Ekiben
🍱 Les bento appétissants des gares au Japon
Ekiben est le terme japonais qui désigne les paniers-repas à emporter que l'on achète dans les gares au Japon. Aussi beaux que bons, ces bento ferroviaires font la part belle à la richesse de la gastronomie régionale et se dégustent traditionnellement à bord des trains réservés aux longs trajets.
Contraction des mots 駅 eki pour "gare" et 弁当 bentô que l'on peut traduire par "boîte repas pratique", l'ekiben (駅弁) ou ekibento (駅弁当) est la version ferroviaire de la boîte compartimentée que l'on prépare et emporte pour déjeuner à l'extérieur. Cette lunch box (en anglais) particulière n'est vendue que dans les gares japonaises, à destination des voyageurs qui effectuent de longs trajets en Shinkansen 🚅 ou en train express régional (Limited Express).
Bien plus que le simple sandwich jambon-beurre de la boulangerie française, l'ekiben doit plutôt se concevoir comme une nouvelle occasion de goûter au raffinement japonais. Frais du jour et présentés de façon méticuleuse, ces plats à emporter reflètent toute la richesse de la cuisine locale au Japon. En effet, les ekibento présentent la formidable caractéristique d'être régionalisés : on ne peut pas trouver les mêmes dans toutes les gares à travers l'archipel ! Il existerait ainsi plus de 2.000 bento 🍱 ferroviaires différents.
Un plat à emporter aussi beau que bon
Le plus souvent, l'ekiben permet de se nourrir d'un plat froid, cuit et salé, sur une base de riz accompagnée d'algues, de légumes et parfois de viande ou de poisson 🐟. Dans les plus petits compartiments, on trouve en général des légumes marinés tsukemono, de l'omelette et quelques tranches de fruits en guise de dessert. Les boissons les plus consommées avec un ekibento par les Japonais restent traditionnelles : thé vert ou bière 🍺 légère. On mange ainsi équilibré et de façon proportionnée pour être suffisamment rassasiés sans se sentir trop lourds.
On retrouve souvent les déclinaisons classiques de la cuisine japonaise, c'est-à-dire des plats avec du porc pané tonkatsu, du bœuf émincé, des maki végétariens ou encore des sushi 🍣 sous une forme pressée adaptée pour le transport. Les spécificités régionales résident notamment dans la façon dont les ingrédients ont été cuisinés et dans le choix des assaisonnements.
Le contenant se montre aussi important que le contenu et l'on reconnaît un réel effort de présentation visuelle avec des couleurs alléchantes qui éveillent à coup sûr les papilles. Selon la région visitée, la silhouette des bento change et peut présenter des formes originales (nez de Shinkansen, poupée Daruma, etc.) ou être fabriquée dans une matière noble, par exemple en céramique ou en bois comme à Odate dans le nord du Japon.
Le plateau-repas comprend en général 1 à 2 étages.
Comment acheter son ekibento ?
Les grandes gares desservies par le Shinkansen disposent de plus de variétés d'ekiben avec des kiosques installés en souterrain vers l'accès aux voies ou directement sur les quais. La gare de Tokyo abrite la grande boutique Ekibenya Matsuri (駅弁屋祭) qui propose à la vente environ 200 recettes différentes chaque jour. Il s'agit d'ailleurs de la seule adresse au Japon où l'on peut trouver des ekibento de plusieurs régions.
Déjà emballées et donc fermées, les boîtes sont prêtes à emporter et l'on fait son choix grâce aux plats en cire exposés ou aux photos affichées. Chaque bento est numéroté et il suffit de le communiquer au personnel derrière le comptoir pour être servi rapidement puis régler la commande. Il est également parfois possible de se servir directement au sein de rayons frais comme dans un konbini.
Au niveau des prix, les en-cas de type onigiri 🍙 ou petits sandwichs avec du pain de mie commencent à 300¥ (~1,83€) et les plateaux-repas traditionnels tournent autour de 1.000¥ (~6,10€) par boîte pour 1 personne. Les versions d'ekiben haut de gamme ou très gourmandes en portion démarrent en moyenne à 2.000¥ (~12,20€). À cela, on ajoute le prix de la boisson et d'un dessert si l'on souhaite terminer par une note sucrée.
On peut trouver de quoi se restaurer à bord du train mais le chariot qui défile de wagon en wagon proposera un choix de collations restreint et à un tarif plus élevé.
Un marché en baisse qui cherche à se renouveler
Les premiers ekiben sont apparus à peine quelques années après le lancement de la 1ère ligne de chemin de fer entre Yokohama et Tokyo, à la fin du XIXe siècle. D'abord basiques sous forme de boules de riz assaisonnées et vus comme une nécessité pour se restaurer pendant les très longs trajets en train, ces paniers-repas sont rapidement devenus des vitrines promotionnelles de la gastronomie régionale au Japon. Chaque gare peut s'enorgueillir de proposer un ekibento spécial élaboré à partir de produits locaux et de saison. On descend alors spécialement à quai pour se procurer une variété unique de bento.
Le marché connaît son apogée dans les années 1950 lorsque la majorité des Japonais voyagent à travers l'archipel en train. Ensuite, l'essor de la voiture 🚙 particulière et de l'avion ✈️ pour les vols domestiques font chuter la fréquentation dans les gares et par conséquent la vente des lunch box régionales. De même, l'arrivée du train à grande vitesse Shinkansen en 1964 raccourcit les temps de trajet et donc les occasions de déguster un plateau-repas en chemin.
Avec le vieillissement confirmé de la population, les ventes des ekiben sont encore vouées à baisser ces prochaines années car le nombre d'usagers du train va automatiquement décroître. En 2020, la pandémie de Covid-19 🦠, accompagnée de ses différentes périodes de confinement, a accéléré cette situation de récession. Les gares ont été désertées de même que les kiosques qui vendaient de quoi manger dans le train.
Pour retrouver un certain niveau de chiffre d'affaires, les fabricants d'ekiben se sont mis à développer différentes stratégies alternatives, comme :
- ouvrir des boutiques en dehors des gares au Japon, près des axes routiers et en zone résidentielle pour que les clients puissent venir facilement en voiture ;
- faire de la vente en ligne et proposer par exemple des bento surgelés afin que les amateurs puissent continuer à voyager par les papilles ;
- s'exporter à l'international et faire la promotion de cette pratique à d'autres populations qui ont l'habitude de voyager en train. C'est ainsi que la maison Hanazen, originaire d'Akita, a ouvert le stand éphémère ToriMéshi Bento à la gare de Lyon en novembre 2021.
La restauration ferroviaire comme expérience gastronomique
Si la quantité baisse, la qualité reste au rendez-vous car l'ekiben est une tradition toujours populaire et prisée des Japonais qui apprécient la bonne cuisine. Certains passionnés densha otaku, baptisés 駅弁鉄 ekiben-tetsu, en sont même devenus des critiques gastronomiques reconnus.
Chaque année, la compagnie nationale JR East dévoile le classement des meilleurs ekiben (駅弁味の陣 Ekiben Ajinojin). En 2021, le grand prix fut décerné à la gare de Kofu pour son ekiben original baptisé Wine no meshi, de style hors-d'œuvre à déguster avec un verre de vin ; la préfecture de Yamanashi étant la première région viticole au Japon.
Enfin, il n'existe pas vraiment d'équivalent à l'ekibento pour les autres modes de transports que sont l'avion, l'autocar ou encore la voiture. On pourrait citer les aires de repos d'autoroutes michi no eki qui font également la promotion de l'agriculture locale, mais elles ressemblent davantage à des marchés alimentaires qu'à des comptoirs de prêt-à-manger distributeurs de bento appétissants.