Epic Mickey (test)
Lorsqu’une personne au pédigrée telle que Warren Spector s’associe à Disney pour réaliser un jeu Mickey pour les “grands” enfants que nous sommes, il y avait de quoi se réjouir. Lorsque l’on découvrait au travers de sublimes artworks un univers à la fois familier, sombre et torturé, il y avait encore plus de quoi s’impatienter. Puis le jeu a été annoncé sur Wii, au travers de captures d’écrans d’une mouture bien trop peu aboutie pour être alléchante et les hurlements de désespoirs ne se sont pas faits attendre. Heureusement, nous étions alors en 2009 et Epic Mickey allait avoir encore bien 18 mois pour s’exprimer sous un meilleur jour. Ou pas...
Disponible en magasin quelques jours avant son lancement officiel, j’aurais pu me laisser tenter par Epic Mickey avant même que ne circulent les bruits de déception entourant le résultat final. Toutefois, déception avérée ou pas, je serais quoiqu’il arrive passé en caisse avec ce jeu, ma sympathie pour le personnage et mon fanatisme des parcs Disney prévalant largement sur l’avis de quelques rédacteurs blasés ou rageux de forums. Bien mal m’en aura pris puisque effectivement, une fois le jeu terminé, je ne peux pas m’enlever cette sensation d’avoir joué à un gros gâchis, sans aucun doute ma déception vidéoludique de 2010.
Tout partait pourtant pour le mieux, avec un créateur de talent aux commandes, une licence prestigieuse et une direction artistique tout simplement fabuleuse. Je reste en perpétuelle admiration devant les splendides artworks du monde de la désolation, présenté sur la forme d’un Disneyland délabré. Les idées derrière le scénario sont également bonnes, en mettant en scène les personnages qui ont été oubliés, avec Oswald en tête de file et un Mickey qui y est à la fois vénéré et détesté. L’impact que laisse ses actions permet également d’affiner la perception des NPC à son sujet et d’une manière générale, les choix ne sont pas toujours ni tout blanc, ni tout noir. Enfin, le système de peinture / diluant pour réparer ou massacrer le monde apporte son lot de fraîcheur.
Malheureusement, tout ceci nous est servi dans un emballage plutôt limite point de vue technique et ludique. Malgré ses faibles performances, la Wii a su nous montrer quelques beaux jeux, certes loin de ce qui peut se faire sur machine HD, mais dur de dire qu’un Super Mario Galaxy serait désagréable à regarder par exemple. Et bien Epic Mickey, qui devait rivaliser les meilleures productions Wii, ne va pas bien loin. Il n’est pas vraiment laid, mais pas vraiment beau. En tout cas, c’est un crève-cœur que de voir les magnifiques artworks pendant les chargements, puis la parfois bien triste réalité du jeu. Certains niveaux nous offrent une représentation plutôt fidèle, avec plein de détail qui feront plaisirs aux fans des parcs et du personnage, tandis que d’autres sont juste génériques et banals à souhait. Et c’est d’autant plus incompréhensible qu’en général, les zones visitées sont extrêmement petites.
Chaque zone est séparée par un petit niveau en 2,5D, reprenant des dessins animés classiques de Mickey, plus ou moins en rapport avec le thème du niveau principal traversé. D’une manière générale, ces séquences sont plutôt sympathiques, bien que totalement dénuées de difficulté. La progression se fait également sans possibilité de revenir en arrière. Seuls les niveaux du hub peuvent être visités à nouveau, ce qui est, dans un jeu où l’on a des missions à remplir et des objets à chercher, un gros handicap. C’est très personnel, mais je déteste passer à côté de quelque chose et n’ayant pas le temps de faire ce genre de titre plus d’une fois, la progression dans Epic Mickey s’est faite un peu au forceps, à me forcer à aller à la fin d’un niveau en devant accepter le fait de peut-être laisser quelque chose derrière moi. En parlant du système de mission, peut-être est-ce un bug de traduction, mais je n’ai pas non plus aimé le fait de faire un choix et que ce choix engendre un échec de la mission. Voir le compteur de missions ratées augmenter n’est pas franchement stimulant, surtout lorsque l’on a pas l’impression d’avoir mal fait les choses.
Pour terminer sur le plan technique, il y a malheureusement encore la caméra qui vous donnera de quoi vous arracher les cheveux. Elle n’est pas toujours mauvaise, mais dans l’ensemble, on est plus proche d’un Sonic que d’un Mario et non, ce n’est pas un compliment. En fait, et Warren Spector l’a admis lui-même, ce n’est jamais facile de faire un jeu à la troisième personne et je crois que Junction Point l’a appris à ses dépends. Reste que quand la caméra n’aide pas à jauger les distances et fait parfois rater des séquences de plateforme, ou mets en danger inutilement le personnage face à ses ennemis, on est dans l’ordre de l’inacceptable.
Ludiquement, Epic Mickey n’est pas un mauvais jeu. Comme dit plus haut, il apport avec son système de peinture / diluant quelques bonnes idées. Si seulement les mécaniques n’étaient pas ultra limitées et répétitives et que les missions annexes ne réclamaient pas un backtracking assez pénible entre les différents niveaux du hub, principalement lié aux multiples confirmations à donner à chaque entrée dans un écran (point d’entrée des niveaux en 2.5D) ou bâtiment et la lassitude de refaire le même niveau en 2.5 entre chaque zone du hub. Couplé à la gestion limite de la caméra et un level design peu inspiré, traverser Epic Mickey n’est malheureusement pas la partie de plaisir espérée. Un bon jeu à mon goût, d’autres diront qu’il est plutôt moyen, mais clairement pas à la hauteur des ténors du genre. A titre plus personnel, il y a également certains passages qui sont assez mal exploités. Je pense au Phantom Manor ou à Ventureland, qui ne remplissent clairement pas mes attentes. La partie Discoveryland est également assez irrégulière. Par contre, j’ai juste adoré le passage de la Montage de Déchets et son côté assez dérangeant. La bande son, bien que parfois assez discrète, est également une franche réussite.
Avec des problèmes tant dans sa réalisation que dans son game design, Epic Mickey montre clairement que malgré de beaux noms au générique comme sur la jaquette, ce n’est jamais gagné d’avance. Et si on peut saluer l’effort fait sur le design et l’ambition de faire du Mickey pour les grands, je reste sur ma faim quant à ce qui m’a été proposé. Une direction artistique trop à l’étroit sur Wii, des problèmes de gameplay montrant un clair manque de compétence sur le sujet de la plateforme 3D et une progression trop répétitive auront tôt fait d’effacer le sourire que j’arborais au moment de glisser le disque dans ma Wii. Et une sortie sur console HD n’y aurait sans doute rien changé, vu que les trop petits environnements n’auraient parus que plus limités et qu’au fond, l’enrobage n’est pas le plus gros problème du jeu. Bref, j’aurai poussé l’aventure jusqu’au bout, parfois en me forçant un peu et je ne peux pas faire un bilan positif d’Epic Mickey. Ma forte déception noircit peut-être le tableau, mais Mickey ou pas, Warren Spector ou pas, il reste à mon avis trop de défaut à ce jeu pour en faire un classique, ni même un titre Mickey mémorable. Enfin, on se souviendra sans doute de la direction artistique démente, mais le reste, mieux vaut vite l’oublier...