Quelle est votre vision du tatemae en tant que francophone ?
15 réponses
Bonjour,
Dans le cadre de mes études, je dois faire un rapport de recherche et me tourne vers vous, n'ayons que trop peu de personnes connaissant vraiment le Japon dans mon entourage.
Si possible, pourrez-vous me dire en début de réponse si vous être francophone ou Japonais ? Merci !! C'est que ça change tout, vous comprenez 🤣
1) Comment percevez-vous le tatemae en tant que francophone / personne de l'Occident ayant sans doute une culture tout autre ? Une petite comparaison avec votre culture ;)
2) Pensez-vous qu'en France / pays francophones, nous pratiquons aussi le tatemae ?
4) En quelques mots simples, comment le définiriez-vous ?
5) Pensez-vous que les Occidentaux pratiquent aussi le tatemae ?
Je remercie infiniment ceux qui prendront le temps de me répondre,
vous êtes en quelque sorte indispensables à mon travail de recherche ahah !
Les 15 réponses à la question posée
06:39
Le tatemae est un concept japonais qui fait référence à la façade ou l'apparence que les gens présentent publiquement, généralement pour maintenir la paix sociale ou pour éviter de perdre la face. Cela peut être comparé à la notion de "politesse sociale" dans d'autres cultures, comme le fait de sourire et de dire "merci" même si l'on n'est pas vraiment content ou reconnaissant.
Il est possible que la notion de tatemae existe également dans les cultures francophones et occidentales, bien que cela puisse varier d'une culture à l'autre et d'une personne à l'autre. Par exemple, il est courant de dire "ça va bien" même si ce n'est pas le cas, ou de feindre d'être intéressé par une conversation lorsqu'on s'ennuie réellement. Cependant, cela peut être moins présent dans certaines cultures ou dans certaines situations où l'honnêteté et la transparence sont valorisées.
En quelques mots simples, je définirais le tatemae comme la façade ou l'apparence que les gens présentent publiquement pour maintenir la paix sociale ou éviter de perdre la face.
Comme mentionné précédemment, il est possible que la notion de tatemae existe également dans les cultures occidentales, bien que cela puisse varier d'une culture à l'autre et d'une personne à l'autre. Cela dépend de nombreux facteurs, tels que les valeurs culturelles, les normes sociales et les relations interpersonnelles. J'espère que ces informations vous seront utiles dans votre travail de recherche.
07:21
Bonjour.
Je vais essayer de répondre à vos questions.
1) J'aime bien en fait. Les relations entre les gens en société sont plus fluides et moins agressives de manière générale. Contrairement à beaucoup de Français arrivant au Japon, ça ne m'a jamais vraiment posé problème. Essentiellement pour deux raisons je pense. Tout d'abord, j'ai longtemps vécu aux US avant de mettre les pieds au Japon. D'un côté, il y a des comportements assez similaires aux US (je développerai un peu plus dans la question 5), de l'autre, le concept de différences culturelles ne m'était pas inconnu (une des choses les plus difficiles à appréhender quand on vit dans un pays étranger, bien plus que la barrière de la langue, surtout qu'on ne peut pas l'apprendre à l'avance, seulement "sur le terrain.").
De plus, arrivé au Japon, un peu par hasard, sans parler ni comprendre un traitre mot de la langue, j'ai appris dès le début et dans de nombreuses situations à écouter plus qu'à parler, ainsi qu'à décoder le langage non-verbal. Cela m'a évité bien des faux pas que font parfois les étrangers arrivant au Japon parce qu'ils en rêvaient depuis des années, ont appris plus ou moins la langue et veulent parler à tout le monde et se faire plein d'amis une fois arrivés et qui subissent bien souvent toutes sortes de déconvenues et d'illusions brisées.
Est-ce que j'aime tout le temps ? Non, bien sûr. C'est parfois plus difficile de se faire des "vrais" amis. Les conversations semblent parfois un peu trop suivre un script convenu, et après quelques années au Japon, j'en ai parfois un peu marre de dire que oui, je peux manger du natto pour la trois millième fois quand je parle avec quelqu'un pour la première fois. Et j'aimerais pouvoir parfois m'engueuler avec les cons qui me coupent la route et manquent de provoquer un accident, mais bien sûr dans ces moments ils font semblant de ne pas t'avoir vu.
Mais dans la grosse majorité des cas où l'on doit intéragir avec des inconnus, c'est limite préférable aux cultures qui n'ont pas ce concept (comme la France)
Souvent les Français sont gênés par le fait qu'on ne connaissent pas les vrais sentiments de gens, qu'il y a une dimension hypocrite à tout cela. Personnellement, je vois la chose comment cela: Certes, cet employé japonais super sympa avec moi alors qu'il ne fait que son boulot n'a aucun sentiment positif envers moi. Mais cette employée française ne fait que son boulot et n'a aucun sentiment négatif envers moi, mais pourtant me traite comme un chien... Dans les deux cas, la personne n'a aucun sentiment envers moi. Alors à choisir entre les deux, je prends celui qui est respectueux.
2) La plupart du temps, non. Les Français sont trop habitués à penser qu'il faut donner leur opinion sur tout, tout le temps, que toute discussion doit forcément être un débat et que ne pas montrer ses vrais sentiments c'est forcément de l'hypocrisie. Ce genre de choses.
3) Il n'y a pas de question 3 ?
4) Je le définirai comme une sorte de respect de l'autre. Quand on doit intéragir avec une personne donnée dans un cadre bien défini, il n'y a pas de raison de s'épancher sur ceci ou cela. Et pour vivre en société, il faut cohabiter avec plein d'inconnus qui sont probablement insupportables au quotidien, alors autant que les choses se passent bien pour les quelques minutes où nos vie se croisent (en gros).
5) Oui absolument. C'est pour ça que je dirais qu'il faut faire très attention à ne pas faire du sujet un sujet orientaliste (le Japon mystérieux, étrange, entre tradition et modernité et autres âneries du genre). Des comportements culturels du type du tatemae sont présents dans de nombreuses cultures, sans avoir à aller chercher très loin. Les cultures anglophones en premier lieu : le flegme britanique, les Américans tellement sympas qu'on croit à tord qu'ils vous adorent, les Australiens easy-going. Les culture européennes "du nord" que l'on considère comme "froides." Tout simplement parce qu'eux aussi ne vont pas étaler leurs sentiments sur la place publique. Je suis sûr qu'il y en a plein d'autres avec lesquelles je suis moins familier (même chez les Francophones, je serai curieux de l'avis de Belges, Suisses et Canadiens sur la question).
(désolé, il doit y avoir plein de fautes, mais je dois filer sans trop relire)
01:10
Les japonais ont à cœur de sauver les apparences à travers le Tatemae. Ça ne se fait pas de montrer à son interlocuteur qu'on n'est pas d'accord avec lui et encore moins de montrer que son comportement nous choque. On peut dire que le Tatemae lubrifie les rapports humains à travers les sourires de façade. Je pense pour ma part que c'est une bombe à retardement. Je pense à un exemple précis. L'été qui a précédé le confinement, je me suis rendu à Tokyo avec ma femme et ma fille. On en a profité pour rendre visite à une amie japonaise. On a passé l'après-midi à faire les boutiques ensemble et on a terminé dans un restaurant. J'ai voulu payer l'addition, mais elle a absolument tenu à nous inviter. Elle nous a accompagnés à la gare avec de grands sourires et elle a même fait le clown en faisant semblant de courir après le train pour nous rattraper. J'apprends il y a quelques semaines qu'elle a perdu son papa. Je lui envoie alors un message pour lui dire que je suis désolé et à quel point j'ai apprécié son papa la fois où je l'ai rencontré. Pas de réponse. Quelques temps après, j'apprends par une amie commune que quelque chose se serait mal passé lors de notre rencontre à Tokyo et qu'elle ne souhaite plus avoir de relation avec nous. J'ignore ce qui s'est passé. Peut-être quelque chose que nous aurions dû faire et que nous n'avons pas fait. Ça restera un non dit. C'est aussi ça le Tatemae. Ce n'est pas dans la culture japonaise de mettre les choses à plat et de se dire ses quatre vérités. Une brouille peut partir d'un malentendu, mais elle s'installera parce que l'autre ne s'est pas comporté comme il était censé se comporter.
05:24
Bonjour.
Pour répondre a vos questions dans l’ordre.
1. C’est basique. De la meme façon que je n’étale pas ma vie privée au travail ou sur les réseaux sociaux. Ou que je n’aborde pas les memes sujets avec une personne que je viens de rencontrer ou avec une connaissance de longue date ou avec la famille. Et meme avec des gens que je connais bien, il y a des sujets que je n’aborde pas en fonction des personnes. Les fameux sujets tabous francais religion politique argent par exemple qui sont souvent réservés aux personnes les plus proches. Pour moi, c’est tout a fait normal dans une relation sociale.
2. Oui, bien sur ! Qu’on appelle ca porter un masque, convenance, politesse ou civilité, c’est la meme chose. Sauf que ca fait moins exotique que tatemae. Un excellent exemple bien francais serait le film Ridicule de Patrice Lecomte
3. La réponse D, évidemment.
4. Je dirais convenance. Ou face sociale histoire de reprendre un terme plus habituel dans les milieux sinophiles.
5. Un peu de mal a voir la difference avec la question 2 si ce n’est l’ouverture a d’autres pays mais oui, largement.
Bon courage pour vos recherches
13:51
Je préfère le comportement Français (ou d'autres pays surement), au moins ont sait les choses.
Je déteste les gens qui coupent les ponts sans savoir pourquoi ni s'expliquer. Et pour çà, je n'aime pas le comportement Japonais. Les Japonais préfèrent suivre le courant, faire comme tous le monde, plutôt que de se créer une personnalité.
12:50
Je vous remercie énormément, vos réponses sont claires et m'aident beaucoup ! J'espère que d'autres personnes prendront le temps de répondre :) C'est toujours bon d'avoir beaucoup de témoignages pour des recherches de ce type.
C'est vrai que pour les questions 2 et 5, j'aurais dû préciser ! Par la 2, j'entends vraiment le comportement "typique" d'un Français ou Belge ou Suisse (et encore, ça reste trop vague puisque d'un département à l'autre, les gens ne sont pas pareils !) Ma question 5 s'ouvre par exemple aux Américains qui, comme le notait David, sont souvent catégorisés comme étant "easy going" etc
Il n'y a pas de question 3, faute de frappe 😁
08:19
Bonjour,
C'est un sujet passionnant comportant une dimension sociologique, anthropologique, psychologique, psychiatrique, etc.
Trop delicat de saisir sur un smartphone...
Je pense neanmoins qu'il faut bien veiller a definir ce de quoi l'on parle, et en l'espece, consultez la definition stricto sensu de "Tatemae" dans le Dico et vous aurez quelques surprises !!!
Dans les faits, il est imprecis d'evoquer le "Tatemae" sans evoquer le "Shikata" et vice et versa, il existe une zone grise entre ces deux concepts et c'est dans cette direction que se trouve la complexite du sujet pose...pas le temps d'aller plus loin.
HORS-SUJET : les japonais sont obsedes par une forme d'excellence : dans les domaines du BTP, de la gastronomie, de l'animation, de la musique, de la moto, du graphisme, etc. ce sont les champions du monde, a l'inverse, ils sont tellement introvertis, inhibes, complexes, lobotomises et claniques qu'il faut etre inconscient pour entretenir toute forme de relationnel avec eux...et pourtant on les adore !!!
Cordialement.
01:17
"il est imprécis d’évoquer le "Tatemae" sans évoquer le "Shikata" "
Tu parles de Shikata ga nai ( 仕方がない ) ?
"ce sont les champions du monde, a l'inverse, ils sont tellement introvertis, inhibes, complexes, lobotomises et claniques qu'il faut être inconscient pour entretenir toute forme de relationnel avec eux...et pourtant on les adore !!!"
C'est tout le paradoxe.
J'apprécie ton analyse Lovhotel et je t'invite à la développer quand tu seras sur un clavier.
20:04
Bonsoir,
A mon humble avis, le TATEMAE est une consequence, et le fait generateur reside dans le ou les SHIKATAS...
Considerer le TATEMAE en tant que cause serait de mon point de vue une "fatal error" pour la personne en charge de ce rapport !
Le ou les Shikatas sont toutes les traditions/coutumes/modus operandi/etc et dans les faits, les Japonais entre eux ne se posent pas au quotidien de problematique de TATEMAE, Cela correspond plutot en fait a une vision " occidentale", eu egard au malaise de l'integration au Japon, societe clanique ou tribale par excellence !
Le TATEMAE remonte a la surface lorsqu'on individu s'ecarte de la regle "tribale" ou en cas de conflit potentiel entre "locaux", de fait pour moult etrangers ou residents qui vont tout faire pour se fondre dans la masse et qui paradoxalement vont obtenir la situation inverse.
Nos societes soit disant avancees en sont reduites au plan sociologique a des mecanismes de tribut et un tres fort repli sur soi, nonobstant l'incroyable solitude qui n'existait pas dans les societes tribales, raison pour laquelle j'evoquais l'Anthropologie au debut de mon message initial.
En conclusion, l'analyse du TATEMAE en tant que consequence doit etre precede par une analyse des causes au travers des Shikatas, et des e-carts par rapport auxdits Shikatas.
SHIKATA GA NAI !!!!!
En langage scientifique, ce type de raisonnement aurait pu eviter au AF447 RIO-PARIS de finir au fond de l'Ocean !!!
Bien cordialement.
20:23
Merci LovHotel, comme WD j'attendais moi aussi votre raisonnement que j'ai tôt fait de lire et relire ! Pourriez-vous approfondir ces deux points ?
"Il faut être inconscient pour entretenir toute forme de relationnel avec eux"
"de fait pour moult etrangers ou residents qui vont tout faire pour se fondre dans la masse et qui paradoxalement vont obtenir la situation inverse"
J'espère que vous aurez le temps d'y répondre,
Merci beaucoup !!
20:24
Merci pour ton analyse.
J'ai trouvé ce passage particulièrement intéressant :
"Le TATEMAE remonte a la surface lorsqu'on individu s’écarte de la règle "tribale" ou en cas de conflit potentiel entre "locaux", de fait pour moult étrangers ou résidents qui vont tout faire pour se fondre dans la masse et qui paradoxalement vont obtenir la situation inverse."
C'est quelque chose que j'ai observé en effet.
Tu peux développer ?
20:56
La meilleure reponse serait de revoir "Stuppeur et tremblements" avec Sylvie Testu...
Je dois preciser que je ne suis pas resident, par contre moult sejours au compteur, celles et ceux travaillant au Japon, maitrisant la langue, ayant des enfants de surcroit éduqués a la Japonaise m'ont dit qu'ils ne seraient jamais "parfaitement" integres, et que le risque de situation a terme conflictuelle etait assez eleve...
J'ai bien precise que j'avais une grande estime pour les japonaises et les japonais, mais dans l'absolu, je dis qu'il faut etre inconscient, car lorsque l'on frequente quelqu'un en general, ce n'est pas possible d'avoir l'impression de passer un examen ou un concours a chaque fois que l'on prononce un mot ou remue l'un de ses membres !
En ce sens, le risque est de faire dans l'auto-censure et cela me parait tres desagreable (pour moi qui sort une connerie toutes les 5mn !).
Au final, c'est dommage car ce sont des personnes en general tres bien éduquées, respectueuses de l'autre et du bien public, au demeurant ce qui n'existe pas chez nous.
Je le repete, J'ADORE CES GENS, mais la sociologie "franco-japonaise" depasse ma limite d' empathie...
La societe japonaise est une societe clanique, soit vous en faites partie, soit vous n'en faites pas partie, c'est structurellement binaire
Bien a vous, cordialement.
21:28
Merci, c'était très clair !
Je suis bien d'accord pour l'impression de "passer un concours". Je crois que c'est la meilleure expression pour définir ce sentiment, j'aimerais citer votre phrase dans mon travail !
Je dois dire que la thèse des "cultures riches / pauvres en contexte" prend ici tout son sens. La France est proche des Italiens et Américains, on attend un "oui" ou un "non" clair et précis, de fait nous avons une culture au contexte relativement pauvre.
Le fait que le Japon ait la culture la plus riche par excellence (pas besoin de se parler, un silence, un regard suffit), je l'ai moi-même vécu en cours : je me suis liée d'amitié avec une Japonaise, elle m'attendait au tram, était assise derrière moi bien que l'amphi soit vide, et nous ne sommes jamais dit un mot. Tout s'est fait par "œillades", ce qui ne m'a pas dérangé mais ce qu'un francophone du terroir n'aurait, d'après ma voisine, pas supporté !
Je pense que cela illustre aussi assez bien la "peur de l'Autre" que les Japonais ont (j'ai peur que la Française me parle, parce que ce sera en anglais et je ne comprendrai pas, je ne connais pas ses coutumes, elle sera trop familière) tout comme nous, francophones (les Japonais ne sont pas francs, font semblant d'être polis, sont intellos et coincés etc).
PS : ces exemples entre parenthèses n'illustrent pas ma pensée mais ce que j'entends le plus souvent autour de moi, peu importe l'âge.
01:43
"Stupeur et tremblements" bien sûr ! Je rejoins TinyMarie quand à l'expression "passer un concours". J'ai souvent eu cette impression en effet.
"La France est proche des Italiens et Américains, on attend un "oui" ou un "non" clair et précis, de fait nous avons une culture au contexte relativement pauvre."
Ça me rappelle un passage de "Black rain" quand Kate Capshaw dit à Michael Douglas "ici, oui ça veut dire non et plus tard ça veut dire jamais".
Je vous invite à lire cet article du Courrier International https://www.courrierinternational.com/article/temoignage-c-est-decide-j… pour ce passage qui je pense en fera réfléchir plus d'un : "L’idée que les expatriés considèrent souvent le Japon comme leur pays d’origine mais que le Japon ne nous considère pas comme des membres de sa famille continue d’être un sujet de discorde, même pour les expatriés qui vivent encore ici."
Un grand merci à tous pour cet échange que j'apprécie !
:-)
04:37
Merci pour la référence cinématographique.
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