Demon Slayer : le train de l'infini (critique)
Un film en demi-teinte malgré ses records d’entrées
Le train de l'infini est un film d’animation issu de l’anime Demon Slayer, lui-même adapté du shonen manga à succès Kimetsu no Yaiba. Dessiné par le mangaka Koyoharu Gotoge, l'intrigue désormais terminée à été publiée au Japon à travers 23 volumes de 2016 à 2020, et en France chez Panini Manga depuis septembre 2019. L'animé est diffusé sur Wakanim depuis 2019.
Autant aborder immédiatement le point évident : la particularité du film Mugen Train 🚅 est d’être devenu, quelques semaines après sa sortie le 16 octobre 2020, le film le plus vu de l’Histoire du cinéma japonais. Avec près de 30 millions de spectateurs (1 Japonais sur 4 !) et plus de 40 milliards de Yens de recettes (~244,6 millions d'euros), il a détrôné l’exceptionnel voyage de Chihiro qui détenait la première place depuis sa sortie en 2001 avec ses 32 désormais petits milliards. Il a également trusté à lui seul 22% du revenu total du cinéma japonais en 2020, et est devenu le film le plus lucratif du monde cette même année !
Mise à jour -- À sa sortie en Blu-Ray et DVD mi-juin, il écoule ensuite plus d'1 million d'exemplaires en 3 jours !
Dans d’autres pays d’Asie, il casse également la baraque et jusqu’aux États-Unis où il est sorti en avril, son succès ne démérite pas avec 20 millions de dollars de recettes sur son premier week-end d'exploitation. En prévision de sa sortie en salles françaises ce mercredi 19 mai pour la réouverture des cinémas post-confinement, donc sans avant-première, les serveurs web des sites du Grand Rex et de CGR ont été saturés lors de la mise en vente des réservations de places. Mise à jour : le film a enregistré 330.000 entrées après 5 jours d'exploitation, soit le meilleur démarrage de la semaine et la 2ème place du box-office France, et 700.000 au bout de 6 semaines.
Nous avons donc visionné ce film événement pour vous livrer à la fois une critique scénaristique et technique, mais également une analyse de ce succès pour le moins inattendu. Avant de commencer, voici la bande-annonce en VOSTFR :
Comment expliquer ces records ?
Alors comment un "simple" film d'animation tiré d'un shonen, certes à succès, parvient à détrôner une œuvre artistique aussi aboutie que celle d'un Hayao Miyazaki au sommet de sa carrière, ou encore des poids lourds de l'Histoire du cinéma comme Your Name, La reine des neiges, Titanic ou Princesse Mononoké ? Mettons de côté le célèbre suivisme japonais, même s'il y est forcément pour quelque chose également.
Il y a d'abord l'effet Covid 🦠, contre-intuitif dans la mesure où l'automne 🍁-hiver 2020-2021 n'a vu quasiment aucune fermeture des cinémas au Japon, sous des niveaux d'infection relativement bas comparativement à de nombreux autres pays du monde.
Même si les salles nipponnes ont parfois subi des horaires réduits, la concurrence a logiquement été particulièrement faible, notamment de la part des grosses majors internationales du cinéma qui n'ont cessé de reporter leurs sorties depuis le début de la crise sanitaire (Marvel en tête de file). De grosses productions sont sorties directement sur les plateformes de VOD, tels que le grotesque Wonder Woman 1984, les Disney-Pixar Soul et Raya ou encore les gros muscles de Godzilla vs Kong.
Ensuite, contrairement à de nombreux films d’animation tirés de licences à succès (One Piece, Naruto ou Dragon Ball pour ne citer que d’autres shonen retentissants), il est essentiel de relever que le scénario du Train de l’infini n’est pas une histoire parallèle "fermée", avec son opposant inédit et son intrigue raccrochée de manière capillotractée à la timeline officielle de l’anime, mais bel et bien un arc canonique du manga et donc de l'animé. Si vous suivez Demon Slayer à la télévision japonaise ou en streaming et que vous ne souhaitez pas attendre plusieurs mois la sortie du film en Blu-ray, il est donc indispensable de se rendre en salles pour découvrir ce qui est en réalité la saison 2 de la série. Un pari osé (le premier du genre à notre connaissance) mais payant au final pour le producteur Aniplex et le distributeur Toho (et donc sans doute pas le dernier).
L’avis Kanpai sur le film
On pourrait diviser ce premier film Demon Slayer en 2 segments relativement distincts. Sans spoiler, l'affiche occidentale et la bande-annonce se réfèrent principalement aux 2 premiers tiers du long-métrage, avec son déroulement peu passionnant et Enmu, son antagoniste oubliable, tandis que le dernier tronçon se montre beaucoup plus intéressant. Le casting des chasseurs de démons se limite à Tanjiro (qui se montre d'ailleurs particulièrement effacé tout au long du film) et sa sœur Nezuko, accompagnés de Zenitsu et Inosuke, mais c'est surtout le personnage de Rengoku qui brille sur l'ensemble du scénario et évince aisément tout le reste. Sans lui, le long-métrage tombe littéralement à plat.
Au vu de son intégration au sein de la structure globale de l'histoire de Kimetsu no Yaiba, Le train de l'infini s'avère très "sec" dans son approche : c'est en effet comme si on avait un arc entier de l'animé (par exemple une vingtaine d'épisodes) synthétisé en un peu moins de 2 heures de film. Cela offre un aspect très appréciable car tout l'étirement caractéristique de l'animation japonaise est mis de côté pour se concentrer sur l'essentiel : l'intrigue de la "saison" et ses opposants. On se prendrait même à rêver que tous les animés arborent ce fonctionnement pour élaguer de nos vies chargées leur superflu interminable.
Sur la partie technique, il ne faut en revanche pas s'attendre à des merveilles. Si l'image et les couleurs s'avèrent très propres, avec de beaux aplats et des contours marqués, l'animation se montre correcte mais sans aucun effort particulier ; ce qui n'est pas vraiment à la hauteur de ce que l'on peut attendre d'un film d'animation (carton jaune au petit studio Ufotable pour l'occasion qui, à sa décharge, n'avait sans doute pas les épaules nécessaires). Mais les 2 sujets qui fâchent, ce sont plutôt les effets 3D basiques et indignes du milieu de film, ainsi que l'insupportable musique autotune délivrée par pointillés.
Enfin, notez ce dernier point indispensable : il est illusoire de vouloir s'introduire à Demon Slayer avec Le train de l'infini, de par sa dimension canonique. Il conviendra donc de s'enfiler d'abord les 26 épisodes de la première saison pour s'y lancer sereinement, avant l'arrivée de la saison 2 prévue en octobre 2021.