, alors qu'une demi-douzaine d'ennemis vous court dessus.

Au final, le bilan de ce Castlevania est plus que mitigé. De mon point de vue, j'ai vraiment passé un très bon moment. Mais je sais aussi que les gens qui rejoindront mon point de vue seront peu nombreux. En tout cas, je me vois mal le recommander à qui que ce soit, tant le premier contact avec la réalisation bâclée peut mettre un froid et couper l'envie avant même que le jeu ait pu montrer ses qualités. Il donne ainsi l'impression que Konami n'a pas mis les moyens nécessaires dans le développement. Derrière de bonnes idées, les aspects techniques sont réellement d'un autre âge et montrent une production très bon marché. Dès lors, comment capter un grand public qui a pour référence des titres comme God of War, Devil May Cry ou Prince of Persia dans cette catégorie ? Ou pire, comment convaincre les fans de la série Castlevania, qui ont tendance, pour une large partie, à se borner sur le fait que cette série n'est bonne qu'en 2D, que ce jeu est également pour eux ? En tout cas, on ne peut être que déçu qu'un mythe de l'histoire du jeu vidéo 🎮 se voit cantonné à des produits au rabais. Et comme ces produits rapportent sans doute peu, ce n'est pas Konami qui va allouer les fonds nécessaires à ressusciter cette série telle qu'elle le mériterait sur les consoles de salon. Avec ce cercle vicieux, on peut craindre qu'un jour, l'éternel combat contre Dracula cesse, non pas par une victoire définitive des Belmont, mais plutôt par une victoire du service financier de Konami sur IGA et son équipe. On vit vraiment une triste époque…

Mis à jour le 16 septembre 2015