Ghost In The Shell Innocence
Kôkaku Kidôtai
On a tellement dit d'Innocence qu'il était bavard et superficiel, derrière sa dose de mystico-futurisme, que je m'attendais à une catastrophe version "vide intersidéral enrobé de références". J'ai donc été plutôt agréablement surpris par ce Kôkaku Kidôtai dirigé par un OSHII Mamoru plus fidèle à lui-même qu'à l'originelle version de SHIROW Masamune.
Entouré de larges équipes d'animateurs, il nous a pondu sa suite version vingt-et-unième siècle, à tel point que les premiers questionnements du film lancent plutôt sur des sujets du type "ne serions-nous pas devant une animation de style coréen ?". Troublant. Le film use et abuse des éléments en 3D, à tel point que la plupart du temps, seuls les personnages seront dessinés en 2D, tout le reste ayant été créé par ordinateur.
Deuxième point choquant : la cassure nette qui apparaît parfois entre ces deux types d'animation. On peut tout aussi bien constater le meilleur comme le pire en matière d'intégration et d'interactions entre les deux systèmes d'animation, à tel point que certains passages semblent nous donner à voir de la 2D à dix images par seconde, en franc décalage avec des décors toujours très (trop ?) propres.
Etant entendu que certaines autres animations manuelles donnent à voir des merveilles, notamment lorsque Batou extrait la fillette en fin de film (je ne précise pas plus, il va sans dire), et dévoile bonne maîtrise des mouvements émulés. De même, certaines rotations très efficaces montrent un réel travail de décomposition, peine que les animateurs ne se donnent pas de manière homogène au long du film.
Concernant tout le reste de l'animation, c'est à dire les neuf dixièmes du film, force est de constater que Production I.G a atteint un sacré niveau. Le plus étourdissant reste à mon goût que cette maestria est moins dirigée sur le plan technique que stylistique. Innocence a un réel cachet, cette patte ineffable qu'il distille avec une force tranquille à travers des plans, des séquences, d'aussi superbes mélanges de couleurs et un design léché.
Cette merveille pour la rétine se double d'une bande sonore du plus bel effet. Discrète dans son ensemble, elle accompagne intelligemment l'enquête et s'emballe à trois reprises à l'aide de la triple version de Kugutsûta. Pour peu que les enceintes de la salle ne saturent pas sur les aigus et insistent suffisamment sur les graves sans grésiller, la piste s'avère être un petit bijou. Je n'en dirai pas tant de la revisite du morceau Follow Me lors du générique final, qui perd à mon sens beaucoup du goût qu'il avait au cours de la bande-annonce.
Pour en venir à la seconde charnière d'Innocence, j'insisterai sur le fait qu'avec un minimum de concentration, son scénario n'aura absolument rien d'abscons. Voire même beaucoup moins que chez son grand frère. On est loin des infra-réflexions à la Disney, il va sans dire, mais le film est selon moi très loin de s'engouffrer dans des considérations hors de notre temps et de nos préoccupations.
Au contraire ! Il se paye le luxe de s'intégrer dans cette mouvance séculaire sur l'avenir de l'homme et de sa créature, sur leurs places respectives au sein d'un corps et les limites de leurs consciences, de manière parfaitement intelligible via un jeu de problématiques. Des questionnements qui resteront malheureusement trop peu ouverts, tant les pistes que glisse OSHII prendront la forme de réponses plus ou moins fermées.
Je créditerai de plus la critique qui insiste sur le bavardage du film, pas tant sur le plan de son éventuelle superficialité, puisque j'ai apprécié la pondération des dialogues, mais plutôt sur les références inutiles et creuses faites à Darwin, Descartes, Confucius ou encore à l'Ancien Testament. Sur ce point précis, Innocence ressemble trop à un vulgaire feuilletage du dictionnaire des citations pour prétendre à un quelconque intérêt.
Pour le reste, c'est du tout bon. Allez-y sans réfléchir à ce qu'une intelligentsia endormie a bien pu cracher, et gardez votre matière grise pour enfoncer les portes des problématiques qu'OSHII nous a trop vite fermées.