Daruma
Un œil sur le bonheur et la réussite
Les poupées Daruma sont des porte-bonheurs japonais traditionnels que les touristes étrangers apprécient rapporter en souvenir du Japon ou en objet de décoration, aux côtés des classiques maneki-neko et kokeshi. Utilisée pour formuler un vœu en début d’année, la figurine symbolise la détermination et la persévérance dans la réalisation de ses objectifs.
Daruma est le nom japonais de Bodhidharma, un religieux indien du VIe siècle qui propagea le bouddhisme chan en Chine, et dont l'enseignement sera introduit au Japon sous le nom de Zen au XIIe siècle. Il aurait également apporté les arts martiaux au fameux monastère de Shaolin.
L’invention de la figurine Daruma, le porte-bonheur traditionnel, est attribuée au temple Shorinzan Daruma-ji de Takasaki au XVIIe siècle. Sa silhouette arrondie, sans bras ni jambes provient des légendes associées au personnage de Daruma : ses membres se seraient atrophiés suite à une méditation ininterrompue de neuf ans devant un mur. Quant à ses yeux proéminents, on dit notamment qu'il se coupa lui-même les paupières par dépit d’avoir cédé au sommeil durant cette période et pour que cela ne se reproduise plus.
Cette forme particulière évoque également la notion de persévérance. En effet, on a beau renverser une figurine de Daruma, telle un culbuto (en japonais : okiagari koboshi 起き上がり小法師), elle se relève toujours grâce au poids inséré à sa base. Elle illustre l’expression nana-korobi ya-oki (七転び八起き) "tomber 7 fois, se relever 8 fois" qui signifie qu’il faut toujours aller de l’avant malgré les échecs ou les malheurs.
Un portrait caricatural
Dans la tradition bouddhiste et sous forme de poupée, Daruma est représenté en homme d’âge mur, barbu et le sourcil broussailleux, aux traits du visage marqués à la limite du grotesque avec de grands yeux, enveloppé d’une robe rouge de moine qui recouvre aussi sa tête.
Le portrait de Daruma est un motif récurrent dans l’art japonais, et notamment pour le peintre d’estampes Hokusai, qui en produisit plusieurs dont certains étaient gigantesques. Il réalisa un Grand Daruma en 1817 pour le temple Hongan-ji Nagoya Betsuin, qui mesurait 18 mètres de haut et 11 de large, soit près de 200m² ! L'œuvre fut malheureusement détruite lors des bombardements de 1945.
En ce qui concerne la poupée elle-même, elle est généralement fabriquée en papier mâché, de manière artisanale, notamment par les temples et les boutiques spécialisées de poupées japonaises. Il existe bien sûr une multitude de variantes régionales de couleurs, de pilosité, d’expression et de traits du visage. Daruma peut aussi être représenté sous une apparence féminine, animale ou de mascotte.
Mais quelle que soit sa taille, sa forme arrondie et les yeux vides en sont les caractéristiques invariables.
Comment utiliser une poupée Daruma ?
Pour que la chance soit au rendez-vous, il faut procéder de la manière suivante :
- Acheter un Daruma dans un temple ;
- Formuler mentalement son souhait et dessiner l’iris de l’œil gauche – ou le faire peindre par un des moines du temple (payant) ;
- Poser la statuette en évidence chez soi afin de se rappeler régulièrement l'objectif fixé ;
- Compléter l’œil droit lorsque le vœu se réalise ou que le but est atteint.
Au bout d'un an, il est coutume de rapporter le Daruma à son temple d'origine. Il sera ensuite exposé sur place, avec ses deux yeux noirs témoins de la réussite de son propriétaire, ou brûlé à la fin de l'année par les moines, signe qu'il est temps de changer de stratégie.
Il est possible de choisir la couleur de son Daruma en fonction de l’objectif à atteindre. Le Daruma rouge est le plus répandu et le plus "généraliste", le rouge étant une couleur porte-bonheur et protectrice, en plus d’être celle de la robe de moines. Cependant, toute une palette s’est développée pour répondre à des attentes spécifiques :
- un Daruma noir favorisera le succès dans les affaires ;
- un bleu, la réussite scolaire ;
- un vert, la santé physique, le développement de compétences ou de talents ;
- un jaune ou doré favorise la prospérité et la richesse pécuniaire ;
- un rose ou couleur pêche pour les relations amoureuses ;
- un violet pour la santé et la longévité ;
- le Daruma blanc sera un encouragement pour les étudiants devant passer des concours ou pour les pratiquants d’arts martiaux.
La signification des couleurs peut varier localement ; il conviendra donc de la vérifier au moment d’acheter son Daruma.
Où et quand se procurer une poupée Daruma ?
Il est possible d’acheter un Daruma toute l’année auprès de temples japonais, ainsi que dans les rues commerçantes attenantes. Par exemple :
- Dans les rues menant au temple Kawasaki-daishi à Kawasaki, dans la banlieue sud de Tokyo ;
- Au temple Katsuo-ji de Minoh au nord d’Osaka ;
- Au temple Daruma-dera (nom officiel : Horin-ji), au nord de Kyoto, dont le surnom vient de son pavillon spécialement construit après la Deuxième Guerre mondiale, le Daruma-do, pour abriter les milliers de figurines de Daruma données par les fidèles, en ex-voto. On y trouverait aussi la plus ancienne figurine d’Asie et chaque recoin fourmille de détails représentant le religieux indien : ornementation des toitures, peintures et calligraphies.
Pour s’inscrire davantage dans la tradition, l’idéal est de pouvoir acheter une figurine de Daruma au cours d’une foire dédiée, les daruma-ichi (だるま市, "marché aux Daruma"), dont trois sont particulièrement renommées :
- Nanakusa Taisai au temple Shorinzan Daruma-ji (少林山七草大祭) à Takasaki dans la préfecture de Gunma, se tient les 6 et 7 janvier et accueille chaque année 200.000 visiteurs. Les Daruma fabriqués pour ce temple sont vénérés comme des divinités apportant le bonheur et il s’en vendrait plus d’un million par an rien que pour ce type de souhait.
- Bishamonten Taisai (毘沙門天大祭) au temple Myoho-ji à Fuji 🗻 dans la préfecture de Shizuoka au pied du Mont Fuji. Le marché, qui est la plus grande foire aux Daruma du Japon, a lieu sur trois jours entre la fin janvier et début février (dates variables en fonction de l’ancien calendrier lunaire). Cinq cents stands et boutiques de tout le pays s’alignent sur un kilomètre pour vendre des figurines de Daruma et des porte-bonheurs traditionnels.
- Yakuyoke Ganzan-daishi Taisai (厄除元三大師大祭) au temple Jindai-ji de Chofu dans la banlieue ouest de Tokyo, les 3 et 4 mars, visité par 100.000 personnes à chaque édition. En guise d'œil gauche, les prêtres peignent un caractère sanskrit signifiant le "début", à compléter quand le vœu sera réalisé par le caractère de la "fin" pour l'œil droit.