Saké de Fushimi
🍶 Le quartier des brasseurs traditionnels de Kyoto
Le quartier du saké de Fushimi désigne une zone ancienne de brasseurs de nihonshu située entre les gares de Fushimi-Momoyama et de Chushojima, au sud de Kyoto. Les rues parfumées par l’arôme du riz fermenté abritent également un épisode marquant de la fin de l'époque féodale au Japon, avec le personnage de Sakamoto Ryoma (1836 - 1867).
Au début du XVIe siècle, Fushimi devient le quartier privilégié des distilleries de saké 🍶 de Kyoto. Les différents cours d'eau qui quadrillent les rues, dont une branche de la rivière Uji, fournissent "l’essence du brassage du saké", c'est-à-dire une très bonne eau minérale qui enrichit les saveurs de cet alcool baptisé nihonshu en japonais. C'est ainsi que s’installe en 1637 le fondateur de la brasserie Okura, aujourd’hui baptisée Gekkeikan Okura Saké, puis la famille Masuda qui fonde en 1675 la maison Tsuki no Katsura, et d'autres nombreux confrères.
Une situation géographique bénéfique pour le commerce
Le siècle s'achevant, cet arrondissement au sud de Kyoto connaît ainsi un bel essor économique. Les rivières qui traversent Fushimi se transforment en voies maritimes à mesure que le commerce entre Kyoto et Osaka se développe. Le transport de marchandises se fait alors essentiellement sur l'eau, et la rivière Uji qui se jette dans la rivière Yodo fait du quartier une plaque tournante du transport fluvial. Aujourd’hui, le parc portuaire de Fushimi témoigne encore de cette activité.
À cette même période, le système Sankin-kotai, qui oblige les seigneurs daimyo à résider en alternance entre la capitale Edo et leur province, est mis en place. Toujours géographiquement bien située, Fushimi y voit une occasion de se diversifier et décide de répondre aux besoins importants d'hébergement pour les marchands, les marins ainsi que les chefs de clan et leurs suites. Plusieurs auberges ouvrent leurs portes aux côtés des producteurs de saké. Le district devient de facto un lieu où circulent rapidement les informations et où les jeux de pouvoir se font et se défont.
Au cours de la seconde partie du XIXe siècle, l’histoire du quartier de Fushimi est ainsi étroitement liée à celle de la restauration de Meiji. De nombreux personnages historiques arpentent ses rues, mais le plus marquant reste sans doute le samourai complotiste Sakamoto Ryoma, qui va œuvrer (avec succès posthume) à la fin du shogunat Tokugawa.
Un parcours didactique entre saké et révolution anti-féodale
Les amateurs de saké et d'histoire japonaise se croisent à Fushimi, où l'ensemble des sites à voir se retrouvent dans une poignée de rues entre les gares de Fushimi-Momoyama et de Chushojima. De cette façon, on passe d'un domaine à l'autre avec aisance et l'on se plaît à découvrir le passé mouvementé de cet arrondissement qui garde encore bien des stigmates.
La rue commerçante Ryoma, qui relie les galeries marchandes Otesuji et Nayamachi aux rues des distilleries, est dédiée au personnage éponyme. Non loin en passant par les berges aménagées de la rivière Go-gawa, on conseille de visiter l’authentique auberge Terada-ya, à l'époque lieu de résidence dédié aux voyageurs en provenance de la région Satsuma (actuelle Kagoshima). C'est entre ces murs que s'est déroulé l'incident de Teradaya, le 23 avril 1862. Des progressistes de Satsuma, dont Sakamoto Ryoma en tête de gondole, se retrouvent dans cette auberge pour organiser un coup d’état qui vise à faire tomber le régime féodal. Cette tentative se termine en échec pour les révolutionnaires mais reste dans les annales comme le premier complot armé anti-shogun au Japon. Par ailleurs, sur un pilier d'une chambre du Teradaya, on observe encore l’impact d’une balle tirée en 1866 lors d’une tentative d’assassinat de Ryoma.
À moins de cinq minutes de là, le Musée du saké de la distillerie Gekkeikan Okura est un passage obligé pour connaître l'histoire et la fabrication du saké de Kyoto. Inauguré en 1982, le musée expose l'ensemble des équipements pour le processus du brassage de la boisson avec des explications détaillées traduites en anglais. La visite est également accompagnée par le chant traditionnel des brasseurs lors de la fabrication. En fin de parcours, le personnel propose également de tester le goût de trois sakés différents.
Dans la continuité, on conseille de visiter la brasserie Tsuki no Katsura fondée en 1765 et gérée par la famille Masuda depuis 14 générations. On apprend d'abord les différentes qualités de riz utilisées pour la fabrication du nihonshu puis on fait un petit tour guidé de l'atelier où l'alcool est produit. Dans une salle perchée dans les combles, on découvre des fûts en porcelaine destinés au vieillissement du saké. La maison Tsuki no Katsura s'est notamment spécialisée dans les nihonshu vieillis et certains des breuvages entreposés ici ont plus de 50 ans d'âge, ce qui est extrêmement rare au Japon. Une autre signature de la brasserie est son saké trouble nigori effervescent. Une belle réussite ré-introduite sur le marché japonais par la 13ème génération Masuda en 1964. En effet, le nigori existe depuis l’époque Edo (1603 - 1868) mais il a été interdit durant l’époque Meiji (1868 - 1912) à cause de sa faible filtration. À noter qu'aucune adjonction de gaz carbonique n'est réalisée, les petites bulles qui rendent la boisson pétillante, naissent à l’ouverture de la bouteille, grâce à une réaction chimique provoquée par la rencontre entre l’air et des bactéries encore présentes dans le liquide.
Enfin, on peut clore agréablement la découverte du charmant et authentique quartier de Fushimi, encore ignoré par l'afflux touristique kyotoïte, par le petit temple Choken-ji avec ses fûts de saké déposés ci et là dans son enceinte et le sanctuaire Gokonomiya-jinja, célèbre entre autres pour sa source d’eau naturelle parfumée baptisée Gokosui.