Métro à Tokyo : ne faites pas ça ici !
Si tout le monde reconnaît volontiers la politesse légendaire des Japonais et leur discrète efficacité (basée sur l'esprit de groupe) dans les zones publiques, on remarquera en revanche un certain manque de bonnes manières plus prononcé dans les transports de sa capitale. Le métro 🚇 de Tokyo s'est donc paré d'affiches, dessinées par Bunpei Yorifuji, visant à faire remonter le niveau de courtoisie dans ses transports en commun. Ces affiches font partie de la communication de Tokyo Metro, et son placardées dans ses 168 stations et toutes les rames de la compagnie, à raison d'une nouvelle chaque mois depuis avril 2008. Elles n'apparaissent donc pas sur le réseau Japan Rail, qui possède aussi des lignes de métro à Tokyo.
La première campagne de "manner posters" comme on les appelle, diffusée par Tokyo Metro, date de 1974. Voici un petit florilège de la dernière série en date.
Ces campagnes pointant les mauvaises pratiques étaient baptisées au départ (en 2008-2009) "Please do it at home" / 家でやろう. Puis on a eu différentes déclinaisons du "Please do it..." / 家で。。。. Et, depuis cette année, des nouvelles affiches sont arrivées, présentant cette fois les bonnes pratiques avec "Please do it again" / またやろう.
J'ai pu lire à droite à gauche, et notamment ici, des analyses que je qualifierais de "comptoir" sur la tonalité plus ou moins xénophobe de ces affiches. Loin de moi l'idée de vouloir alimenter un débat dont on ne saura jamais la finalité, de toute façon. Juste qu'il est facile de sortir son petit livre des codes du point Godwin pour nous expliquer que dans les premières séries d'affiches, le décor et les personnes gênées sont jaunes, et les malotrus sont blancs.
Ou, dans le cas du blog dont je fais le lien juste au-dessus, de déformer l'affiche (que voici ci-contre) pour la reprendre à son compte. Dans mon analyse personnelle, le jeune homme présenté ici ne gêne pas parce qu'il joue à la console portable, mais plus simplement parce qu'il bloque le passage de la porte du wagon. C'est d'ailleurs l'explication donnée par l'affiche elle-même, sous la pictographie. Alors, se baser sur cette seule affiche pour appuyer sa théorie de "chasse aux sorcières des gamers", c'est assez balèze de la part de cet auteur...
Plus largement, à mon humble avis, on n'a pas besoin d'être gaijin (étranger au Japon) pour être un abruti, ni d'être Japonais de souche pour s'élever à un état d'éternelle bien-pensance. N'importe qui ayant pris le métro à Tokyo a pu constater le genre de comportements suivants :
- le type un peu bourré que tout le monde fait semblant de ne pas voir
- la nénette en tailleur qui se maquille le matin avant d'arriver au boulot
- le salary man qui téléphone en parlant bien fort pour avoir l'air de s'occuper d'affaires sérieuses (une propriété qu'on retrouve, il me semble, chez tous les employés du monde dont le zizi n'est a priori pas assez gros)
- les ados qui chahutent un peu
- etc.
Certes, il y a pas mal d'étrangers à Tokyo, mais ils ne sont pas en surnombre non plus par rapport aux Japonais qui prennent le métro quotidiennement. Certes, on rencontre -évidemment- des comportements xénophobes plus ou moins appuyés chez une partie de la population japonaise, heureusement minoritaire, envers les étrangers. Mais en tant que gaijin, justement, se sentir pointé du doigt voire agressé sur la base de postulats aussi bancals, c'est à mon goût le premier pas vers une intégration difficile.
Et puis, soyons honnêtes une minute : ces comportements, on les retrouve absolument partout dans le monde. Alors, que le Japon cherche à conserver la propreté, la tranquillité et le respect (de façade, cf. le soto/uchi) dans ses transports, on ne peut pas vraiment leur en vouloir. En France, j'en connais beaucoup qui ont peur de se faire racketter, ou pire, dès qu'ils prennent un RER... Allons donc faire la leçon aux Japonais, tiens !
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Source pour les images ou pour voir plus d'affiches : le site officiel de Tokyo Metro / la fondation / format estampes chez Seibu. À noter en bonus anecdotique des version de ces affiches, teintées de manga, déjà présentes dans les années 1970-80 !
Mise à jour : les versions 2018 évoluent en style et montrent plus formellement des Occidentaux.