Tokyo Godfathers
Après seulement deux films, Perfect Blue et Millenium Actress, KON Satoshi a imprimé son nom sur le marché du long-métrage d’animation japonais. Sa patte est désormais reconnaissable et l’on parle de lui, à raison, comme l’un des grands du milieu. Pour son troisième essai très attendu, il nous propose un sujet plutôt peu courant venant de l’archipel : le conte de Noël.
Pourtant, derrière ce catalogage réducteur, le réalisateur ne se gène pas pour aborder des thèmes qui lui sont chers. Ainsi, il traite une nouvelle fois de problèmes actuels de la société japonaise. Cette fois, faute d’idole ou d’otaku, ce sont notamment les Sans Domicile Fixe et les homosexuels qui passeront à la casserole. Ceux-ci, comme tous les autres (famille incompréhensive, jeunes délinquants, etc.), sont traités avec justesse, hors de la « bien-pensance » ou du misérabilisme dans lequel on les dépeint généralement.
Les rois mages des temps modernes version japonaise sont trois SDF : un alcoolique bourru et mythomane, un travelo à tendance pédale (c’est eux qui le disent), et une ado fugueuse charretière. Soit une belle brochette d’anti-héros pour un film qui a la prétention de ne pas trop se prendre au sérieux : Hana le travesti parle comme une femme, et Miyuki la dure jeune femme, comme un mec.
Associé au brillant studio MadHouse, Tokyo Godfathers est offert dans une cohérence technique qui, sans être fabuleuse, sert intelligemment le scénario du film. L’ensemble s’avère vraiment très propre, et accompagné d’un excellent choix des couleurs qui participent au souci du détail constant. De plus, le design très efficace des personnages met en avant leurs expressions de visages superbement travaillées, et souvent très drôles.
La narration linéaire change des enchaînements alambiqués et peu traditionnels des deux précédents films. Même si les situations sont parfois un peu grotesques, l’on se laisse porter par l’avancée du film, bercé par l’esprit de Noël qui anime autant les Japonais qu’une pièce rapportée à la Halloween 🎃 par chez nous. Heureusement le réalisateur évite avec panache le côté plan-plan, et son Tokyo sous la neige ❄️, comme un quatrième protagoniste adjuvant, s’avère bien plus attractif que bassement romantique.
Entre toutes ces coïncidences absurdes, KON parvient à pondre un conte de Noël drôle, rythmé et surtout sans faire dégouliner les sentiments. C’est la force d’un tel réalisateur face à un écueil qu’il était pourtant très facile de réaliser.