Les Contes de Terremer (critique)
Film Goro Miyazaki - Ghibli : Gedo Senki (Tales from Earthsea)
Les Contes de Terremer alias Gedo Senki est le premier film de Gorô Miyazaki, le fils du bien-aimé Hayao Miyazaki. Ce qui m’a beaucoup amusé, c’est que son film démarre sur un parricide : celui d’un Roi poignardé par son fils déboussolé. Intéressant lorsqu’on sait que Gorô donne « 0 à Hayao Miyazaki en tant que père et 20/20 en tant que réalisateur » sur son blog… Bref, autant être clair de suite, le scénario des Contes de Terremer tient sur un bout de serviette de table. Il contient très peu de rebondissements et est découpé en 2 parties majeures : les deux premiers tiers qui installent un univers lent et où il ne se passe presque rien, puis un troisième tiers plein d’action et d’intérêt.
On pourrait se dire que cette première heure est toute contemplative mais, en dépit d’une excellente utilisation des couleurs (accentuation des tons chauds, contrastes appuyés, explosion dans la ville et sérénité à la ferme), les décors s’avèrent relativement vides. A part le port, les rues et quelques paysages parcourus, on tourne toujours autour des mêmes lieux pendant 1h et cela devient vite redondant. Il y a quand même de très beaux effets de 3D et surtout très bien incrustés, avec des rotations, des déplacements et des zooms assez superbes. Bref, sur le plan technique, on est sur un bilan finalement en demi-teinte.
Les Contes de Terremer est finalement assez intimiste avec seulement 5 à 6 vrais protagonistes. Tout est très centré sur eux et cette impression de « bulle » se ressent d’autant plus que le reste paraît désertique. De plus, certains de ces personnages n’ont pas vraiment un charisme débordant, en tout cas pas une personnalité extrêmement travaillée. Au-delà, on a le château 🏯 de la sorcière qui, comme beaucoup de ce genre de bâtisses, a énormément de caractère et de présence (souvenez-vous de Cagliostro et plus encore d’ICO – et on en revient toujours au Roi et l’Oiseau de Grimault). La sorcière Kumo, qui incarne ce château, est d’ailleurs doublée par Yuko Tanaka, qui interprétait déjà Eboshi dans Princesse Mononoke. C’est l’occasion de glisser sur la BO du film et de noter que ce n’est pas Joe Hisaishi qui signe la bande originale, mais Tamiya Terashima (qui avait déjà composé pour Tweeny Witches). Ses compositions sont plutôt bonnes dans l’ensemble, peut-être pas du niveau de Hisaishi mais je les trouve homogènes et elles épousent en tout cas bien le film.
Le filigrane des origines occidentales de son histoire se ressent tout de même au-delà de ces aventures. Tiré du troisième livre du cycle Terremer : L'Ultime Rivage, d’Ursula Le Guin, Geko Senki n’a pas le folklore ou la mythologie japonaise à laquelle chaque Ghibli nous avait habitués jusqu’alors à différents degrés (naturellement plus léger dans Porco Rosso ou le Royaume des Chats 🐈, très poussé avec Pompoko). On se retrouve parfois quasiment confinés aux portes de l’héroïc fantasy et le mélange est assez étonnant avec le design des visages très caractéristique et immédiatement associé au studio.
Les Contes de Terremer s’avérera tout de même attachant pour peu qu’on y investisse une heure nécessaire d’ennui car il ne se révèle que dans son dernier bloc. Mais il rappelle également que dans la chronologie Ghibli, depuis Mes Voisins les Yamada en 2001, on n’a pas eu que des chefs-d’œuvre… J’attends maintenant de voir avec Ponyo sur une Falaise (qui sort le 19 juillet au cinéma au Japon) ce qu’il reste dans le ventre de papa Miyazaki ou s’il aurait définitivement dû s’arrêter à sa Mononoke. Concernant Les Contes de Terremer, je pense de toute façon que c’était une erreur d’attendre ce film comme on attend ceux d’un monstre sacré. Pour un premier essai, on a quand même quelque chose d’assez réussi et il ne faudrait pas cracher dessus de manière imbécile, malgré ses quelques défauts de jeunesse. Alors laissons à Gorô le temps de faire ses preuves, non ?