Pacific Rim : le kaiju sauce Hollywood
Film de Guillermo Del Toro
Lorsque le cinéma nord-américain prétend s'attaquer à un genre qui lui est étranger (dans tous les sens du terme), il y a généralement de quoi s'inquiéter. Le kaijû eiga, avec ses monstres géants tirés de dérives naturelles dont Godzilla est la figure de proue et Shadow of the Colossus une forme d'héritier moderne, demeure un genre japonais tellement spécifique qu'on se demandait dans quelle tambouille Hollywood allait bien pouvoir le cuisiner sans trop déborder sur King Kong. Le Mexicain Guillermo del Toro avec entre autres son fantastique Labyrinthe de Pan, ainsi que la présence au casting de Rinko Kikuchi, avaient de quoi (r)assurer (d')une double caution. Étant très sensible au style mecha, à travers notamment Evangelion et les séries Xeno, j'étais tout à fait curieux du traitement qu'allait pouvoir apporter Pacific Rim dans cette confrontation.
À vrai dire, le film se découpe en deux parties :
- deux premiers tiers étonnamment divertissants, bien construits quoique sans surprise, servis par des effets spéciaux impeccables et une direction artistique (presque) aux petits oignons ;
- une
longueinterminable séquence finale qui rappelle les plus mauvaises heures d'Independance Day, Armageddon et consorts, où le déroulement ultra-prévisible n'échappe jamais à cette insupportable mièvrerie patriotique et larmoyante avant un happy end dégoulinant.
La vraie erreur de Pacific Rim est de trop se cantonner à ce désespérément fameux cahier des charges hollywoodien, qui cantonne les créatifs (dont Del Toro) à des dénominateurs communs et réduit tant leur propos en les nivelant par le bas. Le film fleure régulièrement la candeur de son réalisateur, pétri de bonnes intentions, finalement massacrée sur l'autel d'une représentation américano-centrée, traditionnellement xénophobe et militariste jusqu'à l'abject. Au milieu de tout cela, le casting se débat tant que possible dans une galerie de stéréotypes rabâchés où Kikuchi comme les autres ne peuvent jamais laisser éclater ne serait-ce qu'une once de leur interprétation.
Le scénario de Travis Beacham, dont l'idée de départ laissait le champ libre à de véritables réflexions sur la provenance et les intentions des kaiju, sur l'interaction cérébrale entre l'homme et son robot, ou encore sur la dérive de couplage entre les pilotes, s'épanche malheureusement sur une guéguerre bourrine superficielle et sans esprit(s) qui parvient même à glisser un panégyrique ostensible du nucléaire. Autant dire qu'elle ne va pas s'embarrasser à gérer des incohérences aussi colossales que ses monstres, telles que l'absence quasi totale de R&D, une gestion de la physique régulièrement douteuse, ou encore la durée de vie énergétique délirante des Jaegers.
En résulte alors un film étonnamment hybride, dont on ressort sans savoir déterminer réellement si les ficelles usées et maladroites du style blockbuster made in USA ont réussi à écraser la générosité intrinsèque qui s'en dégage malgré tout, à des années-lumières du niveau 0 des Transformers. Sachant que Pacific Rim est encore loin de la rentabilité, faut-il s'attendre à ce qu'il reste ce one-shot bâtard malgré les rumeurs de suite ?