Metropolis, Osamu Tezuka
Film de Katsuhiro Otomo
Metropolis est avant tout un projet gargantuesque, imaginé comme un cadeau mortuaire au grand TEZUKA Osamu, considéré comme le père du manga moderne. Pour marquer le coup, le long-métrage sera dirigé par des vieux de la vieille, pontes du milieu, parmi lesquels RINTARÔ à la réalisation et ÔTOMO au scénario. A ceux-ci s’ajoute une liste de crédits techniques et de sponsors longue comme une statue de Bouddha, réquisitionnant pas moins de trois studios de production. Conçue avant même les débuts d’Atom Taishi Astro, entre les Lost et Next World, l’histoire de Metropolis selon TEZUKA n’a, paraît-il, aucun rapport autre que superficiel avec le célèbre film de Fritz LANG sorti en 1926, s’étant inspiré seulement de son affiche.
Il n’en conte pas moins des aventures humanoïdes dans la célèbre mégalopole divisée en secteurs de richesse. Pour ce faire, la batterie de graphistes et d’animateurs a conçu un enrobage technique à la hauteur de l’imagination du vieux mangaka. Tout est très alléchant : des sublimes décors infographiques aux effets de lumière excellemment utilisés en passant par la musique jazzy très adéquate, le spectateur s’en prend plein les mirettes. Et si les couleurs utilisées semblent un peu ternes et manquent rapidement de pêche, elles ont le mérite de s’adapter intelligemment au ton du film. Les personnages, dessinés à la TEZUKA, marquent deux contrastes techniques : l’incrustation 2D sur 3D pas toujours à la hauteur, et la saccade des mouvements trop perceptible.
C’est hélas le premier point noir d’une série pas si longue, mais lourde de conséquences. Car le bât blesse, pour Metropolis, précisément dans le traitement du scénario. L’histoire se veut moins naïve que celle imaginée cinquante ans plus tôt par TEZUKA : un magnat du pouvoir commande à un savant génial une androïde capable de fusionner avec le super ordinateur mondial afin de régner sur le monde. Si l’on frise la série Z américaine avec une telle ligne scénaristique, l’ombre du sieur Osamu plane heureusement au-dessus du film.
Seulement, cette surenchère technique absorbe littéralement tout développement des personnalités : Tima n’a pas l’air de vouloir devenir humaine une seule seconde ; Ken’ichi sera inexorablement héroïque et déterminé. Le script d’ÔTOMO manque également de descriptions et d’explications sur les motivations des protagonistes comme sur les environnements. Les personnages semblent ne pas s’arrêter de courir, oubliant par-là même de nous expliquer réellement après quoi. On a bien notre gros méchant, nos très gentils, des gens riches et propres en haut contrebalancés par les pauvres et sales (de la Metropolis d’)en bas. Mais les motivations non exploitées achèvent d’enfoncer le film dans un manichéisme aiguisé.
Quant au personnage principal, s’il était original à l’époque, il ne l’est plus du tout dans un XXIè siècle tellement anti-kitsch qu’il balaye les « qui suis-je ? » velléitaires d’un revers de japanimation. Ainsi, les questions que le film pose sur la conscience d’un robot, et sur la reproduction puis le clonage biologique des humains, sont trop superficiellement développées pour prétendre à un intérêt particulier. De toute façon, Metropolis a définitivement trop fait pencher la balance en faveur de la performance visuelle. D’où un film déséquilibré : absolu régal pour les yeux, mais pure boutade pour les neurones. En cela il constitue une déception à la hauteur de l’attente qu’il avait suscitée.