Remember me (test)
Dans l'ombre écrasante de Last of Us qui débarque à peine quelques jours plus tard, le petit studio français Dotnod a décidé de sortir son propre triple A, après 5 ans d'un développement presque familial. D'abord soutenus par Sony puis par Capcom, ces cinq potes vétérans d'Ubisoft, EA ou encore Criterion ont mené à bien leur titre cocorico dans un néo-Paris de 2084, romancé par l'écrivain de science-fiction Alain Damasio (La Horde du Contrevent). Alors, Remember Me est-il un jeu dont on se souviendra ?
Ce qui frappe d'abord lorsque l'on plonge dedans, c'est l'univers incroyable imaginé par Aleksi Briclot. La direction artistique de ce Néo-Paris est exceptionnelle, livrant des accents mâtinés d'Asimov, Orwell et K.Dick. Les inspirations, nombreuses, vont même piocher chez Bilal, Le Cinquième Élément ou, plus proche de nous, Mirror's Edge. Entre toutes ces références, Remember Me parvient à se constituer une véritable identité, accentuée par d'excellents choix esthétiques, d'habillage et de design. Mais il y a également la bande sonore électronique fabuleuse d'Olivier Derivière, dont on n'a certainement pas assez parlé, et qui vient accompagner avec inventivité le gameplay, laissant des respirations calmes et réagissant aux combos en temps réel. Une réussite incroyable !
J'en profite pour poser un gros panneau de vigilance vis à vis de la localisation française. Pour ma part, comme d'habitude j'ai parcouru le jeu en version originale (car Remember Me s'est construit pour une diffusion à l'international) mais il semblerait que la traduction dans la langue de Molière souffre de libertés et d'interprétations douteuses, qui trahissent potentiellement son univers et son ambiance.
Manette en main, le jeu fonctionne immédiatement puisqu'il reprend les codes de l'action-aventure à la troisième personne, certes parfois un peu raide. Son schéma de gameplay reste relativement basique, s'appuyant sur des phases plateforme sans véritable exploration. Le titre montre en effet rapidement son dirigisme à travers une forte linéarité qui trahit la taille réduite de son équipe. Remember Me s'avère très facile à décrypter (passer de couloirs à une arène signifie immanquablement qu'un combat va se déclencher) d'autant qu'il affiche les éléments interactifs en surbrillance et active trop rapidement les indices visuels et textuels, même en mode normal.
Heureusement, le déroulement n'en est pas moins plaisant et accrocheur ; il trouve rapidement son rythme et une certaine dynamique malgré le carcan de progression limité. Presque un tour de force, là où les environnements manquent parfois de variété, semblant trop tourner autour de la Bastille, du secteur 404 (joli clin d'œil) et de Saint Michel. On aurait aimé en voir plus de ce Néo-Paris si fascinant. En pointillés, Remember Me innove avec d'excellentes séquences de remix mémoriel qui fonctionnent très bien et montrent une vraie bonne idée de gameplay, sans en abuser.
La deuxième vraie patte créative se trouve plutôt du côté des combats, plus tactiques qu'ils ne veulent bien le laisser croire au début. Reposant sur un système classique de combos, ils se développent grâce à différentes attributions de coups, à customiser en fonction de caractéristiques d'amélioration. Encore une idée lumineuse, dont on aperçoit les limites mais qui parvient agréablement à renouveler et personnaliser l'expérience. En sus, mais bien intégrées, les attaques spéciales viennent compléter un tableau technique aux petits oignons, et sans armes à feu 🔥 (ouf !).
Remember Me sait parfaitement accrocher le joueur et se savoure très rapidement, dans un scénario finalement un peu simpliste qui s'octroie quelques raccourcis narratifs. Il dévoile alors une facette un peu sèche, étonnamment décalée (à l'image des mèches ringardes de Nilin, son héroïne, pourtant superbe femme métisse) et qui trahit peut-être un manque d'expérience. Il s'avère, cela dit, sans doute mieux fini que Heavy Rain. On se prend alors à rêver d'une suite plus consistante et plus variée, à la hauteur de ses ambitions. Reste qu'en l'état, pour un premier essai, Dontnod a frappé très fort et pour cela, on ne peut que leur tirer notre chapeau.