Le goût amer de la baleine au Japon
Le feuilleton dure depuis un moment déjà avec diverses association écologistes, mais il a été relancé une 1ère fois en 2014 à une échelle un peu plus vaste. Le 31 mars, la Cour Internationale de Justice de La Haye demandait ainsi au Japon de cesser sa chasse à la baleine 🐋.
L'histoire récente de la chasse à la baleine au Japon
Depuis 1946, les Nippons se basaient sur l'autorisation scientifique pour leurs chasses dans l'Arctique, puis sur un moratoire de 1986, jusqu'à ce que l'Australie présente l'affaire aux Nations Unies en mai 2010, arguant le fait que les véritables raisons sont commerciales (sous-entendu : alimentaires). Et pour cause : entre 2005 et 2014, pas moins de 3.600 baleines auraient été tuées par les Japonais ; un chiffre difficile à justifier pour de simples recherches.
Quelques semaines plus tard, un sondage commandé par le puissant quotidien Asahi demandait leur avis à 1.756 Japonais. Alors que 14% d'entre eux avouaient, même peu fréquemment, manger de la baleine...
- 60% soutenaient la poursuite de sa chasse ;
- 23% y étaient opposés ;
- et 17% ne se prononçaient pas.
Et le 9 juin de renchérir via le premier ministre Shinzo Abe, arguant qu'aucune loi internationale n'était violée et que les recherches scientifiques de gestion des ressources baleinières devaient être poursuivies. Si l'Antarctique était mise de côté, le nord-ouest du Pacifique ainsi que les côtes japonaises constitueraient encore des terrains de cette pêche commerciale, bien que des réflexions seraient menées pour 2015-2016.
Dernier épisode en date : le 18 septembre dernier, la Commission Internationale Baleinière (CIB), dont la mission principale est de réguler la chasse à la baleine, condamnait le Japon dans une résolution ratifiée par une soixantaine de pays. Comme une provocation, le Jimintô au gouvernement (Parti Libéral Démocrate) servait dès le lendemain, au siège du parti, de la... viande de baleine !
-- Note de décembre 2018 : Le Japon annonce la reprise prochaine de la chasse commerciale à la baleine et se retirera le 30 juin 2019 de la Commission Baleinière Internationale.
De manière assez anecdotique, les Japonais ne sont pas les plus grands chasseurs de baleines au monde : en 2013, les Norvégiens leur tenaient la dragée haute avec 594 tuées contre 417. La partie est donc sans doute loin d'être finie.
En 2020 et 2021, le Japon s'est engagé à pêcher un maximum de 383 baleines par an.
L'entreprise baleinière Kyodo Senpaku ouvre en 2023 des distributeurs automatiques de viande congelée de baleine à Tokyo, Yokohama et Osaka.
Dans l'assiette des Japonais
Bien au-delà de l'opinion populaire telle que rapportée dans un sondage, en réalité la dégustation de baleine reste relativement rare au Japon. Inutile d'espérer en trouver dans les restaurants à tous les coins de rue ; on reste très loin des poissons 🐟 plébiscités comme les saumon, maquereau ou calmar et surtout le thon rouge, tout aussi litigieux dans sa consommation selon les associations de défense. On peut, en revanche, en acheter dans un certain nombre de supermarchés.
Peu importent ce qu'en disent des politiques comme Toshihiro Nakai, la jugeant "essentielle à [leur] régime alimentaire" dans la "culture culinaire japonaise" ; la plupart des Nippons eux-mêmes, non seulement ne raffolent pas de la baleine, mais n'en ont sans doute tout simplement jamais eu dans la bouche. D'ailleurs, 75% des stocks de chair arrivées au Japon l'année passée n'ont pas trouvé d'acheteur, d'où la volonté du Japon de la promouvoir auprès des touristes musulmans.
À Kanpai, nous avons eu l'opportunité de goûter de la baleine dans un petit sushi 🍣-ya de quartier à Osaka, lors d'un voyage au Japon il y a déjà de longues années. Le souvenir gardé n'est absolument pas impérissable ; d'ailleurs le maître-sushi nous en avait proposé un petit morceau pour découvrir, mais nous n'en avons pas commandé plus. La viande de baleine nous a parue plutôt amère, sans beaucoup de caractère, d'ailleurs elle était relevée avec de la mayonnaise. Son aspect caoutchouteux la rendait peu agréable à mâcher, ce qui explique qu'elle soit parfois servie frite. Enfin, sa rareté la rend naturellement plus chère que les poissons plus communs.
Si vous souhaitez découvrir le goût de la baleine par vous-mêmes, vous pouvez tester le restaurant Ganso Kujira-ya en plein cœur de Shibuya à Tokyo.