Saké japonais ou Nihonshu
🍶 L'alcool de riz emblématique du Japon
Le saké japonais ou nihonshu est un alcool à base de riz fermenté, originaire du Japon. Représentatif au même titre que le vin en France, le saké fait partie intégrante de la culture gastronomique de l'archipel et présente de nombreuses variations selon les régions. Au goût fruité, corsé ou subtil, le nihonshu émerveille de plus en plus les amateurs en dehors des frontières japonaises, qui découvrent cet alcool en apéritif ou comme accompagnement lors d'un repas.
Au Japon le terme sake (酒), ou dans sa forme polie osake (お酒), signifie l'alcool de manière générale. Lorsque l'on pense au saké 🍶 japonais, on fait référence en réalité au nihonshu (日本酒) ou plus rarement au washu (和酒), que l'on traduit par "alcool japonais". Il convient donc d'utiliser le terme "nihonshu" lorsque l'on demande du saké chez un commerçant au Japon, au risque sinon de laisser son interlocuteur interrogatif !
Qu'est-ce que le saké japonais ?
Alcool emblématique du Japon, le nihonshu est élaboré à partir de riz fermenté avec du koji, que l'on va ensuite diluer dans de l'eau. Développé depuis des siècles, ce processus traditionnel est présent dans toutes les régions de l'archipel et appartient au terroir de chaque préfecture. Le saké japonais désigne ainsi une somme infinie de nihonshu locaux, chacun ayant son caractère et son goût unique. Les amateurs assidus finissent par sélectionner leur meilleur saké selon le type de breuvage, le degré de polissage du riz mais également suivant la brasserie et le lieu géographique où il est produit.
Non dilué, le saké japonais brut présente un degré d'alcool autour de 20%. Celui que l'on consomme est en général titré entre 13° et 17° et peut être bu froid ou chaud, à des températures allant de 5°C à 55°C, ce qui offre une immense palette d'arômes et de saveurs en bouche.
Avec un aspect transparent, le nihonshu se classe dans la catégorie des alcools clairs, c'est-à-dire qui contiennent le moins d'impuretés lié à la fermentation alcoolique. On le dit ainsi plus facile à assimiler par le corps et donc moins enclin à donner mal à la tête en lendemain de soirée.
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Enfin, il ne faut pas confondre le saké japonais avec d'autres alcools asiatiques, ceux servis par exemple dans des petits verres à fond érotique. Ces derniers, baptisés à tord saké, sont pour la plupart issus d'alcool distillé à base d'autres céréales que le riz, et à la teneur en alcool généralement plus élevée.
Des origines ancestrales et sacrées
Les origines de la culture du riz au Japon remonteraient au début de la période Yayoi (de 600 ans avant à 250 ans après JC), d'abord introduite par les Chinois au nord de l'île de Kyushu avant de s’étendre à tout l’archipel. L'élaboration du saké japonais est ensuite étroitement liée à la maîtrise de l'irrigation des rizières.
Surnommé "la boisson des dieux", le nihonshu tient une place importante au sein des rituels shinto et sert d'offrande pour apaiser les divinités kami. Lorsque l'on visite des sanctuaires au Japon, il n'est donc pas rare de passer devant des rangées de tonneaux de saké en bois baptisés komodaru, ou de voir des coupelles de saké posées sur l'autel pour la prière.
Un processus de fabrication plutôt complexe
La fabrication du saké japonais s'effectue au rythme des saisons, sur une petite année environ. Le cycle de production débute en octobre où l'on célèbre le 1er du mois comme le jour du saké : Nihonshu no Hi (日本酒の日). Chaque brasserie suspend devant son entrée une boule d'épines de cèdre sugi baptisée sakabayashi (酒林) qui, en séchant, passe du vert au marron et indique ainsi l'état d'avancement de la fabrication.
1️⃣ Sélection des ingrédients
Deux éléments sont essentiels à la fabrication du nihonshu qui se compose à 20% de riz et à 80% d'eau. Présente en grande quantité, l'eau choisie n’est donc pas anodine et joue un rôle important dans le type de saké produit. Une eau très minérale rend le breuvage sec alors qu'une eau peu riche en minéraux donnera au saké un goût plus doux.
Concernant le riz à sélectionner, il se distingue du celui de consommé quotidiennement par les Japonais. En effet, une variété spécifique baptisée shuzo koutekimai (酒造好適米) est utilisée pour élaborer le saké, dont la caractérise principale est d'avoir des grains plus volumineux et donc riches en amidon. Sa production représente seulement 5% des récoltes de riz nationales, trustées à 95% par le comestible hanmai (飯米).
Plus vulnérable aux vents et aux typhons 🌀, la culture du riz shuzo koutekimai se montre donc moins rentable. La partie infime de la récolte qui est assez noble pour être réservée aux saké d'exception est chaque année disputée par les meilleures brasseries du pays. Certaines maisons cultivent leur propre riz à saké mais cette pratique reste rare.
2️⃣ Polissage et lavage du riz
Après la récolte du riz qui se termine à l’automne 🍁, on débute par une première étape importante dans la fabrication du nihonshu : se débarrasser de la cuticule brune qui enveloppe chaque grain de riz. Cette phase de polissage est baptisée seimai (精米) en japonais.
En plus de l'enveloppe extérieure brune, on retire également les couches supérieures riches en acides aminés, protéines et lipides, pour ne garder que le cœur du grain chargé en amidon. Pour cela, on utilise des meules verticales, les grains entrent par le haut à l’état brut et ressortent sous forme de petites perles rondes pas le bas.
Le taux de polissage du riz correspond au pourcentage du grain conservé et participe ensuite de l'appellation du saké. Plus le riz est poli, plus le saké sera qualifié de haut de gamme ; à mesurer également avec la qualité des autres ingrédients.
Une fois le processus de polissage terminé, le riz est lavé avec de l'eau douce afin de retirer une dernière fine couche appelée nuka (ぬか). Le temps de trempage, qui peut aller de quelques minutes à plusieurs heures, est fixé en fonction du pourcentage de riz poli.
3️⃣ Cuisson du riz et transformation en koji
La cuisson du riz s'effectue à la vapeur pendant un peu moins d'une heure et dans de grandes cuves, traditionnellement en bambou et baptisées koshiki (甑). Une fois cuit, le riz conserve une enveloppe externe encore dure mais son cœur, lui, est devenu très tendre.
Sans trop le laisser refroidir, le riz est ensuite amené dans une pièce chaude et humide que l'on nomme koji-muro (麹室) où il va être étalé sur de vastes planches appelées toko pour être saupoudré de koji-kin (麹菌). Ce petit champignon microscopique, qui est une sorte de moisissure ayant l’aspect d’une poudre verte, va transformer les molécules d’amidon du riz en sucres simples grâce à ses enzymes amylases, dans un processus naturel dit de saccharification. Durant 36 à 48 heures, le riz est régulièrement mélangé afin de favoriser l’exposition au champignon et sa pénétration dans les grains. On obtient ainsi une première transformation du riz que l'on appelle ferment koji (麹) et qui est prêt à devenir un alcool.
4️⃣ Fermentation alcoolique et travail des levures
Le koji est ensuite mis en petites cuves, au sein desquelles on y adjoint de l'eau de source et des levures. La première étape de la fermentation shubo est amorcée par la multiplication des levures qui transforment les sucres simples en alcool.
Le concentré se repose ensuite 10 à 14 jours avant d’être transvasé dans de plus grandes cuves afin de débuter la phase de fermentation principale, baptisée moromi. Pendant 3 à 5 semaines, on y ajoute du riz fraîchement cuit à la vapeur et de l’eau de source, à certains moments-clés, ce qui permet à terme de produire plus de litres de saké.
Une réaction simultanée de saccharification et de fermentation est alors en cours, entre le koji qui se charge de dégrader l’amidon du riz ajouté en sucres simples, et les levures qui transforment ensuite le sucre en alcool.
5️⃣ Pressage, filtrage et pasteurisation du nihonshu
Le pressage consiste à se débarrasser des résidus de riz kasu présents pour obtenir de la lie de saké. On utilise des sacs en coton que l'on suspend afin de laisser le liquide s'écouler en goutte à goutte.
Encore impur après le pressage, le breuvage est dans un deuxième temps filtré, et c'est lors de cette étape que son profil aromatique ainsi que sa couleur finale vont être déterminés. Chaque brasserie possède sa technique, la plus répandue étant l’utilisation de charbon pour le filtrage.
On laisse ensuite reposer quelques temps le liquide afin de séparer les derniers sédiments, puis on le pasteurise à la température de 60-65°C pour stopper définitivement l'action des dernières enzymes qui auraient survécu jusqu’ici.
6️⃣ Maturation, dilution et mise en bouteille
Le saké japonais est mis à maturation pendant 3 à 12 mois, avant d'être conditionné en bouteille où il est une dernière fois dilué avec de l'eau de source afin d'ajuster sa saveur et de faire baisser sa teneur en alcool à un degré allant de 13° à 17°.
Visiter une brasserie de saké au Japon
Le Japon posséderait plus de 1.700 brasseries de saké éparpillées dans tous le pays, qu'elles soient perdues dans la campagne ou bien rassemblées dans des quartiers dédiés proches des centre-villes comme Saijo à Hiroshima, Nada à Kobe et Fushimi à Kyoto.
Elles sont nombreuses à ouvrir leurs portes aux visiteurs et organisent toute l'année des tours guidés, majoritairement donnés en japonais (et parfois en anglais). Après une visite détaillée de l'atelier de fabrication et des entrepôts kura, le tour se termine en général par une dégustation et un passage par la boutique de saké.
Voici une liste non-exhaustive des distilleries de saké qui proposent une visite guidée gratuite ou à petit prix :
- Hachinohe Shuzo dans la préfecture d'Aomori, qui produit les saké Mutsu Hassen et Mutsu Otokoyama ;
- Urakasumi à Shiogama, au nord-est de Sendai, dans la préfecture de Miyagi ;
- Imayotsukasa à Niigata, l'une des brasseries les plus réputées du pays ;
- Hakoneyama dans la banlieue nord d'Odawara, dans la préfecture de Kanagawa ;
- Fukumitsuya à proximité du jardin Kenroku-en à Kanazawa ;
- Kamoizumi à Hiroshima, l'une des brasseries du quartier Saijo ;
- Shushinkan à Kobe, l'une des brasseries du quartier Nada.
Pour celles et ceux qui souhaitent ramener du nihonshu de leur voyage au Japon, la limite d'import est fixé à 2 litres par les douanes françaises, pour un alcool titrant à moins de 22°. Cette règle peut être différente suivant les pays de résidence et il est préférable de se renseigner en amont, au risque de devoir se délester de quelques bouteilles à l'aéroport.
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Il suffit de quelques mois pour fabriquer du nihonshu prêt à être dégusté, dont une quarantaine de jours seulement pour toutes les étapes de transformation et de fermentation, suivi d'une phase de maturation qui est celle qui dure le plus longtemps. On est donc ici sur des temps au global beaucoup plus courts que ce que l'on a l'habitude d'avoir avec le vin en France.
Un saké se consomme jeune, relativement rapidement, c'est-à-dire idéalement dans l'année qui suit sa mise en bouteille. Il existe des sakés japonais dits "âgés", baptisés koshu (古酒) et ayant subi un vieillissement de 2 ans ou plus, mais ils restent rares à trouver et à boire même au Japon.