iPhone 6 et Apple Watch : Sony l'aigri
Chaque année, c'est la même rengaine : les annonces d'Apple, notamment autour de ses technologies mobiles, sont conspuées ad nauseam par une horde d'antis. Ceux qu'on nomme les iDevices (iPhone et iPad, désormais rejoints par la future Apple Watch) sont particulièrement dénigrés pour leur prix ou leurs fonctionnalités supposément déjà vues chez la concurrence.
Ce qu'il y a de nouveau cette année, c'est que parmi les institutionnels qui grincent des dents, le japonais Sony rejoint le finlandais Nokia et surtout le coréen Samsung dans leurs sorties médiatiques. Saisissons l'ironie un instant, tant on connaît les innombrables points de désaccord entre Nippons et Sud-Coréens. Mais il faut croire que la concurrence dépasse toute frontière, surtout lorsqu'il s'agit d'exciter les tensions autour des conférences rituelles de l'Américain.
Depuis l'annonce des iPhone 6 et Apple Watch le 9 septembre dernier, Sony manifeste ainsi une forte jalousie et tient à le faire savoir aux consommateurs. Leurs propos seront notamment relayés dans la presse nipponne, ainsi qu'avec force et fracas sur les réseaux sociaux et y compris par certain(e)s qui en oublient parfois malheureusement la réserve journalistique à laquelle ils devraient pourtant se tenir.
Les Japonais adorent les produits Apple et ce n'est que logique : élégants, simples, dédiés à l'utilisateur... ils ont tout ou presque pour séduire cette population. Et pour ne rien gâcher, l'iPhone 6, qui sort le 19 septembre également en terre nipponne, sera gratuit auprès des trois principaux opérateurs téléphoniques au Japon (NTT Docomo, AU et Softbank) moyennant un abonnement avec engagement.
La concurrence exsangue y est d'ailleurs de plus en plus impuissante : après avoir doucement démarré sur l'archipel, peinant à faire oublier les fameux 携帯電話 keitai denwa / téléphones à clapet omnipotents depuis une dizaine d'années, l'iPhone a grignoté les parts de marché pourcent par pourcent jusqu'à atteindre les 70% de la pénétration des smartphones au Japon en avril de cette année. En comparaison, les États-Unis n'ont adopté l'iPhone qu'à 15,2% contre 31,3% pour les Samsung (et des miettes pour leurs concurrents).
En retard ou en avance
Sony a beau gesticuler avec fébrilité en agitant frénétiquement leurs Xperia Z3 et montre Smartwatch 3 en manque d' "effet wow", ils ne pourront faire oublier plusieurs points capitaux qu'ils le veuillent ou non.
D'abord, Apple a démocratisé l'usage du smartphone 📱 à partir de 2007, balayant progressivement les puces NFC intégrées aux téléphones japonais (et remettant par-là même la Suica au goût du jour) tout comme elle expulsait les obsolescents Walkman et Discman maison d'un revers d'iPod en 2001.
Ensuite, Sony n'a pas plus de force que son compère coréen dans la construction d'un véritable écosystème transverse, et encore moins d'un simple OS, tant elles ne sont rien sans la partie software (Android) de l'hégémonique Google qui, lui, doit surtout son succès d'adoption par les constructeurs à son prix... gratuit, mais pour combien de temps encore ? D'autant que sa structure libre se bouche de plus en plus rapidement, réduisant le potentiel des surcouches.
La firme de Cupertino met désormais, avec son Apple Watch, un deuxième pied dans la culture lifestyle haut de gamme et ce ne sont pas les récentes débauches de personnels LVMH, Burberry ou encore Yves Saint-Laurent qui le contrediront. Les iDevices, au-delà de leurs états de fonctions, sont des "it-objects" à la frontière de la mode, ce qu'aucun de ses concurrents n'a réussi à atteindre jusqu'alors, quels que soient leurs efforts ou leurs singeries de communication (appuyées à grands renforts de promos et autres offres de remboursement).
Enfin, en investissant toujours plus le segment du luxe, Apple prend littéralement de la hauteur sur la férocité des concurrents chinois, qui s'apprêtent justement à dévorer à grands pas des parts de marché aux japonais et coréens. À l'heure où les féroces Huawei ou Lenovo débarquent avec force et fracas sur le créneau du smartphone low-cost, les concurrents de la pomme se sentent logiquement fébriles pour certains de leurs marchés.
Note du 17/9 - Et ça n'a pas tardé : ayant surestimé les revenus de ses smartphones et tablettes, Sony annonce prévoir des pertes nettes de 2,1 milliards de dollars pour l'année fiscale 2014.
Sanction par l'adoption
Depuis mardi on a vu tourner sur les réseaux sociaux, à l'initiative des pro-Android, une image comparative technique de l'iPhone 6 avec le Google Nexus 4. Celle-ci explique que le NFC et d'autres fonctions du nouveau smartphone Apple existaient déjà depuis 2 ans sur son concurrent de Mountain View, à un prix inférieur, ce que reprend Sony à son compte sans le citer. Mais oseraient-ils créer le même tableau en comparant la récente BMW i8 à une banale Clio, sous prétexte que la première comme la seconde utilisent un volant, des essuie-glaces ou encore quatre roues ?
Ce qui fait la valeur d'un objet connecté n'est certainement pas la seule liste brute de ses fonctions, mais ses logiques structurelle et ergonomique (tant dans le design qu'à travers l'expérience utilisateur). Sony a beau avoir démocratisé le NFC au Japon via Felica il y a un peu plus de dix ans, l'entreprise n'a jamais réussi à exporter la technologie hors des frontières japonaises, pas plus que Samsung à en démocratiser l'usage en Occident depuis les années 2010.
Vouloir à tout prix se positionner premier sur un segment me rappelle cette recherche acharnée et stérile de la page vue sur le web : il ne s'agit pas d'une culture statistique ou de prise de date, mais de parvenir à imposer logiquement et naturellement un modèle lorsque son marché est mûr. Logique, dans ce sens, que Sony enrage d'entrevoir qu'Apple Pay risque, lui, de bien faire son trou auprès du grand public.
On pourra en revanche se réjouir, comme à l'accoutumée, que le grand gagnant d'une compétition aussi farouche soit bien souvent le consommateur.