Xbox 360, PS3 et Wii : bilan d'une génération interminable
Guerre des consoles
C’était fin 2005. J’étais alors encore étudiant et je me souviens parfaitement de cette petite émeute lors du lancement de la Xbox 360. Nos télés étaient encore, pour la plupart, de gros écrans à tube, nous affichant une charmante image basse définition 4/3. C’était la première machine à lancer un nouveau cycle, complété l’année suivante par l’arrivée de la surprenante Wii et de l’imposante PlayStation 3. À cette époque, on tirait des plans sur la comète, imaginant un Nintendo devenu complètement fou à ne pas prendre le parti de la HD, en nous imposant le côté gadget du Motion Gaming, un Microsoft dont on pensait qu’il allait bien vite s’essouffler et un Sony qui devait tout écraser, malgré un ticket d’entrée difficilement accessible.
Début 2013, je ne suis plus étudiant et bien ancré dans ma carrière professionnelle. Malgré les changements de ces dernières années, deux choses n’ont pas bougé. La Xbox 360 et la PS3 représentent toujours ce que l’on pourrait qualifier de loisir console haut de gamme, rejointes par la Wii U en novembre dernier, premier mouvement dans la course à la nouvelle génération. J’ai failli attendre ! Cette industrie nous ayant longtemps habitué à des cycles courts, rien ne nous aurait laissé penser qu’une Xbox 360, sortie en 2005, ne sera remplacée que, au plus tôt, huit ans plus tard, fin 2013 ! L’occasion donc, même si elle n’est pas tout à fait finie, de faire un petit bilan de cette interminable génération.
Il s’en est passé des choses sur toutes ces années et une fois encore, cette lutte entre Microsoft, Nintendo et Sony nous aura appris que dans le milieu du jeu vidéo 🎮, à chaque génération, les cartes sont redistribuées. On n’attendait pas spécialement Nintendo et pourtant, la Wii a su séduire toutes les générations et finir en pole position avec plus de 90 millions de machines vendues. Microsoft a également su se trouver un public. D’abord plutôt prise pour une alternative bon marché à Sony, la Xbox a su s’imposer grâce à des franchises fortes, Halo et Gears of War en tête, et un service en ligne irréprochable, bien qu’onéreux. Quant à la PlayStation 3, le rouleau compresseur est resté en panne, la faute à un prix d’entrée trop élevé, une architecture ésotérique pénalisant les développements multi-supports et un Sony plombé par ses contres performances financières, n’ayant plus les moyens de ses ambitions. La course à la deuxième place est tellement serrée que l’on devra faire les comptes bien plus tard. Une chose est sûre toutefois, le marché n’aura que rarement été aussi équilibré entre les trois acteurs.
Conséquence directe de cet équilibre, les éditeurs arrosent large et ne se montrent plus trop enclins à accorder une exclusivité. Les unes après les autres, les grandes franchises des ères PlayStation 1 et 2 ont fait leur chemin vers d’autres systèmes, le point culminant étant sans aucun doute l’annonce de FFXIII sur Xbox 360. Jamais un FF n’avait été multi-supports à son lancement et comme pour le passage de FFVII de la Nintendo 64 à la PlayStation, les réactions les plus délirantes ne se sont pas faites attendre, amplifiées par notre monde ultra-connecté. Dans cette nouvelle donne dictée par les éditeurs tiers, Microsoft a clairement su tirer son épingle du jeu. Avec un hardware puissant, équilibré et abordable, la grande majorité des jeux sortants sur toutes les machines se sont avérés meilleurs sur Xbox. Pas toujours de beaucoup, mais il faut bien l’avouer, la puissance du Cell et tout le discours marketing tendance mythomane de Sony n’aura pas vécu longtemps. Revers de la médaille de ce partage quasi parfait des jeux des éditeurs tiers, les exclusivités se sont déplacées ailleurs, dans ce que je qualifierai du tâcheron de cette génération : le DLC.
Apparus timidement en début de génération, plus pour des questions de personnalisation que de réels ajouts de contenu, ces petits morceaux de jeux téléchargeables moyennant, bien trop souvent, paiement ont vite envahi notre quotidien de joueur. Lorsqu’il ne s’agissait que de bonus, ou de réelles extensions, il n’y avait pour moi aucun souci. Pourtant, avec les budgets de développement qui augmentent et les ventes qui diminuent, il n’aura pas fallu très longtemps pour que les éditeurs en profitent plus que de raison. Personnages de jeux de combats à payer déjà présents sur le disque, jeux pas fini avec fin en DLC payant, jeux en kit ou jeux dont les slots réservés aux DLC sont déjà visibles à l’allumage et j’en passe. Comme si cela n’était pas suffisant, les constructeurs ont donc justement décidé de jouer leur différence sur ces éléments. Il n’est plus rare que certains DLC n’atterrissent en primeur que sur l’une ou l’autre machine, laissant aléatoirement les joueurs de l’autre plateforme sur le carreau. Toujours agréable.
Les studios internes, ou affiliés aux constructeurs ont également aidé à jouer les arbitres entre des ludothèques Xbox 360 et PS3 décidément trop similaires. Microsoft a plutôt joué la carte de la sécurité. Les franchises rentables ont été identifiées et c'est sans aucune gêne que Forza, Fable, Halo et Gears of War reviennent régulièrement. À côté de ceci, différents essais sans suite ont été faits en début de génération, de nombreux studios ont été fermés et, alors que Rare nous sortait enfin Kameo et Perfect Dark Zero au lancement, le coûteux développeur britannique n'a ensuite produit que des occasions manquées (Viva Pinata, Banjo) pour finir par devenir le "Avatar & Kinect Sports Studio". Une triste fin pour un des développeurs qui avait su offrir des moments de jeu vidéo magique. La politique de Sony fut, quant à elle, plutôt surprenante. Alors qu'ils ont passé deux générations à établir de nouvelles franchises, la PS3 a fait encore une fois figure de nouveau départ. Bon nombre de leurs studios ont préféré partir sur de nouvelles sagas, avec plus ou moins de réussite. On leur laissera du coup le catalogue de jeux first party le plus risqué et varié de la génération, mais attention, car à trop s'étaler, on finit par perdre son identité. Toutefois, pour ce qui est de faire sortir les tripes de leur monolithe, ils se sont montrés redoutables, notamment avec le mémorable Uncharted 2. Quant à Nintendo, ils ont fait du Nintendo. Handicapés par les piètres performances graphiques de la Wii, leurs jeux traditionnels se sont illustrés par une gameplay et une direction artistique efficace, alors que les jeux (programmes ?) plus casual (les Wii Sports, Wii Fit, Wii Play, etc.) ont su séduire par des interfaces simples et sobres.
Toujours au rayon des jeux, l’une des autres grandes surprises de cette génération, c’est le déclin, pour ne pas dire l’effondrement, du jeu vidéo "Made in Japan". Difficile à croire, et pourtant, peu ont su trouver une transition facile à la HD. Avec l’émergence de Microsoft et son fameux DirectX, ils ont dû rattraper un retard conséquent dans leurs méthodologies de développement, laissant un net avantage aux développeurs occidentaux. S’en sont donc suivis de nombreux retards (Final Fantasy Versus XIII et The Last Guardian, on vous attend toujours) et des délivrables parfois totalement risibles (la première version de Gran Turismo 5, heureusement améliorée au fil de nombreuses mises à jour). Pris de panique, on a pu même constater une exode de certaines franchises vers des développeurs européens ou américains. Vous m’auriez cru si je vous avait dit, il y a 8 ans en arrière, qu’un Devil May Cry serait développé en Angleterre, ou un Castlevania en Espagne ? D’autres ont également essayé de gagner du temps en utilisant le moteur en vogue cette génération : l’Unreal Engine 3.
Ça partait d’une bonne intention. Proposer un middleware suffisamment poussé pour en mettre plein la vue aux joueurs et totalement versatile, afin de faire tout type de jeu facilement, mais surtout du FPS. Et effectivement, bien maîtrisé, ce moteur nous montre de belles choses. Mal maîtrisé et sans sensibilité artistique, bienvenue dans la foire aux clones. Et comme en plus, le genre dominant de la génération est le jeu de tir à la première personne (moi voit, moi tue, moi content), autant dire que ces derniers temps, on voit la vie en gris/marron sur PS3 et Xbox 360. Et c'est peut-être là un des problèmes de cette génération. Les budgets sont devenus tels que les éditeurs prennent le moins de risque possible. Le Modern War Shooter marche ? Déclinons-le jusqu'à l'indigestion. Et quand bien même un gros éditeur se déciderait à faire dans l'originalité, il retombe toujours bien vite dans ses vieux travers une fois le bide avéré. On se souviendra donc avec une certaine émotion de Mirror's Edge, qui nous aurait presque donné l'impression que pour une fois, Electronic Arts prenait des risques. Et puis on revient à la réalité en comptant gentiment une dizaine de FIFA ou de Need for Speed.
"Répétitive" est un mot qui qualifierait bien cette génération. Sensation bien entendu renforcée par la la durée de vie exceptionnelle de nos consoles HD, il n'empêche qu'arriver au huitième Call of Duty, ça commence à faire beaucoup. Même les grandes nouveautés comme Assassin's Creed ont vite été séduites par l'itération annuelle. Le tout avec une couche supplémentaire d'ultra-réalisme sans grande originalité et on se retrouve avec la sensation d'un marché du jeu vidéo plus uniforme et, en apparence, moins varié. Paradoxalement, on n'a sans doute jamais connu autant de bons jeux que sur cette génération. Les plateformes sont parfaitement maîtrisées et chaque gros éditeur a les aptitudes à nous sortir un nombre incroyable de produits solides. Toutefois, peu sont vraiment sortis du lot et, à titre totalement personnel, ce n'est peut-être pas la génération sur laquelle j'aurai eu le plus de jeux qui m'ont marqués.
Pour être marqué, il faut aller chercher du côté de la grosse révélation de cette génération, le jeu vidéo indépendant. Certes, il s'agit parfois de jeux un peu surfaits, vite encensés pour des directions artistiques phénoménales, ou tout simplement nous sortir de notre routine "FPSiènne", mais force est de constater que certains ont réussi et de bien belle manière. Ils démontrent également que peu importe la technologie, si le gameplay, la direction artistique et le coeur y sont, il y a de quoi captiver, surprendre et émouvoir un joueur. Ces jeux ne sont pas toujours longs, pas toujours tout à fait finis comme il le faudrait, mais qu'est-ce qu'ils font du bien.
Ce petit miracle indé n'aurait bien entendu pas pu voir le jour sans les plateformes de téléchargement en ligne. Un changement de manière de consommer qui a gentiment, mais sûrement fait son chemin tout au long de cette génération. J'aurais pu m'y opposer farouchement il y a quelques années encore, mais force est de constater que c'est tout simplement pratique. En espérant bien sûr que tous les points d'interrogation restants relatifs à la portabilité des achats sur la génération suivante et la longévité de la disponibilité des téléchargements se résoudront positivement.
Sony avait amorcé le changement en équipant sa PS2 d'un lecteur DVD, puis sa PS3 d'un lecteur Blu-ray. Avec nos consoles connectées, la voie vers le hub de divertissement du salon était totalement ouverte et les services n'ont cessé de se multiplier tout au long de la génération. A un point tel que finalement, le jeu vidéo n'est qu'une option parmi d'autres dans les menus de nos consoles. Un peu déroutant au début, d'autant que nos machines HD, surtout dans leurs premières versions n'étaient pas franchement des modèles de silence (les premières Xbox 360, mes oreilles en saignent encore), réduisant largement leur confort d'utilisation multimédia.
Je n'ai pas beaucoup parlé de la Wii. À la fois de la génération précédente pour ses prestations technologiques (l'expression "deux Gamecube scotchées ensembles", bien que cruelle, n'en était pas moins réaliste) et d'une nouvelle génération dans son interface homme-machine, elle aura su toucher un public jamais atteint auparavant. Vite dépassée techniquement et vite abandonnée par ces nouveaux consommateurs, qui n'auront vu là qu'un appareil de divertissement social éphémère, comme le serait une crêpe-party Tefal, elle n'aura, comme chaque console Nintendo pu compter que sur son constructeur pour rester dans la course. Sa Wiimote, et la manière dont elle a été perçue par le grand public a vite fait des jaloux. Il n'a donc pas fallu longtemps pour que Sony et Microsoft ne nous apportent leurs "versions" avec plus ou moins de succès. Le PlayStation Move, technologiquement très réussi et très versatile s'est avéré un four commercial sans précédent. Dommage, chez moi, ça marchait plutôt bien. Kinect, au contraire, est un immense succès commercial, mais un échec vidéoludique consternant, avec des promesses de jeux "hardcore" jamais tenues et une adaptabilité à l'utilisateur et son environnement misérable. J'ai le recul minimal recommandé entre la télé et mon canapé, mais je mesure 1m89, donc dans cette configuration, c'est soit je suis détecté de la tête aux genoux, soit des pieds au torse. Quand ça détecte et ça réagit bien, car très franchement, malgré des développements indépendants et des hacks géniaux, Kinect n'aura que trop rarement pu se montrer à la hauteur des promesses faites par Microsoft en situation de jeu. Alors oui, je peux déplacer mon canapé, déménager tout mon salon pour gesticuler devant ma télé, mais soyons francs, quel jeu Kinect en vaudrait la peine ?
Enfin, je ne pouvais pas terminer sans parler des deux grosses avancées de cette génération. Il y a certes beaucoup plus à retenir, mais avez-vous envie de reparler du scandale du RROD ou de l'embarrassant PlayStation Home ? Moi non plus. Je disais donc, la HD tout d'abord, qui même si elle n'a pas été maîtrisée comme attendu (quasiment aucun jeu en 1080p et énormément de titres même pas en 720p natif), nous a apporté une clarté d'image appréciable, le 16/9 natif et surtout, plus aucune différence de format et de vitesse d'animation entre les versions Européennes et le reste du monde. Avec les délais de localisation qui se sont aussi grandement réduits, nous n'avons presque plus l'impression d'être la cinquième roue du carrosse. Et à côté de la HD, il y a bien entendu le jeu en ligne, balbutiant sur la génération précédente et totalement démocratisé. Peut-être même trop, tant on nous sort des modes en ligne pour tout et n'importe quoi.
2013 commence et à n'en pas douter, nos grands-mères PS3 et Xbox 360 ont vécu. Microsoft nous a offert son dernier feu d'artifice 🎆 à Noël et ne semble plus avoir trop de cartouches en stock, à part son dernier Gears of War, preuve s'il en faut d'une arrivée imminente de la prochaine machine. Sony, qui fut plus calme (pour ne pas dire inexistant) en 2012 nous réserve par contre encore quelques gros titres, comme The Last Gua... Euh, The Last of Us (ne parlons pas des sujets qui peuvent fâcher), God of War Ascension ou Beyond. Une dernière année aussi "chargée" n'est pas inhabituelle chez Sony, mais trahit peut-être aussi un certain manque de confiance quant à sortir sa prochaine machine en temps et en heure. Nous verrons bien ce que la route vers l'E3 nous réserve, mais pour aller de mes petites prédictions, je dirais que la Wii U sera larguée sur le plan technique, mais que les franchises Nintendo feront, une fois encore, la différence et que les prochaines Xbox et PlayStation seront suffisamment similaires pour que chacun puisse au mieux profiter de leurs jeux, sans se soucier des querelles de fanboys pour savoir qui a la plus grosse. Quant à savoir qui dominera, je dirais que Microsoft a les meilleures cartes en main. Mais comme nous l'avons vu en de nombreuses reprises, chaque génération a ses règles et ses surprises. Et si l'acteur dominant n'était au final tout simplement ni Microsoft, ni Sony, ni Nintendo ?