La culture des Onsen au Japon
Les Japonais apprécient les bains en général mais ont une prédilection pour les onsen ♨️, les sources d’eau chaude naturelle que l'on trouve à travers tout l'archipel, là où il y a une activité volcanique. Pour être qualifiée de "onsen", l'eau qui jaillit du sol doit avoir une température naturelle de plus de 25°C (elle se situe souvent entre 35°C et 42°C) et contenir au moins un élément minéral en quantité suffisante (dioxyde de carbone, souffre, fer, sulfate, pH acide ou alcalin, etc.). Ainsi depuis des millénaires, le peuple japonais aime à se détendre à plusieurs dans des bassins fumants et à prendre soin de sa santé dans ces eaux pures.
Kyushu, terre privilégiée du thermalisme au Japon
Kyushu, la plus au sud des quatre grandes îles japonaises, abrite de nombreux volcans 🌋 dont certains encore très actifs. On retrouve ainsi une multitude de villages d'eaux, notamment au sud, dans la préfecture de Kagoshima, et au centre, dans les préfectures de Kumamoto et d'Oita. Beppu, la capitale des onsen située au bord la mer intérieure de Seto, compte sous ses pavés plus de sources chaudes que n'importe quelle autre ville au Japon.
On doit le symbole ♨️ des onsen au Japon à Aburaya Kumahachi, un homme d'affaires du début du XXe siècle qui reprend un pictogramme existant pour l'associer au développement du thermalisme à Beppu puis à Yufuin dans les années 1930. Chacun des trois traits et leur longueur représentent le nombre de bains que chaque visiteur devrait prendre lorsque qu'il arrive dans un ryokan (auberge avec onsen) :
- un premier bain court à prendre en fin d’après-midi dès l’arrivée dans l'établissement ;
- après le dîner, on profite d'une deuxième immersion, plus longue et qui prépare pour la nuit ;
- enfin, le dernier petit bain se prend le matin au réveil.
On a tendance à recommander de ne pas dépasser les dix minutes pour le premier bain afin d'habituer son corps à la température. Voici ci-après une petite sélection des destinations thermales que l'on recommande de découvrir à Kyushu.
Kurokawa Onsen pour une pause authentique
Au nord du mont Aso, dans la région de Kumamoto, Kurokawa Onsen vit tranquillement au rythme de la trentaine d'établissements de bains chauds alignés au cœur d'une vallée forestière, sur six petits kilomètres. Les visiteurs apprécient l'atmosphère authentique des lieux entièrement dédiés à la balnéothérapie. L'activité principale du site consiste d'ailleurs à faire le tour des auberges pour tester les différents bassins aménagés, notamment ceux en extérieur très beaux. Cette tournée des onsen en mode "sauts de puce" s'appelle rotenburo meguri en japonais ou encore onsen hopping en anglais.
À l'arrivée, il est possible d’acheter une petite plaquette en bois sur laquelle sont collés trois autocollants. Ces derniers permettent ensuite de rentrer gratuitement dans trois des établissements indiqués sur la carte fournie. Après chaque bain visité, le personnel du ryokan tamponne la plaque et une fois le tour terminé, elle devient un joli souvenir de son passage.
La cuisine kaiseki, gastronomique et typiquement japonaise, est servie dans les auberges traditionnelles de Kurokawa. Le repas se compose d'une dizaine de plats présentés les uns après les autres et choisis selon les saveurs de saison. En automne 🍁, par exemple, les ingrédients les plus courants que l'on retrouve au menu sont le tofu de noix de ginkgo (Ginnan Tofu) et les châtaignes. Chaque met se révèle fin et savoureux, en parfaite harmonie avec le fait de se baigner plusieurs fois dans une journée.
Kurokawa est à la fois un village dépaysant, reculé au cœur de la campagne et luxueux dans son offre d'hébergement. Chacun de ses onsen est différent : petits et intimistes, grands avec une vue dégagée sur la vallée, réservés aux femmes ou mixtes en accès libre. Une vraie bonne surprise attend les touristes qui s'aventurent jusque là !
Kannawa Onsen pour vivre au rythme des enfers
Située dans la préfecture d'Oita, la capitale des onsen compte pas moins de huit quartiers dédiés aux sources chaudes, baptisés Beppu Hatto. Le plus célèbre de tous, le quartier de Kannawa vaut certainement le détour. Le sous-sol de ses petites rues fume littéralement et de la vapeur d'eau s'échappe par toutes les bouches d’aérations et les plaques d’égouts. La balade au sein de Kannawa se révèle agréable, avec peu de voitures 🚙 et de belles maisons traditionnelles. On pourrait vite se croire à une époque plus ancienne et féodale.
Les onsen de Beppu sont aussi nombreux que variés avec des eaux aux propriétés différentes, claires ou boueuses. Les amateurs séjournent ici en moyenne plus longtemps, d'une à deux semaines. En parallèle de leur cure, ils profitent des équipements urbains et touristiques de la région pour varier leurs activités.
Sur place, on recommande de gouter à la cuisine locale dans l'un des restaurants de style Jigoku-mushi ; mushi signifie "cuit à la vapeur" et jigoku se traduit par "enfer". Cuits avec la chaleur dégagée par les sources naturelles, les ingrédients présentent des saveurs plus fortes. Les vapeurs volcaniques, riches en nutriments, passent dans les aliments qui gagnent alors en valeurs nutritives bonnes pour la santé. Au menu, on retient par exemple les œufs à la coque cuits à la vapeur des onsen, que l'on baptise onsen tamago. Petit plus local : on peut déjeuner assis à table et les pieds dans l'eau chaude.
À noter : de nombreux ryokan du quartier de Kannawa, situé sur les hauteurs de Beppu, proposent des bains extérieurs avec vue sur les toits et les fumées qui s'échappent. Toujours dans cette zone, on trouve l’attraction touristique principale de Beppu : "la tournée des enfers" pour une visite impressionnante et unique au Japon.
Nagayu Onsen pour leurs vertus thérapeutiques
Au pied des monts Kuju, la ville de Taketa abrite les sources Nagayu Onsen naturellement particulières.
Ramune / Lamune Onsen dispose d'une source riche en carbone où l'eau est naturellement gazeuse, avec 1.000mg de carbone par litre d’eau. Depuis 2005, cette source thermale est admise comme ayant des propriétés naturelles bénéfique pour le corps, notamment les rhumatismes, maladies intestinales et inflammations externes si l’on se baigne dans l’eau (température autour de 32°C) et les inflammations internes si on la boit. En effet, cette eau minérale gazeuse est buvable, ce qui en fait une destination plutôt originale au Japon.
Juste à côté, on découvre Kur Park Nagayu, un vaste centre de remise en forme récent, ouvert en avril 2019. Sorte de petit village aux accents nordiques, il est possible de profiter des aménagements à la journée ou sur plusieurs jours. L'établissement propose ainsi à ceux qui restent sur place plus longtemps des cottages avec chambres fonctionnelles.
Cette adresse se rapproche plus de ce que l'on peut trouver dans les centres de thalassothérapie en France, avec une piscine réservée aux maillots de bain pour y faire des exercices. De plus, on retrouve un onsen plus classique pour la relaxation, avec bain séparé et nudité obligatoire.
Au quotidien, Nagayu Onsen se révèle appréciée des locaux et notamment des personnes âgées pour les valeurs thérapeutiques données aux sources.
Une pratique ancestrale pour se relaxer
L'appétence des Japonais pour l'eau, élément naturel qui purifie le corps et l'esprit, remonte à très loin dans l'histoire du pays, liée aux pratiques des cultes shintoïste et bouddhiste. La culture des onsen, dans le sens des bains communs, naît également avec la vie paysanne. La société rurale avait pour habitude de fêter la fin de la récolte de riz en allant aux sources chaudes les plus proches du village. Cette parenthèse de repos pouvait durer jusqu'à une dizaine de jours avec soins du corps et dégustation de plats typiques, tout en se baignant à plusieurs. Les classes supérieures reprennent ensuite ce principe de "bol d'air bon pour la santé" et fréquentent des destinations réservées à leur rang, comme la station Arima Onsen à Kobe, longtemps dédiée à la noblesse de Kyoto.
L'époque d'Edo (1603 - 1868) qui apporte une certaine prospérité du peuple, doublée d'une stabilité du pouvoir en place, favorise le développement du voyage et la notion d'étape par les onsen. À partir du milieu de la période, l'usage qui consiste à prendre deux repas et une nuitée dans une auberge se démocratise. Ainsi, la cure perd sa durée de plusieurs jours pour devenir une escapade réconfortante au cours d'un périple plus long, tels que les pélerinages aux temples et les traversées des routes d'Edo.
Une offre thermale généreuse et adaptée à chacun
Un nouveau style d'établissement à onsen apparaît avec l’ère Meiji (1868 - 1912) : le resort pour étrangers. Le gouvernement, qui vient tout juste de créer son ministère du tourisme sous le nom anglais de Tourist Bureau, souhaite que "les V.I.P. occidentaux ne se mélangent pas au peuple". De fait, certaines destinations, notamment Hakone, Nikko ou Miyajima, montent en gamme et s'équipent d'une hôtellerie de luxe. Aujourd'hui encore, on les connaît toujours pour leurs ryokan haut de gamme et leur cuisine kaiseki sophistiquée et sont autant appréciées des touristes étrangers que japonais.
La coutume de se baigner nus à plusieurs est particulière au Japon et ne se retrouve pas ailleurs en Asie. Cela serait le don d'une culture anti-guerrière propre au peuple japonais, qui démontre en général une faible animosité à l'égard de ses compatriotes. La cause peut-être à une unification linguistique précoce de tout l'archipel, qui aurait contribué à une meilleure compréhension entre clans et ainsi à une certaine homogénéité de la culture.
Quoi qu'il soit, la pratique des bains chauds fait toujours partie intégrante de la vie quotidienne des Japonais, et il serait bien dommage pour les touristes en vacances sur l'archipel de ne pas découvrir cette tradition originale et pleine de volupté. Comme une parenthèse bien-être au milieu d'un programme de visites chargé, on encourage les voyageurs à consacrer au moins deux jours entiers aux joies des onsen, voire à en faire leur thème principal pour un séjour axé sur la découverte de plusieurs destinations thermales.