Le complexe du blogueur

Service de presse, évènements, intégrité et blogs

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Drôle d'activité que celle du blogueur. Positionnement récent, à mi-chemin entre la passion de temps libre et le métier (pour certains), elle offre une place nouvelle au statut de rédacteur autonome sur le net. Et je dois avouer qu'elle ouvre pas mal de questions sur un plan plus personnel.

Comme les plus fidèles lecteurs le savent, Kanpai est mon bébé depuis plus de 10 ans. J'y accueille de temps en temps, avec plaisir, des rédacteurs invités qui viennent s'exprimer sur des sujets que je ne peux couvrir. Et Julien, bien entendu, reste mon compère de toujours même si son activité professionnelle chronophage ne lui permet pas d'être très présent dans ces pages.

Du coup, Kanpai est presque intégralement solo-alimenté par votre serviteur. Une position qui me place dans une réflexion de blogueur sujet à des questionnements de réseaux sociaux, de trafic et même de monétisation (ce n'est pas sale !). Je parlais l'an dernier de motivations pour l'alimenter... Il n'est pas toujours facile, en effet, de se placer face à ces liens que l'on tisse en tant que webmaster éditorial.

Alors blogueur, au juste, qu'est-ce que ça implique ? Pour Kanpai, en schématisant et sans classement :

  • le plaisir de partager mon avis et mes modestes connaissances sur des sujets de la culture japonaise
  • l'intérêt énorme de la plupart de vos commentaires, mais parfois aussi le dégoût de certains
  • de nombreux mails reçus, en grande partie des CP (communiqués de presse) gérés par nos amis les community managers
  • et beaucoup de sollicitations aussi, pour des tests de produits, des concours ou la participation à des événements

C'est sur ce dernier point que je voulais notamment m'exprimer. Évidemment, il ne faut pas cracher dans la soupe : recevoir chaque semaine des jeux vidéo, des DVD ou des goodies liés à la culture japonaise, c'est quelque part un aboutissement qui gonfle l'égo et qui alimente généreusement le site. Je n'ai pas le temps ni parfois l'envie de tout rapporter sur Kanpai, mais les faits sont là. Le premier produit que l'on reçoit en tant que blogueur, indiscutablement, il donne le sourire !

Puis c'est une sorte d'engrenage qui peut devenir une routine. Si l'on n'y prend pas garde, ce qui était au début un privilège devient quelque chose de normal voire un dû et, si l'on se prend à vous refuser un produit, gare à la réaction... Ubisoft ne m'a encore jamais envoyé de produit Assassin's Creed (à part l'accès à une bêta l'an dernier) ; cela ne m'empêche pas d'en parler aussi souvent que je le peux et avec beaucoup de passion dans le propos. La provenance d'un produit ne devrait jamais déterminer le ton d'un article.

Je ne veux pas devenir un blogueur blasé. Car je ne suis rien : certainement pas un leader d'opinion et encore moins un cadre de la culture japonaise. Et surtout, je ne me voile pas la face : si l'on m'envoie des press-kits ou des invitations à des événements, ce n'est pas pour mes beaux yeux ou parce que je suis connaisseur du sujet.

La plupart du temps, c'est parce que le blog que j'alimente a un minimum de visibilité auprès d'un créneau, ce qui crée du placement de produit quoi qu'il en soit. Sans le service de presse, je suis un simple passionné. Avec, et si je n'y prends pas garde, je deviens un maillon du travail d'un service marketing. Cela ne fait pas de moi un vendu ou un parvenu... du moins tant que je conserve un détachement face à cela et que j'aborde d'autres sujets en majorité.

Je vois des blogs qui pullulent ici ou là, acteurs parfois malgré eux de cette récente chaîne de la communication de marque. Dans le jeu vidéo 🎮, beaucoup. Je ne veux pas citer de liens, ce n'est pas l'objet de cet article. Mais on peut facilement en trouver quelques-uns, au trafic plutôt honnête et à la communauté acquise en production de rotation sur le jeu vidéo : tests rapides, achats et comptes-rendus d'événements.

A titre personnel, cela correspond cependant à ce que je ne veux pas faire de Kanpai : un blog existant dans le paysage sans réel contenu à valeur ajoutée. Ces blogueurs semblent être de toutes les soirées de présentation JV, de tous les "unboxing" et nous racontent en détails toutes leurs (pré)commandes. Soit un contenu simili-promotionnel, toujours à la frontière ténue entre parole de passionné et lécheur de culs basculant parfois dans le "sponso".

Attention : la critique peut sembler facile mais si ces blogs rencontrent leur succès, c'est qu'ils répondent certainement à une demande. Alors, ils m'offrent l'opportunité d'un questionnement : à partir de quel moment le blogueur perd-il sa candeur de passionné pour virer dans le (semi) publi-rédactionnel ? Et plus loin, n'est-ce pas pour lui une réussite du moment qu'il soit en phase avec sa production ?

Dans cet ordre d'idées justement, Gamekult a beau jouer les Robin des Bois de l'intégrité journalistique face à Gameblog qui semble parfois borderline dans l'omni-éditorial... reste que celui qui progresse tranquillement et s'assure une belle place qui rapporte, c'est le second.

Pour ma part, j'ai tranché. Je ne suis pas l'esclave de quelconque service de com' et si je place du lien affilié sur Kanpai, c'est à la condition expresse qu'il me paraisse d'intérêt pour le lecteur (ce que j'ai fait récemment avec le Japan Rail Pass par exemple). Car le complexe du blogueur, c'est de réussir à garder son intégrité tout en étant un minimum rentable.

Pourtant, j'ai l'impression qu'il est difficile de faire ce grand écart : Presse-Citron est passé du blog NTIC de référence à un format ouvert bourré de publi-communiqués, d'articles ostensiblement SEO et de billets sponsorisés, qui oublie les analyses de fond. Quant aux blogueuses modes, la plupart d'entre elles passent leur temps à encenser tout ce qu'elles reçoivent pour glaner toujours plus de services de presse (c'est, du coup, le complexe de la collectionnite)... quant elles ne deviennent pas carrément salariées ou consultantes pour une marque.

Pour moi, un blogueur ne doit surtout pas devenir un attaché de presse déguisé. C'est l'équilibre que je cherche à trouver sur Kanpai malgré les sollicitations. Mais ça vaut aussi dans l'autre sens : pour la promotion des produits que j'apprécie à titre personnel, qu'on me les envoie gratuitement ou pas.

Mis à jour le 15 novembre 2016