Obon
đ» La fĂȘte des morts et des fantĂŽmes au Japon
Obon est une pĂ©riode de festivitĂ©s et de rituels bouddhiques qui advient gĂ©nĂ©ralement autour de la mi-aoĂ»t au Japon. Ces quelques jours sont une des courtes pĂ©riodes de vacances nationales pendant lesquelles les Japonais se rĂ©unissent en famille afin de rendre hommage Ă leurs proches dĂ©cĂ©dĂ©s et Ă leurs ancĂȘtres.
Saison des fantĂŽmes par excellence, lâĂ©tĂ© revĂȘt une signification particuliĂšre pour de nombreux Japonais : câest en effet Ă cette pĂ©riode quâa lieu Obon (ou O-bon), une occasion de se retrouver en famille et de retourner dans son furusato, sa ville dâorigine, pendant quelques jours de congĂ©s gĂ©nĂ©ralement entre le 10 et le 15 aoĂ»t. Par consĂ©quent, comme la Golden Week, c'est une pĂ©riode de congestion des transports et des routes car tout le monde voyage en mĂȘme temps.
Origines et dates
Obon est une fĂȘte de famille trĂšs populaire qui mĂȘle culte des ancĂȘtres et principes bouddhistes pour rendre hommage aux aĂŻeux et proches dĂ©cĂ©dĂ©s. Son nom fait rĂ©fĂ©rence au plateau ç (bon) sur lequel on dispose les offrandes destinĂ©es aux dĂ©funts. Au Japon, sa cĂ©lĂ©bration se serait fixĂ©e en Ă©tĂ© dĂšs le VIIIe siĂšcle.
Il est attestĂ© qu'Obon Ă©tait cĂ©lĂ©brĂ© autour des 14 et 15Ăšme jours du 7Ăšme mois de lâancien calendrier lunaire dĂšs le XVIIe siĂšcle et durant toute lâĂ©poque dâEdo (1602 - 1868). Câest dâailleurs Ă cette Ă©poque quâest apparue la notion de "vacances dâObon" (ăçäŒăż Obon yasumi), soit le fait de prendre quelques jours de repos dâaffilĂ©e pour cette occasion. Les dates en ont Ă©tĂ© officiellement fixĂ©es du 14 au 16 Ă partir de 1872, mais elles ont Ă©tĂ© supprimĂ©es lâannĂ©e suivante avec lâadoption du calendrier grĂ©gorien.
Dans le nouveau calendrier, Obon aurait dĂ» se dĂ©rouler Ă la mi-juillet. Toutefois, cela crĂ©ait un dĂ©calage avec les rites Shinto toujours basĂ©s sur lâancien calendrier lunaire et, Ă cette pĂ©riode, les Japonais Ă©taient quasiment tous occupĂ©s par la haute saison des travaux agricoles. De nombreuses rĂ©gions adoptĂšrent donc le 15 aoĂ»t pour fĂȘter leurs ancĂȘtres, cette date Ă©tant parfois nommĂ©e tsuki-okure bon (æé ăç, "Bon en retard dâun mois / Bon tardif").
Par la suite, la rĂ©partition lĂ©gale des jours fĂ©riĂ©s dans lâannĂ©e a Ă©tĂ© remaniĂ©e plusieurs fois, sans jamais rĂ©introduire de dates pour Obon. Au fil du temps, câest la population japonaise elle-mĂȘme qui a pris lâhabitude de prendre des jours de congĂ©s en dehors des jours fĂ©riĂ©s pour cette fĂȘte, Ă une date qui sâest progressivement fixĂ©e autour du 15 aoĂ»t et qui de nos jours coĂŻncide de plus avec les vacances scolaires estivales des enfants.
Câest ainsi quâaujourdâhui lâensemble du Japon fĂȘte officiellement Obon Ă la mi-aoĂ»t, avec toutefois de nombreuses variations rĂ©gionales. Certains endroits fĂȘtent encore lâancien bon au 15 juillet ou le week-end suivant cette date :
- certaines Ăźles dâOkinawa ;
- une partie de Tokyo (Shitamachi notamment) ;
- Osaka ;
- le Tohoku et une partie du Hokuriku, par exemple.
Dâautres dates sont possibles entre juin et aoĂ»t pour les rĂ©gions qui ont conservĂ© le rythme de lâancien calendrier lunaire.
Comment fĂȘte-t-on Obon au Japon ?
Obon est marquĂ© par une pause massive des activitĂ©s pendant 3 ou 4 jours, mais les rituels dĂ©butent dĂšs le 1er jour du mois et se poursuivent sur pratiquement toute sa durĂ©e, que ce soit juillet ou aoĂ»t. Selon dâanciennes croyances taoĂŻstes chinoises, tous les dĂ©funts font un passage obligĂ© aux Enfers qui ont une forme de marmite gĂ©ante. Le 1er jour du mois est nommĂ© Kamabuta tsuitachi (éèææ„), un jeu de mots signifiant "[premier] jour dâouverture du couvercle de la marmite" : la porte des Enfers sâouvre en effet, laissant Ă©chapper les Ăąmes des dĂ©funts, qui entreprennent un long voyage pour retourner vers leurs proches. Les vivants entament donc des prĂ©paratifs afin de bien les recevoir.
Les préparatifs
DĂšs le 1er du mois, on visite et nettoie les tombes au cimetiĂšre. Ă la maison, lâautel butsudan abritant les tablettes bouddhiques des dĂ©funts est aussi nettoyĂ© et on met en place les lanternes đź dâObon (çæçŻ BonchĂŽchin).
Ă partir du 7Ăšme jour (äžć€ ou æŁćčĄ Tanabata đ), on prĂ©pare un autel destinĂ© Ă accueillir les morts (çČŸéæŁ shĂŽryĂŽdana) pendant leur sĂ©jour terrestre. Selon les rĂ©gions, les familles et lâespace disponible, on y trouve :
- de la nourriture : fruits, riz, gĂąteaux de riz (mochi et dango đĄ). Si la famille a une plus forte appĂ©tence pour le culte Shinto : du sakĂ© japonais, des bougies, des branches de sakaki, du sel, de lâeau, des produits de la mer (konbu, poisson) et agricoles (lĂ©gumes, Ćufs), ou tout mets apprĂ©ciĂ© par les dĂ©funts ;
- de lâencens ;
- des tablettes funéraires ;
- une petite composition dâikebana, une dĂ©limitation de tiges de bambous et des suspensions de physalis (éŹŒçŻ hoozuki) dont la forme rappelle une lanterne ;
- et les shĂŽryĂŽ uma (çČŸé銏) indispensables moyens de locomotion des esprits : un concombre đ„ et une aubergine đ, piquĂ©s de 4 allumettes ou baguettes en guise de pattes, reprĂ©sentent respectivement un cheval đ pour les dĂ©placements rapides â souvent dĂ©diĂ© au voyage aller - et un bĆuf đ pour les dĂ©placements lents et / ou chargĂ© de cadeaux, pour le retour. RĂ©cemment, la coutume a Ă©voluĂ© en introduisant Ă©galement des petites voitures ou autres jouets imitant un moyen de transport en fonction des prĂ©fĂ©rences connues des dĂ©funts.
Un moine bouddhiste peut ĂȘtre invitĂ© Ă venir lire des sutras devant le butsudan et le shĂŽryĂŽdana.
Le 13Ăšme jour est celui des Mukaebi (èżăç«), les "feux đ„ de lâaccueil", des lanternes que lâon allume pour guider les proches dĂ©funts et les aider Ă revenir chez eux.
Festivités et séparation
Les Ăąmes des ancĂȘtres sont donc censĂ©es arriver en milieu du mois. La joie des retrouvailles pour les uns, et celle dâĂ©chapper temporairement aux tourments des enfers pour les autres sâexprime dans les soirĂ©es du 15 et du 16 lors des danses Bon Odori ("danses dâObon", çèžă).
Ces danses nocturnes avaient lieu Ă lâorigine dans les enceintes des temples et sanctuaires. Aujourdâhui elles peuvent ĂȘtre accueillies dans tout endroit public suffisamment vaste pour y Ă©riger une petite tour provisoire dite yagura, surmontĂ©e dâun tambour qui donne le rythme. Le lieu est Ă©clairĂ© de multiples lanternes et on y trouve gĂ©nĂ©ralement les traditionnels stands de street-food dans une ambiance de matsuri. Tout un chacun peut revĂȘtir un yukata đ ou une tenue traditionnelle pour effectuer une chorĂ©graphie simple en tournant autour de la tour.
Des festivals spĂ©cifiques sont aussi organisĂ©s, comme lâAwa-Odori Ă Tokushima, oĂč ce sont des troupes professionnelles qui dansent et assurent le spectacle dans la rue.
Au soir du 16Ăšme jour vient le moment pour les esprits des dĂ©funts de retourner prendre leur place dans lâAu-delĂ . Les vivants leur montrent la route en allumant de grands feux Okuribi (éăç« "feux de raccompagnement") ou en mettant des lanternes Ă flotter dans la riviĂšre (çŻç± æ”ă TĂŽrĂŽ nagashi). Le moment du retour peut aussi ĂȘtre indiquĂ© par des feux dâartifice. La pĂ©riode de voyage retour peut durer jusquâĂ la fin du mois, en fonction des rĂ©gions. Toutefois, les offrandes et autels prĂ©parĂ©s pour Obon sont remisĂ©s dĂšs la fin du 16Ăšme jour ou au plus tard le lendemain.
Le premier Obon (ćç hatsu bon ou æ°ç nii bon) est cĂ©lĂ©brĂ© au moins 49 jours aprĂšs le dĂ©cĂšs dâune personne.
OĂč assister Ă Obon au Japon ?
Obon est certes une commĂ©moration familiale mais certaines manifestations sont publiques, notamment Ă lâoccasion des Okuribi :
- à Kyoto, le célÚbre festival Gozan no Okuribi a lieu la soirée du 16 août ;
- Ă Tokyo, le grand feu dâartifice Tokyo Sumida-gawa Hanabi Taisai est traditionnellement programmĂ© le dernier week-end de juillet ;
- à Sasebo (Kyushu), la tradition est au tÎrÎ nagashi avec des lanternes allumées lancées dans la riviÚre Sasebo le 15 août.
Les danses Bon Odori ont lieu un peu partout, notamment dans les quartiers résidentiels. Des événements de plus grande ampleur et plus formels sont aussi organisés :
- le plus cĂ©lĂšbre : lâAwa-Odori du 12 au 15 aoĂ»t Ă Tokushima ;
- et à Tokyo, le festival Koenji Awa-Odori un week-end de la fin août.
Pour ceux qui souhaiteraient dĂ©couvrir cette tradition plus calmement, il est aussi possible de se rendre dans un temple bouddhiste ou un sanctuaire et de sâimmerger dans les illuminations des Okuribi, comme au temple Adashino Nenbutsu-ji Ă Kyoto, ou Ă lâoccasion du festival Chugen-Mantoro au sanctuaire Kasuga Taisha de Nara.