Kingdom Hearts II
En presque quatre ans d'attente d'une vraie suite à son fameux Kingdom Hearts, Square-Enix a eu le temps de nous pondre un Final Mix faiblard en contenu. Profitant de leur rapprochement avec Nintendô, un Chain of Memories décevant a également pu sortir, plus récemment, sur GBA. La fraîche licence, au croisement des univers de Squeni et surtout de Disney, a bénéficié d'une hype incroyable faisant par-là même presque passer un scénario sympathique (mais pas plus) pour aussi fouillé que Xenogears. KH II démarre donc pompeusement, comme tous les gros titres de l'éditeur, et s'écoute parler pendant un prologue long de trois heures avant de vous dévoiler enfin son écran titre. C'est ce qui fait le succès intergénérationnel de la série : mêler autant de références Disney que de ces codes du grand A-RPG. De toute façon, personne ne sera perdu dans cet opus tant il reprend avec allégeance, parfois même trop, le fonctionnement de son grand frère.
Kingdom Hearts II a donc du mal à se lancer, puisque le premier véritable monde que vous visiterez marquera à peu près cinq heures de jeu au compteur. Le fonctionnement est le même, une fois le prologue passé. Sora, accompagné de Donald et Goofy/Dingo, devra arpenter des mondes de Disney, revisiter grossièrement les scénarii des films dont ils sont issus pour débarrasser les lieux des opposants. Cette fois, les Heartless (Sans-coeur) sont rejoints par des Nobodies (Sans-âme), eux-mêmes gouvernés par la mystérieuse Organization XIII introduite dans Chain of Memories. Les personnages récurrents des deux licences (Squall, Aerith, Merlin, Pooh, etc.) sont rejoints par quelques petits nouveaux (Selfie, Auron, Uncle Scrooge, Peg-Leg Pete en nemesis, etc.) mais tout ressemble étrangement au premier volet. KH II suit les mêmes schémas constructifs que son aîné : arrivée dans un nouveau monde, discussions, leveling, boss puis fermeture de la serrure. Certains mondes se jouent maintenant deux voire trois fois, mais globalement l'enchaînement narratif est identique. Seule l'aspect plate-forme est un peu moins présent, mais l'on ne s'en plaindra pas.
Pour se rendre dans ces mondes, il n'y a qu'une seule solution tant décriée : le passage en Gummi Ship. Si les équipes de NOMURA ont un peu retravaillé l'ensemble, ces phases de shoot'em up sont encore presque aussi laides et inintéressantes que dans l'opus précédent. Vers la fin, certains tableaux inspirés de F-Zero ou de Star Wars sont un peu plus pêchus, mais ils restent tout autant en décalage avec le reste de l'aventure. Heureusement, une fois chaque passage ouvert, le joueur n'a pas à y revenir. Il peut arpenter tranquillement les mondes (et y sauvegarder toutes les dix minutes ou presque). L'occasion de baver sur l'aspect technique très impressionnant pour une PS2 vieille de six ans. KH II améliore encore les graphismes et l'animation de son aîné, pour atteindre une précision et une fluidité parfois très impressionnantes. En y regardant de plus près, les niveaux sont toujours aussi désespérément petits, vides et linéaires mais c'est l'un des retours de force d'une mise en scène aussi scriptée.
Car Kingdom Hearts emprunte plus à Disney qu'à Squeni dans sa mise en scène. Du coup, ce qui paraît bon enfant pour certains peut en énerver d'autres par un côté niais et plan-plan, appuyant par exemple avec insistance le prochain objectif d'un jeu déjà très linéaire. Non seulement ce deuxième épisode reprend scrupuleusement les bases de gameplay et de narration du premier, mais il se paye le culot d'être encore beaucoup plus bavard et moins interactif que celui-ci. L'exploration est réduite à son plus strict minimum, vous laissant arpenter quelques secondes des couloirs de pièces minuscules, dans lesquels les coffres contenant les objets ne sont même plus cachés. C'est parfois frustrant de suivre une cinématique de plusieurs minutes avant qu'un personnage vous dise « Let's go to this room to see that », pour ne finalement n'avoir qu'à faire trois pas avant qu'une nouvelle longue séquence non jouable se lance. Et lorsque l'on souhaite tout de même explorer les environs, Sora ne se gêne pas pour nous l'interdire avec un « Hey, he/she told us to get there ! »... Vite énervant.
Heureusement, le jeu se rattrape sur son système de combat qui améliore et hétérogénéise celui de son prédécesseur. KH II ajoute aux manas élémentaires et aux invocations les « Drive » (furies), les limites et les attaques combinées avec le protagoniste du monde visité. L'un dans l'autre, le système s'avère finalement très varié, presque trop puisque peu de possibilités sont indispensables. L'on peut par exemple finir le jeu en mode normal, rien qu'en bourrinnant sur le bouton croix. Reste que les combats sont plus beaux et plus variés que dans le premier épisode, grâce à de nombreux effets spéciaux et aux mises en scènes renforcées par l'ajout de mini QTE pendant certains combats importants. Avec les nouvelles musiques excellentes (signées SHIMOMURA Yoko), des combos aériens multipliés, certaines joutes sont tout simplement grisantes. Heureusement, car les combats sont le gros de la partie interactive du jeu...
Il va sans dire que ce deuxième volet propose toujours autant de références à Disney, ce qui ravira les fans ou tout au moins ceux qui ont grandi avec leurs films d'animation. Malheureusement, l'on visite certains mondes déjà explorés dans le premier, tels qu'Atlantica, Halloween 🎃 Town, Olympic Coliseum ou Agrabah. Ces revisites n'apportent finalement pas grand chose au scénario (ça sent la réutilisation facile d'éléments 3D) alors que d'autres n'ont encore pas été visités dans aucun des épisodes. Pourquoi ne pas arpenter Le Livre de la Jungle, La Bande à Picsou, Les Aristochats, Fantasia, La Planète au Trésor, Dingo & Max, Kuzco, ou encore Atlantis ? Certains nouveaux mondes, s'ils ne sont pas nombreux, restent exceptionnels. Je pense notamment à l'univers en noir & blanc qui regorge de références, de clins d'oeil et d'animations fabuleuses. Dommage qu'il soit si court !
L'équipe de NOMURA a bien sûr également intégré de nombreux clins d'oeil aux univers Squeni, surtout Square, avec encore plus de persos issus des FF. Globalement, le mélange se fait toujours aussi correctement, appuyé par un doublage de qualité. Squeni nous a une fois de plus sorti la grosse artillerie, avec les doubleurs officiels des protagonistes Disney, et des poids lourds de l'audiovisuel américain pour les autres. L'on citera notamment Haley Joel OSMENT (qui a mûri au bon moment pour Sora), Christopher LEE, Jesse McCARTNEY, Rachael LEIGH COOK, Mena SUVARI ou encore David BOREANAZ. Et cette bonne vieille UTADA, bientôt au chômage qui tient le coup et pousse à nouveau la chansonnette avec « Passion » pour enrober le tout. Que demander de plus ?
On s’attendait avec ce Kingdom Hearts II, à travers les nombreuses bandes-annonces alléchantes, à de nettes améliorations. En fait, seul le système de combat a réellement été touché. Pour le reste, le jeu semble encore plus limité dans son exploration et, plus globalement, dans son interaction. Avec une aventure parfois disparate, c’est le retour de bâton d’un genre qui mise tout sur la mise en scène. KH II n’est pas une véritable expérience de jeu, plutôt un A-RPG compétent dans son melting-pot mais définitivement faiblard sur d’autres points. Considérez-le comme un add-on au premier opus et vous saurez tout de suite si vous accrocherez.
Si c’est le cas, comme moi, la séquence post-générique final devrait vous faire baver sur le futur troisième opus PS3. Car Sora, Goofy, Donald, Mickey et consorts, en CG, ils ont vraiment de la gueule !