Card Captor Sakura
Sakura de Clamp : manga et épisodes animés
Depuis quelque temps, la série Card Captor Sakura 🌸 des CLAMP fait entendre parler d'elle. En manga bien sûr, puisque le 9ème volume vient de paraître ; mais aussi à la télé, où la série est diffusée -en boucle- sur Fox Kids et désormais sur M6 ; ou encore en films édités en DVD, dont le second et dernier est paru le 25 Janvier dernier ; sans oublier les innombrables goodies (posters, stores, figurines, soudtracks, et même jeux vidéo 🎮) que l'on trouve dans toutes les bonnes boutiques d'import. Bref, CardCaptor Sakura -CCS- est devenue en peu de temps l'une des séries les plus connues de la japanimation. Mais au-delà de l'image shôjo que l'on veut bien lui accorder, CCS offre également une approche rafraîchissante de l'univers du manga en mêlant l'humour traditionnel japonais à des références mythologiques propres à CLAMP.
Les bases du scénario
Le synopsis de Card Captor Sakura prend place dans la ville de Tomoeda. KINOMOTO Sakura, l'héroïne de la série, y mène la vie quotidienne banale d'une fillette de 10 ans, en compagnie de son grand frère Tôya et de son père Fujitaka. Sa mère, Nadeshiko, est décédée alors qu'elle n'avait encore que 3 ans. Un jour, Sakura ouvre un livre étrange dans la bibliothèque de son père, et de la reliure sort "le fauve protecteur du sceau sacré" nommé Kerberos, qui prend dans un premier temps la forme d'une petite peluche orange. Kero-chan (tel que Sakura le nomme) prévient alors la nouvelle "prétendante" que des cartes magiques appelées CLOW Cards se sont échappées de l'ouvrage lors de son ouverture, et qu'elle doit impérativement les retrouver pour éviter qu'un mystérieux fléau ne s'abatte sur le monde. Pour cela, la fillette possède une clé qui se transforme à sa guise en sceptre, de manière à invoquer les pouvoirs des cartes qu'elle aura récupérées.
A première vue, vous pourrez le constater, l'amorce du scénario n'offre guère de renouveau dans l'univers du manga ; et cela transparaît dans le déroulement de l'histoire. Certes, la recherche des CLOW Cards se révèle assez agréable à suivre, et évite globalement l'écueil pourtant facile des redondances. Il faudra toutefois attendre les volumes / épisodes suivants, à partir de l'arrivée de MIZUKI Kaho, pour voir alors l'intrigue s'étoffer et offrir une profondeur de scénario légèrement plus recherchée à défaut d'une variété réellement accrue. Puisque, même si l'après-jugement final nous semble dans un premier temps assez pauvre, il recèle sans doute les meilleurs moments de la série.
Le manga
Les CLAMP ne se dérobent pas aux canons inaugurés avec leurs précédentes productions - Magic Knight Rayearth, Tôkyô Babylon ou encore X. Ainsi, le trait est encore une fois magnifiquement travaillé. Bien sûr, on retrouve le graphisme éthéré propre aux quatre mangaka, avec des cases et bulles assez larges, ce qui offre une nouvelle fois des pages extrêmement claires et rapidement parcourues. Toutefois, ces tracés raffinés n'offrent pas que des personnages vides de matière ou en super deformed - cette dernière technique pourtant parfaitement maîtrisée par cette équipe. L'intrigue permet de temps à autre de se focaliser d'une part sur de superbes plans faciaux mettant notamment en exergue les pupilles enchanteresses des protagonistes, et d'autre part sur les imposants artworks étalés sur une voire deux pages entières, annonçant la capture d'une CLOW Card, et conduisant avec maestria notre héroïne au sein d'une myriade de créations élémentaires ou naturelles. Le graphisme est donc protéiforme et lunatique, évoluant du fantasque au pondéré très rapidement. Néanmoins, ces changements de style ne perturbent pas la lecture du manga ; au contraire, ils participent à rythmer agréablement son scénario. Tour à tour, les protagonistes sont sérieux, frénétiques ; le lecteur passe de la dramaturgie au désopilant non sans un sourire de satisfaction. Dans tous les cas, il est littéralement dirigé, sur 12 volumes seulement, par le génie de CLAMP en grande forme, pour son plus grand plaisir.
La série animée
Réalisée par ASAKA Morio, débutée le 7 Avril '98 au Japon et s'étalant sur 70 épisodes et 3 saisons, la série animée inspirée du manga respecte assez correctement l'esprit de la version papier. La mise en couleurs, en particulier, se révèle particulièrement adaptée, avec ses teintes colorées et des dominantes rosées. Le trait est parfaitement conforme, toutefois il manque encore des somptueux plans très rapprochés (qui se font tout de même de plus en plus présents au fur et à mesure de l'avancée de la série), et l'on est déçu également par une utilisation de la technique SD trop discrète. L'animation, par contre, sans être du niveau d'un film ou même d'une OAV, reste d'excellente facture, et de surcroît parfaitement employée pour les situations drolatiques.
A noter que c'est TAKAHASHI Kumiko qui s'est occupée du chara-design ; elle avait déjà travaillé sur l'OAV Mermaid's Scar.
Du côté de la technique, donc, la qualité d'ensemble se révèle assez satisfaisante, et le studio Madhouse a fait du bon travail. Il est tout de même fortement conseillé de se procurer l'un ou même les deux DVD des films CCS, pour constater qu'ils ont profité d'une qualité d'ensemble encore supérieure, et qui donne sa pleine mesure au synopsis général. De grands moments en perspective, en particulier de sublimes tableaux accompagnés par un background musical en 5.1.
Pour ce qui est de la bande sonore, force est de constater qu'elle est en parfaite adéquation avec l'univers de Sakura. NEGISHI Takayuki a fait du très bon travail. Les différents thèmes sont excellents, certains discrets, d'autres qui contiennent des envolées ; elle reste très agréable à tout moment, à l'image du Kero-Chan no Thema ou de l'excellent générique Catch You, Catch Me.
Pour ce qui est du doublage, les seiyû qui ont travaillé pour Card Captor Sakura se révèlent assez connus. C'est un HISAKAWA Aya (Aa Megami-sama, Sailor Moon, Utena, Trigun) qui nous offre des moments hilarants avec Kero-chan ; IWAO Junto (Horaki dans Eva, X) nous régale avec la voix de Tomoyo, en particulier ses rires fabuleux ; KUMAI Motoko se révèle assez convaincant pour Shaolan ; OGATA Megumi est parfaite (eh oui !) pour Yukito - elle avait interprété, entre autres, Shinji dans Shinseiki Evangelion ; SEKI Yomokazu (Tôji dans Eva, Van dans Escaflowne...) est parfait pour le rôle de Tôya. Et pour finir, TANGE Sakura s'occupe de la voix de... Sakura ; elle avait déjà interprété Midori dans Tokimeki Memorial. Sa prestation est bien sûr très convaincante ("woeeee !"), et ce seiyû s'imprègne bien de son personnage.
Ceci dit, même si la forme est d'excellente facture, l'anime reste plus discret sur l'androgynie ou les relations amoureuses assez floues entre les protagonistes. On aurait aimé, comme dans le manga, plus d'ambiguïté entre les relations ; même si, encore une fois, un -petit- virage est pris pour les 10 derniers épisodes.
Globalement, donc, et malgré quelques changements dans le déroulement de certains chapitres (bonjour Meiling !), la série animée CCS respecte plutôt bien le travail de base des CLAMP et traduit presque tous ses desseins à l'écran.
La version française
Pour ce qui est de la translation du manga, elle se révèle assez efficace, et presque totalement dénuée de fautes de langue ; elle ne pose ainsi aucun problème majeur pour la compréhension du synopsis. Les touches d'humour sont parfaitement traduites, et le charme de la série ne s'efface quasiment pas avec la localisation. Seul regret : la tentative pourtant bienveillante d'adaptation, pour Kero-Chan, de l'accent d'Ôsaka, passe assez mal avec l'accent marseillais. On pardonne finalement, car les interventions typiques de la Cannebière s'atténuent au fil des pages. Petit clin d'œil : la traduction a été réalisée par Reyda SEDDIKI, ex-pigiste de feu 🔥 Player One.
A noter la sortie courant octobre d'un recueil d'illustrations (volume 1) contenant un petit manga et des commentaires sur les illustrations.
On peut formuler, en revanche, plus de critiques à l'égard de la localisation de l'anime. En premier lieu, les noms de quasiment tous les personnages ont été changés : Thomas pour Tôya, Tiffany pour Tomoyo, Lionel pour Shaolan, Mathieu pour Yukito, Stéphanie pour Meiling, Dominique pour Fukitaka, Nathalie pour Nadeshiko, Yvon pour Yamazaki, Anthony pour Eriol, Samantha pour Nakuru, Gothar (?!) pour Spinel, etc. Si l'intention n'est pas mauvaise, les noms ne collent absolument pas à l'ambiance du DA, et dénaturent totalement la version originale. Heureusement que Sakura, Kero/Kerberos et Yue n'ont pas été touchés !
Les voix françaises demeurent assez correctes dans l'ensemble, en particulier celle de Sakura, interprétée par Patricia LEGRAND (qui double également Ed dans Cowboy Bebop). Bel effort, qui ne mériterait pourtant pas d'être souligné : chaque personnage dispose -presque- de sa propre voix, ce qui n'est pas un luxe dans la localisation de séries japonaises animées. Pourtant, certains doublages sont encore assez médiocres, en particulier ceux de Shaolan, Nakuru et de Eriol.
En revanche, la diffusion de la série sur M6 n'est guère satisfaisante. Si l'on excepte les épisodes diffusés plus ou moins dans le désordre et l'impression de couleurs "passées" et trop claires, la plus grosse erreur reste l'adjonction d'un générique stérile. Si le générique US n'était déjà pas brillant, celui-ci dépasse largement les limites du mauvais goût. Sans oublier le clip -et la chanteuse- qui l'accompagnent, absolument ridicules et méchamment caricaturaux. Encore une facette de la médiocrité des dirigeants de la chaîne, qui ne contribuent pas ici à améliorer l'image du manga en Europe.
L' "œuvre" Sakura
Card Captor Sakura est donc un manga qui puise ses sources d'inspiration dans le shôjo manga et le panthéisme, c'est à dire des thèmes très chers aux CLAMP. Bien sûr, certains lecteurs n'apprécieront pas l'intrigue (on est loin du shônen, et pour cause), dont la cible principale demeure les jeunes japonaises. Néanmoins, CCS nous offre tout de même un point de vue intéressant de la vie japonaise, de ses croyances et de ses relations à la magie et aux esprits. Et ce point de vue est abordé naïvement, sans violence, sans sexe (voyons !) ; ce qui est presque rafraîchissant. S'il passe outre l'intérêt des auteurs pour le stylisme -qui transparaît en bloc grâce à Tomoyo- et les amourettes de jeunes écoliers timides, le lecteur découvrira une autre façon d'aborder les relations entre les protagonistes, pas forcément décelable par un jeune public. Et c'est ce qui fait un bout du charme (et peut-être du succès) de Card Captor Sakura, le message délivré n'est pas le même pour tous les spectateurs. Ainsi, l'amateur de japanimation pourra s'interroger sur les caractéristiques androgynes des personnages masculins (Yukito -prénom féminin- en première ligne, mais aussi Tôya), sur l'ambivalence de plusieurs personnages (Yue, bien sûr, mais aussi Tôya et Tomoyo), ou encore sur les relations amoureuses et d'amitié plutôt floues (Yukito semble faire bien des émules : Sakura, Shaolan, Tôya...). En outre, l'entourage de Sakura aime à cultiver un mystère que le lecteur / spectateur averti se plaira à découvrir au fil de sa lecture / vision.
Le manga participe également à dévoiler au public l'intérêt de CLAMP pour les phénomènes magiques et surnaturels. Fantômes, réincarnation, pouvoirs magiques, etc. Des thèmes abordés sans grande profondeur (n'oublions pas que l'action est vue par les yeux d'une fillette de dix ans), mais qui permettent de s'approcher un peu plus sur les croyances qui ont une part assez importante dans la tradition japonaise.
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Si vous passez outre les quelques facilités du scénario, obligatoires pour s'attirer la ferveur du jeune public, vous pourrez vous intéresser avec Card Captor Sakura à une histoire assez travaillée (en tout cas plus qu'elle n'y paraît) qui aborde divers thèmes magiques et religieux propres à la culture nippone, et qui fera de temps à autre le bonheur de votre glande zygomatique. Pas une œuvre culte, mais un divertissement rafraîchissant et intéressant.
Arc "Clear Card"
Le 13 septembre 2017, Card Captor Sakura reprend, 18 ans après la fin de l'animé original !