Léo Roi de la Jungle
Le Roi Léo, film d'Osamu Tezuka
Jungle Taitei représente l’une des séries essentielles de l’histoire de la bande dessinée. TEZUKA Osamu, considéré comme le père du manga, a d’abord écrit l’histoire originelle dès 1951 dans Manga Shônen, sur six cents planches N&B. Elle sera déclinée en deux séries d’animation (celle de cinquante-deux épisodes, en 1965, est la première série télévisée japonaise en couleurs), ainsi qu’en deux longs-métrages d’animation. Le premier, produit en 1966 et réalisé par TEZUKA lui-même, remportera le lion d’argent au festival du film de Venise. Il aura fallu huit longues années au second Jungle Taitei, réalisé par TAKEUCHI Yoshio (réal sur la série Cat’s Eye), pour débarquer sur les écrans français sous le titre Léo, Roi de la Jungle, grâce aux distributeurs Gebeka et Wild Side.
Le film s’ouvre avec la naissance de Lune et Lukio, lionceaux de Leo et Laia, et troisième génération de lions blancs dans l’histoire de la saga. L’histoire, originale, reprend toutefois beaucoup des éléments lus dans le manga : protection de la jungle par le roi, découverte du monde des humains par son lionceau, violation du domaine animal par des chasseurs de trésors malfaisants, etc. Globalement, l’ombre de TEZUKA (morale sur la soif de pouvoir déraisonnée, violence réaliste de certaines images, etc.) et les thèmes qui lui sont chers (écologie, sauvegarde des animaux et de la planète, etc.) planent sur le film. Ceci pour le meilleur, car cela signifie que les valeurs chères au maître ont été respectées. Par exemple, le design caractéristique des personnages est immédiatement reconnu, autant voire plus que dans Metropolis. L’on aperçoit même le dessinateur lors d’un plan furtif (au cirque, dans le public), comme lorsque BERNASCONI intégrait HERGE dans chaque épisode des Aventures de Tintin.
Contrairement à Metropolis, ce Jungle Taitei a bénéficié d’un budget très limité, ce qui s’en ressent dans l’enrobage technique. Par rapport à Princesse Mononoke, sorti la même année, c’est le jour et la nuit. Les personnages restent accrochés à leurs celluloïds, pour une intégration rarement discrète. Parfois, l’on note même une pixellisation des contours, notamment lors de plans trop rapprochés. En outre, les mouvements de caméras se révèlent, dans l’ensemble, tout sauf naturels, lorsque l’animation n’est tout simplement pas affreusement saccadée. Certaines rares rotations demeurent efficaces mais, dans l’ensemble, le film pêche par son absence de recours à l’infographie, et aurait dû s’en tenir aux possibilités maîtrisées par l’animation manuelle et un budget serré. L’accompagnement musical s’avère en revanche beaucoup plus réjouissant ; la bande-son emphatique remplit parfaitement son rôle de descriptif narratif. De fait, le doublage sera très effacé au profit de passages contemplatifs.
Le rythme du film ne faiblit jamais. Pourtant, dans sa narration, la fresque temporelle semblera très saccadée et laissera un arrière-goût de « suite de saynètes ». Jungle Taitei s’en sort grâce à des acmés narratives et poétiques toutes « tezukiennes ». Si je ne salue vraiment pas la piètre performance technique, l’esprit du maître comme ses profondeurs thématiques restent présents. Et rien que pour cela, ce film vaut le coup.