Kameo Elements of Power
Kameo s’est entouré, depuis de longues années et donc bien avant sa sortie, d’une réputation et d’un suivi tout à fait particuliers. D’abord prévu sur GameCube en début de siècle, il a finalement basculé sur Xbox lors du rachat de Rare par Microsoft, avant d’être porté sur 360 pour lui faire office de killer application. Pour la petite anecdote, comme je le glissais à Julien l’autre jour sur le Live, je ne croyais presque pas à sa sortie il y a encore un mois. Si dans son gameplay, l’on peut penser que Kameo a eu tout le temps d’arriver à maturation, le risque pour le jeu est maximal. Rare a-t-il voulu faire mumuse avec les capacités de la 360 et, pressés par des délais de sortie imposés par Microsoft, leur jeu est-il un repaire de bugs et autres imprécisions ? Lorsque l’on connaît le souci de fignolage des Anglais en question (d’aucuns préféreront « leur lenteur maladive »), le doute pouvait logiquement s’installer dans nos esprits.
Curieusement, une fois la manette en main, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Peu d’imprécisions, peu de joujou inutile avec le hardware mais un gameplay, s’il est mûr, au mieux très linéaire et au pire méchamment obsolète. Chez moi, le doute a laissé place à une drôle d’excitation (d’enfin tenir une arlésienne dans ses mains), puis une méfiance (durant les premières minutes), un long sourire (au cours du jeu) et enfin une globale satisfaction (une fois arrivé au bout). Peu importe ce qu’en diront les éternels mécontents, encore aigris du départ de Rare chez Microsoft. Kameo est une franche réussite, traduisible par une méchante envie d’y retourner dès l’avoir lâché. C’est le genre de jeu qui vous fait lever le matin alors que vous n’avez pas cours, ou alors c’est tout simplement moi qui suis un peu déséquilibré.
Déjà, le titre en met plein la vue. Littéralement. Les écrans sont remplis de bas en haut par un maximum d’éléments : décors, personnages, sols, petites lucioles qui virevoltent et laissent une mince traînée lumineuse derrière eux, etc. Kameo est magnifique et impressionnant. La plaine des Badlands, qui opère comme une sorte d’appendice au traditionnel « hub de niveaux » (comme le château 🏯 de Super Mario 64, si vous ne situiez pas), présente des batailles de milliers de personnages. Certes, tous ont un comportement plus ou moins analogue, mais ils agissent indépendamment autour de trolls gigantesques, de machines de guerre et d’effets de lumière spectaculaires. Je peux vous assurer que lorsque la caméra vous présente tout cela en un plan-séquence, avec force zooms et dézooms lors de ses déplacements, c’est assez ébouriffant.
L’ensemble du jeu n’est pas de ce niveau, bien sûr, avec quelques passages qui se cachent derrière des faux airs de Xbox+. À part ceux-ci, le reste est clairement un cran au-dessus de la génération précédente, notamment à l’aide du bump mapping dont Rare n’a pas hésité à abuser. Moi qui ne suis clairement pas défenseur de cette technique (il n’y a qu’à voir ses rendus foireux dans Call of Duty 2), je dois concéder à Kameo une excellente maîtrise et son utilisation judicieuse. De plus, ce qui brille doit briller, les passages glacés donc, et le reste ne fait pas tâche comme une bagnole de PGR3 et ses mille coups de Polish. Un excellent point pour les graphismes, un poil balancé par quelques fautes de goût dans le design de certains protagonistes éléments (pourtant si adorables en version bébé) et par une modélisation des personnages laissant parfois à désirer.
Visuellement, le titre part donc avec un sérieux avantage rendu possible grâce à la puissance tranquille d’un seul véritable cœur de Xbox 360. Mes craintes ont donc naturellement pu se reporter sur le gameplay vieux de cinq années. Très intuitif dans les faits, il n’en est pas moins désespérément linéaire et classique. Tout du moins, les engrenages de progression ont déjà été vus et revus des dizaines de fois. De plus, la mécanique n’hésite pas à matraquer précisément le prochain objectif et sa méthode de réalisation grâce aux mouvements de caméra, au point vert qui se colle sur la carte sans que l’on ne demande rien, puis au « carnet de voyage ». Ce dernier se paye l’audace de venir nous emmerder au bout de quelques dizaines de secondes d'exploration, alors que l'on a à peine commencé à chercher une méthode, en invectivant le joueur presque comme un abruti. Merci pour ta solution, vieille tête barbue, mais je préfère chercher tout seul. Comprenez que la fonction est, dont acte, rétractable.
Ce n’est pas pour autant que Kameo ne recèle rien de bon, bien au contraire. En jouant sur l’alternance des gameplays, il offre un panel de possibilités relativement original et qui évite avec efficacité la monotonie. Certains types de jeu sont très agréables, d’autres un peu moins, donc tous n’offrent pas le même niveau d’intérêt. À ce titre, j’aurais fusionné certains éléments pour arriver à cinq (au lieu des dix ici présents) et caler les deux restants aux triggers inutilisés de la manette. Reste que malgré quelques problèmes de caméra, le gameplay s’avère particulièrement solide sur la base d’une alternance d’énigmes et d’action. Rare ne nous présente pas de l’inédit, mais ils le font tellement bien qu’on ne leur reprochera pas, encore une fois, de ne pas faire évoluer le genre plate-forme/action.
Il m’aura fallu dix bonnes heures pour arriver au boss de fin, sans perdre de temps, et je m’apprête à en passer encore quelques-unes pour réaliser toutes les quêtes annexes et récupérer les différents items à collectionner. Je ne manquerai pas de profiter encore et encore des musiques symphoniques et orchestrales absolument fabuleuses, malgré un doublage français très faiblard voire absolument ridicule. Vous l’avez compris, malgré quelques petits défauts, dans l’ensemble Kameo frappe très fort et nous fait retrouver la « Rare touch ». Peut-être trop celle de SFA et pas assez celle de Banjo, mais la Rare touch quand même !