Kanamara Matsuri
Le festival de la fertilitĂ© aux portes de Tokyo đ
Kanamara Matsuri est un festival annuel shinto dĂ©diĂ© Ă la fertilitĂ©, organisĂ© par le sanctuaire Kanayama situĂ© dans la ville de Kawasaki, entre Tokyo et Yokohama. Connu Ă©galement sous le nom populaire de "festival du pĂ©nis", il attire ces derniĂšres annĂ©es davantage de visiteurs Ă©trangers en quĂȘte d'expĂ©riences insolites. Il se tient le premier dimanche d'avril, en pleine floraison des cerisiers japonais.
Les kami vĂ©nĂ©rĂ©s au sanctuaire Kanayama-jinja sont Hiko et Hime, un couple divin protecteur des forgerons et de la sexualitĂ©. Ils veillent sur la sphĂšre familiale et la procrĂ©ation : on les prie pour demander la bĂ©nĂ©diction dâun mariage, pour des relations conjugales harmonieuses, pour avoir un enfant et pour un accouchement sĂ»r. Hiko et Hime seraient d'ailleurs apparus lorsque la dĂ©itĂ© fĂ©minine originelle Izanami donna naissance au dieu du feu đ„. Ils la soignĂšrent des brĂ»lures subies, devenant ainsi Ă©galement des protecteurs contre les maladies de la partie infĂ©rieure du corps et en particulier de l'appareil gĂ©nital.
Ă l'origine du sanctuaire, une ancienne lĂ©gende japonaise raconte qu'un dĂ©mon, amoureux d'une jeune femme, s'Ă©tait cachĂ© dans son vagin. ExtrĂȘmement jaloux, il castra avec ses dents les deux prĂ©tendants qui tentĂšrent de consommer leur mariage avec elle. Pour se dĂ©barrasser de cette malĂ©diction, la femme demanda l'aide d'un forgeron qui lui fabriqua un phallus de fer, grĂące auquel les dents du dĂ©mon furent cassĂ©es. Aujourd'hui, les Ă©lĂ©ments de cette histoire sont rappelĂ©s par la reconstitution d'une forge et de son enclume dans l'enceinte du sanctuaire, par les multiples reprĂ©sentations de sexes masculins et par le nom populaire du lieu, Kanamara-sama, signifiant littĂ©ralement "pĂ©nis de fer".
Un curieux festival aux origines douloureuses
Plus rĂ©cemment, durant lâĂ©poque Edo (1603 - 1868), la ville de Kawasaki s'Ă©tendait le long du Tokaido, la route principale reliant la capitale orientale dâEdo (ancien nom de Tokyo) Ă Kyoto. On raconte que les femmes qui travaillaient dans les auberges attenantes, domestiques et prostituĂ©es, venaient au sanctuaire de Kanayama solliciter sa protection contre les maladies et le malheur.
Ces pratiques ont perdurĂ© jusqu'aux temps modernes et des personnes souffrant de maladies vĂ©nĂ©riennes ont continuĂ© Ă venir prier la nuit au sanctuaire. Cela aurait incitĂ© les paroissiens du sanctuaire de Kanayama Ă organiser un festival auquel tout le monde aurait la possibilitĂ© de participer en plein jour, sans discrimination. Celui-ci se tient dĂ©sormais chaque printemps đž, lors du premier dimanche du mois dâavril et attire prĂšs de 30.000 personnes, parmi lesquelles 60% de visiteurs Ă©trangers dont la proportion croĂźt chaque annĂ©e.
Comment profiter au mieux du Kanamara Matsuri ?
L'espace disponible autour et dans le sanctuaire s'avĂšrant restreint, il convient donc de venir assez tĂŽt en matinĂ©e, avant que la foule ne l'envahisse, pour pouvoir en profiter. Les premiĂšres processions de mikoshi dĂ©butent vers 11h30 ; il est possible de sâimprĂ©gner de lâambiance de ce festival de printemps en faisant le tour des quelques marchands installĂ©s principalement dans lâenceinte du sanctuaire. L'entrĂ©e de celle-ci est d'ailleurs organisĂ©e en file d'attente, une raison supplĂ©mentaire pour arriver tĂŽt et Ă©viter ainsi de patienter trop longtemps.
Ă lâintĂ©rieur, les stands proposent des spĂ©cialitĂ©s culinaires peu onĂ©reuses, mais aussi toute une variĂ©tĂ© d'articles Ă lâeffigie des organes gĂ©nitaux masculin et fĂ©minin, parmi lesquels des mochi ou des sucettes en sucre. Comme tous les sanctuaires, Kanayama-jinja dispose d'un "Ema-den", un pavillon oĂč les fidĂšles dĂ©posent les plaquettes votives ema sur lesquelles ils ont Ă©crit un vĆu Ă destination du kami. Ici, l'Ă©difice vaut particuliĂšrement le dĂ©tour pour sa dĂ©coration quelque peu originale de phallus en bois sur le sommet des palissades et pour l'accumulation des plaquettes ema, dont le verso arbore des dessins explicites. Kanamara Matsuri mĂ©rite bien son surnom de "festival du pĂ©nis" tant l'organe sexuel masculin est omniprĂ©sent dans les moindres dĂ©tails de la dĂ©coration et des animations, et bien sĂ»r avec son surprenant clou du spectacle : les autels portatifs mikoshi.
Dans lâenceinte et avant leur dĂ©part pour la procession sont exposĂ©s les trois mikoshi qui ont contribuĂ© Ă la cĂ©lĂ©britĂ© de ce "festival du zizi" :
- Dai-mikoshi (le "grand mikoshi") se présente sous une forme carrée surmontée d'un toit, et abrite un pénis de bois dressé. C'est le plus ancien des trois.
- Fune-mikoshi (le "mikoshi bateau") est comme son nom l'indique un bateau, surmonté d'un toit et abritant un pénis de fer noir. C'est un don de l'entreprise industrielle Hitachi Zosen, qui fabriquait autrefois des navires.
- Elizabeth-mikoshi (le "mikoshi Elizabeth") est un curieux pénis géant rose, don d'un club de travestis d'Asakusa-bashi connu sous le nom d'Elizabeth Kaikan ("Maison d'Elizabeth"). Contrairement aux deux précédents, habituellement portés par les hommes des alentours, Elizabeth-mikoshi était porté par les travestis du club en tenue de travail. Cependant, ceux-ci ayant vieilli, l'objet a été installé sur un char roulant, et depuis 2017 il est abrité par un dais de tissu blanc.
Le quartier historique de Kawasaki en fĂȘte
Lâambiance festive dans lâenceinte de Kanayama-jinja est ponctuĂ©e de petits concerts et de discours de paroissiens rappelant la nĂ©cessitĂ© de rĂ©gĂ©nĂ©ration du Japon pour lutter contre son vieillissement dĂ©mographique actuel. Une animation populaire propose notamment de sculpter des grands radis blancs daikon en une forme trĂšs Ă©vocatrice. On peut Ă©galement dĂ©ambuler dans les rues environnantes, sucette en forme de pĂ©nis ou de sexe fĂ©minin Ă la bouche, et traverser d'autres zones trĂšs animĂ©es qui nâont rien Ă envier Ă lâambiance exubĂ©rante de lâintĂ©rieur du sanctuaire.
Le magnifique temple Kawasaki Daishi n'Ă©chappe pas Ă lâesprit de fĂȘte qui vient troubler sa sĂ©rĂ©nitĂ© habituelle. Le jardin Daishi avoisinant le temple est lui aussi une Ă©tape importante, les mikoshi venant y faire une petite pause au moment du dĂ©jeuner avant de prendre, en milieu dâaprĂšs-midi, le chemin du retour vers le sanctuaire.
MalgrĂ© la foule, le matsuri se dĂ©roule dans le calme et sans dĂ©bordement. Certains porteurs de mikoshi arborent des dĂ©guisements fantaisistes, et des visiteurs viennent mĂȘme en vĂȘtements traditionnels japonais. Il convient cependant de respecter les rĂšgles dâusages comme nâimporte oĂč ailleurs au Japon. Ă noter que l'Ă©vĂ©nement est plutĂŽt convivial, Ă tel point que certains s'y rendent mĂȘme en famille avec leurs jeunes enfants, ce que nous ne conseillons pas forcĂ©ment.