Abysse de Kanmangafuchi
Les mystiques statues Jizo alignées de Nikko
L'abysse de Kanmangafuchi est une gorge naturelle de quelques centaines de mètres au bord de la rivière Daiya, située dans la ville de Nikko au nord-ouest de la préfecture de Tochigi. Elle appartient au sentier historique Kanman et abrite le temple Jiun-ji, connu pour ses 74 statues bouddhistes alignées : Narabi Jizo. Agréable et mystérieuse à la fois, cette visite permet de se retrouver au contact de la nature sauvage de la région.
Petit village de montagne au nord de Tokyo à la portée historique immense, Nikko est une destination incroyable pour les touristes. Elle attire chaque année, et c'est mérité, des millions de visiteurs japonais et étrangers qui viennent découvrir notamment les merveilleux mausolées des Tokugawa, classés au patrimoine de l'Unesco.
À quelques centaines de mètres de là où se concentre l’essentiel de la foule, on découvre le sentier historique Kanman qui s'étend sur 5 kilomètres environ : du bâtiment public Nikko Sogo Kaikan jusqu'à la villa Tamozawa, en passant par la gorge Kanman-ga-fuchi. Au cœur de cette nature sauvage, on part à la rencontre de surprenants vestiges bouddhistes ayant survécu à la crue importante de la rivière Daiya de 1902. Coiffées de leur bonnet et de leur bavoir rouges, les statues en pierre de Bosatsu Jizo (la divinité gardienne des pèlerins et des enfants morts prématurément) se comptent ici par centaines.
Joko-ji : le temple introductif à la gorge Kanman-ga-fuchi
Le chemin Kanman débute par la traversée d'un quartier résidentiel puis du temple Joko-ji, dont les origines remontent à plus de 1.200 ans. Malgré une taille et une architecture modestes, il abrite quelques reliques intéressantes pour les amateurs d'Histoire et de spiritualité, notamment :
- Bonsho, la plus ancienne cloche de Nikko qui date du milieu du XVe siècle ;
- Kanman Oya Jizo On Kubi, la tête de l’une des deux plus grandes statues Jizo qui se trouvaient autrefois le long de la rivière ;
- Sugegasa Higiri Jizo, une statue de Jizo pourvue d’un chapeau de bambou (accessoire plutôt rare) et enfermée dans son autel ;
- et Michibiki Jizo, un petit pavillon ouvert en bois qui abrite 3 statues de Jizo, dont la plus ancienne au centre daterait de 1550. Michibiki, qui signifie "le guide", accompagnerait ainsi l’esprit des défunts au royaume de Bouddha.
L'itinéraire continue ensuite par un pont qui enjambe la rivière Daiya et le passage par une clairière, avant d'arriver jusqu'à la porte du Jiun-ji.
Jiun-ji : le temple des 74 statues Narabi Jizo
Le temple Jiun-ji est fondé en 1654 par Kokai, un moine bouddhiste de haut rang et ancien disciple du maître Tenkai (1536 - 1643). Entièrement emportés par la grande crue de 1902, les bâtiments d'origine ont disparu et ont été remplacés par un unique et petit pavillon principal Hondo, reconstruit en 1973.
Les protagonistes du Jiun-ji, qui font la renommée de l'abysse de Kanmangafuchi, se dévoilent enfin. À mesure que l'on progresse dans la pénombre de la forêt environnante de la gorge, on distingue sur le bord du chemin face à la rivière un alignement de 74 statues de Jizo, baptisées :
- Narabi Jizo (並び地蔵), c'est-à-dire "les Jizo alignés" ;
- ou Bake Jizo qui signifie "les Jizo fantômes", car il est difficile de compter exactement le même nombre de statues 2 fois de suite.
Au nombre d'une centaine à l'origine, elles ont été offertes par les disciples de Tenkai au temple. Certaines ont disparu à la suite des assauts de la rivière, comme le couple Oya Jizo, les plus grandes en taille et qui représentaient les parents Jizo. D'autres, à peine reconnaissables, ne sont plus composées que de quelques cailloux et d'un bavoir déposé sur le socle.
Un peu plus loin, on remarque le pavillon Reihikaku (霊 庇 閣), également reconstruit et qui servait autrefois pour les cérémonies de feu 🔥 consacrées à Fudo Myo, l'un des 5 rois du savoir et associé au feu et à la colère.
L’atmosphère qui règne au fond de l'abysse est fortement empreinte de mysticisme, notamment grâce au bruit de l'eau qui coule en contrebas et aux différentes expressions des visages des Jizo que l'on distingue sous la mousse. Cette visite ne laissera pas indifférents les touristes de passage.
On déconseille par ailleurs de s'approcher de trop près du lit de la rivière Daiya. Composées de gros rochers formés par une éruption de lave du Mont Nantai, ses rives sont glissantes et très dangereuses. Le risque de chute est élevé notamment pour les jeunes enfants et les personnes les plus fragiles. On imagine sans mal à quel point ce qui semble être un havre de paix verdoyant peut se transformer en un lieu hostile et destructeur en cas de pluies ☔️ diluviennes.
Suite et fin du chemin Kanman
Arrivés au bout de l'enceinte du temple Jiun-ji et de la gorge Kanman, on peut soit revenir sur ses pas, soit continuer le sentier historique. Pour cela, on traverse le pont Dainichi (大日橋) et l'on rejoint ainsi la ville par la route 120, un axe fréquenté qui comprend quelques attractions à découvrir, par exemple :
- le monument dédié au Haiku du poète Matsuo Basho (1644 - 1694), poème écrit suite à son passage par Nikko en 1689 ;
- Junshi no Haka, le cimetière des 5 vassaux qui se sont suicidés à la mort de Tokugawa Iemitsu (1604 - 1651) ainsi que les tombes des 19 autres vassaux ayant servi les deux premiers shogun Tokugawa ;
- Shaka-do, un petit temple bouddhiste dédié à Shaka Nyorai ;
- et le Parc Mémorial de la Villa Impériale Tamozawa, vaste bâtisse traditionnelle construite en 1899 pour l'empereur Taisho.
Le sentier Kanman se révèle facile à appréhender, plutôt plat et sans dénivelé important autre que quelques marches. On se laisse emporter par ses paysages verdoyants et son atmosphère envoûtante, loin de la foule touristique. Une fois la boucle terminée, le retour jusqu’à la gare de Nikko peut se faire à pied pour les plus courageux (compter 3 kilomètres) ou bien en bus ou en taxi.