Un Eté avec Coo
Ouf ! Il aura fallu de bien longues années pour que Kappa no Coo voie enfin le jour, et encore un peu de temps pour qu’il débarque sous nos latitudes. Démarré en 2000, le projet Un Été avec Coo n’est en effet sorti qu’à l’été 2007 au Japon. Depuis quelques mois, on le trouve enfin en DVD en France. Moins médiatisé qu’un Ghibli, ce film de Keiichi Hara (adaptations ciné de Crayon Shin-chan, quelques épisodes d'Esper Mami) peut faire penser à des jeux comme Toro to Kyûjitsu ou les plus récents Boku no Natsu-Yasumi. Mais derrière une narration poétique et naïve, se cache un film à tiroirs dont la lecture s’avère assez passionnante.
Si vous n’êtes pas forgés à la mythologie japonaise, les « kappa » ne vous diront rien. Il s’agit d’une créature de rivières et marais qui ressemble à une tortue avec un bec de canard. Ses cheveux entourent une petite assiette qui est la source de ses pouvoirs. Elle se déplace sur 2 pattes, parle parfaitement le Japonais, apprécie le shôgi et le sumo, est très polie mais malicieuse voire espiègle. Dans le folklore traditionnel, ces êtres étaient considérés comme maléfiques : pervers et voleurs, ils pouvaient aussi noyer les enfants pour les manger. Dans la culture populaire japonaise actuelle, le kappa est plutôt traité comme une créature kawaii (mignonne).
C’est également le cas dans Un Été avec Coo qui, s’il laisse flotter le doute sur l’étendue de leur puissance, montre les kappa sous un angle bienveillant voir distingué. Inspiré d’un classique de la littérature japonaise enfantine écrit par Masao Kogure dans les années 1970, le film confronte un écolier et sa famille à Coo, un kappa fossilisé pendant 300 ans. Entre découverte du Japon d’aujourd’hui, curiosité délirante et disproportionnée des médias et recherche de ses congénères, Kappa no Coo trace le quotidien d’un été sur presque 2h20, d’où un récit d’une grande richesse.
Techniquement, le film est limité. Les décors sont pour la plupart très beaux, avec de superbes couleurs et des angles qui savent trouver un juste milieu entre l’urbanisme agglomératif de Tokyo et la campagne japonaise, jusqu’à Okinawa (et son Shisa en bonus, qui n’auraient pas eu la même saveur si je n’y avais pas fait un tour il y a juste 2 mois). Certains effets 3D sont plutôt bien incrustés, mais dans l’ensemble, Un Été avec Coo souffre d’une animation très pauvre. Les cellulos manquent de détail et même le look des personnages tranche ; au départ, cela m’a rappelé Tom-Tom & Nana (!). Heureusement, on est très vite happé dans l’histoire, pour oublier facilement ces considérations somme toute très technico-techniques.
Un Été avec Coo est un film d’animation très pur. Il a souvent été comparé par les occidentaux aux œuvres de Miyazaki et Takahata. Évidemment, Kappa no Coo se base sur des considérations écologiques analogues, en y ajoutant la perte des valeurs de respect des hommes face aux animaux légendaires. En ce sens, on le rapprochera bien sûr de Totoro, Mononoke ou Pompoko ; il passe donc haut la main le test Ghibli, c'est-à-dire du poids-lourd familial à message. Pour pousser un peu, et en mettant de côté l’excellent Ponyo, Un Été avec Coo se paye même le luxe de supplanter quelques récents Ghibli comme Les Contes de Terremer ou Le Château 🏯 Ambulant. Malheureusement, il n’a pas en revanche bénéficié du même marketing en Europe.
Au Japon, le film a séduit les spectateurs et on cite désormais Keiichi Hara comme l’un des nouveaux représentants de la japanimation, au côté par exemple de Kon Satoshi (Paprika, Tokyo Godfathers, Perfect Blue…). Excusez du peu. En tout cas, Un Été avec Coo est un film d’animation ravissant, à l’anthropomorphisme intelligent et à la masse de petits détails charmants, comme la démarche travaillée de Coo ou son accent délicieux. Donnez un vrai budget à ce réalisateur et il nous fera des merveilles ! En attendant, ce Kappa no Coo to NatsuYasumi est un petit bijou, véritable réussite de l’animation japonaise.