Le streptocoque du groupe A au Japon : la bactérie buzz du printemps 2024
Informations sur les infections "mangeuses de chair" à SGA
Bactérie à potentiel épidémique, le streptocoque du groupe A (SGA), de son nom scientifique Streptococcus Pyogenes est un agent infectieux dont l'incidence est régulièrement mesurée par les autorités sanitaires, à l'image des virus saisonniers comme la grippe ou la gastro-entérite.
S'il est le plus souvent responsable d'infections bénignes peu graves telles que l’angine, la pharyngite, l'otite moyenne aigüe, l’impétigo ou encore la scarlatine, qui touchent majoritairement les jeunes enfants pendant leurs premières années en collectivité, il peut également provoquer chez les personnes de tous âges des infections invasives sévères (IISGA), notamment :
- la dermo-hypodermite ou fasciite nécrosante, également connue sous le nom de bactérie "mangeuse de chair" ;
- une infection puerpérale (risque accru pour les femmes enceintes et post-partum) ;
- une méningite ;
- voire un syndrome de choc toxique streptococcique (SCTS).
Ces infections invasives à streptocoque du groupe A concernent davantage les autorités du fait de leurs taux de mortalité élevés. L'institut Pasteur indique les chiffres suivants (données de mars 2021) :
- 10% de mortalité toutes pathologies confondues issues du SGA ;
- 15% pour les dermo-hypodermites nécrosantes ;
- 20% pour les méningites ;
- 30% en cas de choc toxique streptococcique.
Augmentation générale post-Covid des infections à SGA
Récemment, avec la fin des gestes barrières relatifs à la pandémie de Covid-19 🦠, on observe au sein des pays développés et urbanisés une résurgence du streptocoque A, également de ses formes agressives. Si la France et d'autres pays européens (Royaume-Uni, Pays-Bas et Danemark) ont été concernés dès la fin de l'année 2022, le Japon a déclaré une augmentation de ses contaminations au début de l'année 2024.
Selon le journal The Japan Times qui relaie les données de l'Institut national des maladies contagieuses au Japon (National Institute of Infectious Diseases (NIID) en anglais), l'archipel enregistre au niveau des infections sévères qui dégénèrent en choc toxique SCTS :
- une moyenne annuelle de 100 à 200 cas ;
- puis 894 contaminations en 2019 ;
- 941 chocs toxiques streptococciques en 2023 (dont 141 cas et 42 décès associés à Tokyo) ;
- et 517 personnes malades recensées entre le 1er janvier et le 17 mars 2024.
Les autorités nippones constatent donc, au cours de ce 1er trimestre 2024, une accélération des IISGA avec SCTS au Japon, particulièrement chez les adultes à partir de 30~40 ans qui semblent davantage sujets à la complication du choc toxique streptococcique. On peut également relativiser ces chiffres par rapport à la population japonaise qui comptait 125,4 millions d'habitants en 2023, soit un taux de 0,0008%. On est donc très loin du Covid !
Dans l'Hexagone, le dernier point épidémiologique SGA publié par Santé publique France remonte au 26 mars 2023 et faisait surtout état des cas d'infections pédiatriques sévères (170 cas d'IISGA comptabilisés chez les moins de 18 ans dont 19 décès entre septembre 2022 et mars 2023). L'agence nationale expliquait notamment ce rebond comme l'une des conséquences de la levée totale des mesures barrières liées au Covid, c'est-à-dire l'exposition frontale des enfants à toutes les souches infectieuses habituelles, avec des risques de surinfection bactérienne à SGA constatés après une contamination par un virus respiratoire. Pour information en 2019, la France enregistrait 2.626 cas d'IISGA tous âges confondus (données du réseau Epibac) soit un taux d'incidence de 4,4 cas pour 100.000 habitants.
Il s'agit ainsi d'une information importante à préciser, les infections à streptocoque du groupe A qui circulent aujourd'hui ne sont pas liées à l’émergence d’une nouvelle souche bactérienne (contrairement au Covid-19). En France, c'est le génotype emm-1 (M1) qui prédomine, de même qu'au Japon qui indique avoir détecté sur son sol la circulation de la lignée M1UK d'origine britannique ; cette souche est connue pour provoquer davantage d'infections invasives donc de décès. À noter que l'Angleterre avait déjà connu dans les années 1980 des épisodes épidémiques virulents d'IISGA.
Transmission et rappel des gestes barrières hygiéniques
Pour rappel, le streptocoque du groupe A fait partie de la flore commensale, c’est-à-dire qu’elle est naturellement présente chez l’être humain, en particulier sur la peau et dans la muqueuse pharyngée.
Une infection à streptocoque du groupe A, invasive ou non, peut être soupçonnée notamment dans les cas suivants :
- symptômes évoquant une angine ou une pharyngite ;
- forte fièvre ;
- ou encore lésion cutanée qui peine à guérir ou anormalement enflée.
Elle se transmet uniquement entre humains, principalement par voie aérienne (gouttelettes ou postillons) ou par contact direct en face à face, contact rapproché ou intime prolongé. La transmission s’effectue soit par les sécrétions de muqueuse infectée, soit par infection d’une plaie cutanée.
Même si des recherches sont en cours, aucun vaccin n’existe à l’heure actuelle contre le streptocoque du groupe A. Néanmoins, des traitements éprouvés existent : les antibiotiques et bêta-lactamines (classe d’antibiotiques qui inclut notamment les dérivés de la pénicilline) largement utilisés contre les infections streptococciques.
Cas-contact et personnes à risques
On est considéré(e) cas-contact en cas de fréquentation rapprochée d’une personne ayant développé une infection à SGA dans les 7 jours précédant l’apparition de leurs symptômes et jusqu’à 24h après le début de leur traitement par antibiothérapie.
Les personnes les plus à risques de développer une forme grave sont :
- les femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher ;
- les nouveaux-nés ;
- les personnes âgées de 65 ans et plus ;
- les personnes immunodéprimées ;
- ou encore celles ayant contracté récemment la varicelle, connue pour être un facteur de risque d’infection invasive sévère par streptocoque du groupe A (IISGA).
Situation au Japon et précautions à prendre
À l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune inquiétude particulière ne transparaît dans le gouvernement japonais, ni parmi la population ou les résidents au Japon. L’infection par SGA bénéficie du même niveau de mise en garde que toute autre maladie contagieuse habituelle. A priori, elle resterait dans la sphère des infections nosocomiales ou ne concernerait plutôt que les familles avec jeunes enfants.
L'agence de presse Reuters rapporte au 27 mars 2024 les recommandations de Hitoshi Honda, professeur en maladies infectieuses à l'Université de santé de Fujita :
"Il ne s'agit pas d'une maladie respiratoire comme la pneumonie ou le COVID-19, il est donc peu probable qu'elle conduise à une situation pandémique. Il s'agit d'une infection par gouttelettes. L'hygiène des mains est extrêmement importante pour prévenir les infections streptococciques invasives."
Par précaution, ou si l’on fait partie des personnes à risque, il est toujours utile de rappeler et d’appliquer les gestes-barrières :
- porter un masque dans les endroits clos ou très fréquentés (transports en commun, centres commerciaux, musées) ;
- maintenir une distance sociale si possible ;
- se laver régulièrement les mains au gel hydroalcoolique ou au savon.
L’hygiène et l’aération fréquente des locaux fermés permettent également de limiter la propagation de la bactérie.
À noter qu’au Japon, la plupart des lieux publics, boutiques ou musées proposent du gel hydroalcoolique en accès libre. Il est aussi très facile de s’y procurer des masques chirurgicaux 😷 à bon prix. D’ailleurs, si les Japonais sont nombreux à en porter en ce début de printemps 🌸, c’est avant tout pour lutter contre les allergies au pollen, et en particulier celui des cryptomères du Japon (sugi), largement répandus dans le pays. La saison du rhume des foins atteint son pic entre la mi-mars et la mi-avril, avec quelques variations selon les régions.
Organismes de santé officiels
La pandémie de Covid reste un traumatisme encore bien présent dans nos vies et nous rend d'autant plus sensibles à des titres sensationnalistes sur une "bactérie mangeuse de chair" (une complication qui est en fait extrêmement rare). Quoi qu’il en soit et pour éviter une panique inutile, il vaut mieux recouper ces informations avec les publications des organismes de santé officiels comme :
- l’Institut Pasteur en France ;
- Santé publique France ;
- la rubrique Japon de France Diplomatie ;
- ou encore l’Organisation Mondiale de la Santé à l’international. Cette dernière dispose même d’une page indiquant les épidémies en cours, et l’on peut consulter la situation par pays (le Japon est classé dans la zone du Pacifique occidental).
En cas d’infection par un virus respiratoire et si vos symptômes semblent plus forts que d’habitude (fièvre importante, fatigue anormale, ou plaie cutanée qui ne cicatrise pas rapidement) n’hésitez pas à consulter un médecin.
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Il y a fort à parier que beaucoup de médias ont partagé une dépêche AFP un peu anxiogène pour faire le buzz (on n'ose employer le terme "putaclic"), alors que les stigmates de la fermeture de ses frontières pendant près de 2 ans et demie à cause du Corona sont encore fraîches. En tout état de cause et en l'état actuel de la situation, il n'est donc aucunement justifié d'annuler ou reporter un voyage au Japon en 2024. Les assurances ne peuvent d'ailleurs pas couvrir une annulation de séjour seulement sur la base de la peur, il n'y a pour le moment aucune annonce ou restriction officielle faite en ce sens.
Nous aborderons également ce sujet plus longuement dans notre podcast actualité de mars, qui sera diffusé début avril, avec les dernières informations.