Aya et la sorcière : l'ennui
Le premier Ghibli en images de synthèse
Quoiqu'on puisse en penser, l'arrivée d'un nouveau Ghibli est toujours un évènement. Car pour les fans du Studio, l'attente s'avère toujours trop longue :
- Le vent se lève de la tête de proue qu'est Hayao Miyazaki remonte déjà à 2013 ;
- Le conte de la princesse Kaguya, dernier film de feu Isao Takahata, date de la même année ;
- l'oubliable Souvenirs de Marnie de Hiromasa Yonebayashi est sorti en 2014 ;
- l'excellent La tortue rouge a débarqué en 2016 mais Ghibli n'y jouait qu'un rôle de coproduction ;
- Et vous, comment vivrez-vous ?, le prochain Miyazaki père, est prévu à ce jour pour 2023.
Présentation du film
Le 30 décembre 2020, Aya et la sorcière était donc diffusé sur la chaîne japonaise NHK. Après avoir visionné le téléfilm, on comprend aisément pourquoi le célèbre studio n'a pas initialement osé choisi de passer par la case cinéma ; il est le second de leur filmographie dans ce cas, après Je peux entendre l'océan en il y a bientôt 30 ans. Pour l'occasion Goro Miyazaki, le fils de vous-savez-qui, fait son retour à la réalisation après 2 longs-métrages passables (Les contes de Terremer en 2006 puis La colline aux Coquelicots en 2011) et Ronya, une série animée catastrophique réalisée en 2014 hors de chez Ghibli.
Plus d'un mois après la diffusion, on apprend que le film bénéficiera malgré tout d'une sortie cinéma au Japon le 29 avril repoussé au 27 août (Covid 🦠 oblige), avec pour l'occasion quelques scènes inédites. En France, le long-métrage sera diffusé en salles à partir du 18 août.
Aya se présente comme une adaptation relativement fidèle d'un roman de la Britannique Diana Wynne Jones publié en 2011, l'année de son décès. C'est à elle que l'on devait déjà le matériau original du Château ambulant, que Mamoru Hosoda puis papa Miyazaki avaient à l'époque largement remodelé.
Une approche artistique ratée
Il n'aura échappé à personne qu'Aya et la sorcière se dévoile comme première œuvre Ghibli réalisée en images de synthèse. Pour l'occasion, Goro Miyazaki s'est entouré d'un certain nombre d'animateurs indépendants, externes à l'équipe de Koganei qui n'a pas l'habitude d'utiliser cette technologie.
Toutefois, l'animation assistée par ordinateur n'est pas une première du studio, puisqu'elle s'incrustait de manière relativement discrète dès Princesse Mononoké en 1997 et Le voyage de Chihiro 4 ans plus tard, jusqu'au court métrage du Musée Ghibli Boro la chenille en 2018 qui a conduit Hayao Miyazaki à poursuivre en animation traditionnelle pour son prochain film. C'est donc, plus précisément, la première fois qu'un Ghibli ressemble à un film réalisé par ordinateur.
On pouvait raisonnablement douter de ce choix technique, alors que l'on connaît les difficultés des Japonais à appréhender l'animation assistée par ordinateur, même sur les effets spéciaux de films en prises de vue réelle.
De l'autre côté du Pacifique, on nous livre dans le même temps des approches aussi costaudes techniquement qu'artistiquement, tels que les derniers Pixar, le film Lego Ninjago ou encore Spider-Man New Generation. Alors quand Aya déboule avec son logo Totoro, on ne peut s'empêcher de laisser échapper un "4 ans de travail pour ça ?" abasourdi.
Et pour cause : avec un character-design raté (voire malaisant lorsque les pupilles des protagonistes se rétrécissent), des cheveux qui ne bougent quasiment pas et un aspect plastique qui rappelle de mauvaises marionnettes, les personnages partent avec un sacré handicap.
Pour ne rien arranger, ils évoluent dans des décors presque tous vides et surtout totalement inamovibles, malgré un nombre extrêmement réduit qui devrait avoir permis de les travailler bien davantage. Pour un studio qui a fondé une réputation mondiale depuis une quarantaine d'années sur sa scénographie magistrale, sa maîtrise de l'animation et son interprétation du mouvement, cela fait mal au cœur.
C'est bien simple : on dirait un mauvais animé sans budget commandé par une chaîne jeunesse quelconque.
L'intrigue inintéressante
Et si encore le scénario suivait... Las : il ne se passe rien ! Aya et la sorcière se montre lent et long comme un dimanche pluvieux, malgré une durée particulièrement courte : 1h22 en comptant son générique. On a l'impression d'assister au deux premiers tiers (étirés en longueur) d'une narration en 3 actes qui demanderait à développer le personnage aux cheveux rouges (pas de spoiler), le développement d'Aya en tant que possible sorcière, sa relation avec Custard, etc. Passons sur la musique rock tout à fait inadaptée, qui n'avantage pas du tout le développement de l'intrigue.
On ressort donc du film à la fois ennuyés et frustrés, outre la déception que cela soit diffusé sous la bannière Ghibli dont il ne respecte clairement pas le gage de qualité. On notera en particulier l'absence totale de charisme pour sa protagoniste, qui ne peut en aucun cas être comparée aux figures si puissantes de la femme auxquelles Hayao Miyazaki nous a biberonnés pendant des décennies.
Goro n'arrive visiblement pas à se défaire de son patronyme, coincé dans l'ombre gigantesque d'un père dont il n'arrive décidément pas à la cheville. Le chat 🐈 Thomas, une copie bas de gamme du Jiji de Kiki la petite sorcière, ou encore la 2CV jaune de début du film qui s'accroche maladroitement à la plaque d'immatriculation "MYA" agissant comme des témoins de son positionnement maladroit.
On n'arrive pas à s'expliquer pourquoi Goro Miyazaki s'entête dans l'animation et pourquoi le Studio Ghibli lui donne encore sa chance, si ce n'est sur la base de son patronyme qu'il abîme à chaque nouvelle "création". En l'état, voici une nouvelle production indigne aussi bien de la marque que du temps des téléspectateurs.