Entraînement de Sumo
La rencontre matinale avec les lutteurs
L'entraînement matinal keiko est l'un des exercices quotidiens des apprentis Sumo au Japon. Il s'effectue au sein de l'écurie ou beya à laquelle les lutteurs rishiki appartiennent. À Tokyo, le quartier de Ryogoku ainsi que ses environs proches abritent plusieurs écoles qui permettent à un public privilégié et tenu de respecter certaines règles, d'assister à une séance de simulations de combat. Arashio Beya est l'une de ces écuries de Sumo située au cœur de la capitale.
Depuis la rue, on reconnaît facilement l'entrée de l'école Arashio le matin lorsqu’il y a entraînement de Sumo. Devant de larges vitres au pied desquelles des vélos 🚲 sont alignés, un groupe de personnes observe religieusement les lutteurs en plein exercice. Il faut d'ailleurs se faire patiemment une place pour bien les apercevoir en cas d'arrivée tardive. Particularité et peut-être avantage de cette beya, le public reste en dehors du bâtiment, rangé le long du trottoir. Ainsi, il est possible de n'assister qu'à une partie de la séance et de repartir quand on le souhaite, ou encore d'en profiter pour faire un tour rapide du quartier et de ses petits temples. Il faut toutefois observer plusieurs règles importantes pour assister à ce rare spectacle :
- ne pas parler pendant les entraînements ;
- ne pas prendre de photos avec flash ;
- ne pas boire, manger, ou mâcher de chewing-gum ;
- et ne pas entrer dans le bâtiment.
Derrière la reproduction du dohyo (ring sacré), ils sont une dizaine d'apprentis à attendre leur tour, leur serviette accrochée derrière eux. Ce que l’on entend le plus est le bruit des corps qui s’entrechoquent, comme lors des grands tournois nationaux. Il n’est pas facile de deviner lequel va gagner l'un de ces mini-matchs qui s'enchaînent sous les yeux des spectateurs. Après quelques prises, les lutteurs sortent du cercle, s'essuient le front et laissent la place à deux autres collègues. Un seau avec de grandes louches à disposition leur permettent de boire entre deux passages.
Outre les combats au corps à corps qui aiguisent leur technique, l'entraînement draconien a également pour objectif de renforcer la densité musculaire des lutteurs. De temps en temps, l’un d'eux commence à taper un grand pilier dans l’angle de la pièce. Cet exercice de fortification est appelé teppo : jambes pliées, le rishiki se trouve face à un large poteau en bois qu'il va frapper du plat de la main. Ici, la main va partir du bas pour frapper en remontant le poteau. En compétition, le lutteur peut en effet frapper son adversaire avec sa main, et ensuite le soulever afin de lui faire perdre son équilibre pour le faire tomber ou reculer.
Les futurs Sumo fortifient également leurs jambes en gardant des poses telles que l'écrasement d'un ballon entre les genoux durant plusieurs dizaines de secondes. Avoir des jambes puissantes est primordial pour le lutteur, car c'est en s'appuyant fermement sur le sol qu'il parviendra à accuser l'élan de son adversaire et à maintenir son équilibre. Il convient de muscler les jambes et de les assouplir au maximum. Pour cela, l'exercice baptisé shiko est l'un des premiers appris par les stagiaires : jambes pliées, l'apprenti Sumo va en lever une latéralement, presque un grand écart, et la faire retomber lourdement sur le sol. Il fait de même avec l'autre jambe, et répète ce geste de nombreuses fois. En plus de l'avantage physique que cet exercice lui confère, il a aussi un rôle protecteur car il permet de chasser les mauvais esprits.
L'entraînement se fait quasiment sans aucune parole ; juste quelques conseils du coach, souvent un ancien Sumo, leurs sont parfois donnés. En observant bien toute la scène presque théâtrale qui s'offre aux visiteurs, on aperçoit, près de l'entrée et des escaliers de la Beya, les apprentis se strapper avec soin. Pouvoir ainsi les observer de si près se révèle assez impressionnant : un instant d'intimité nous est alors accordé.
À la fin de la séance, les lutteurs peuvent sortir dans la rue en simple tenue d’entraînement. Certains d’entre eux sont très populaires et l'on se rend vite compte de tout le respect qu’ils inspirent auprès des Japonais, qui ne sont d'ailleurs pas les derniers à venir les admirer. Dès 7h30 du matin, habitants et commerçants du quartier viennent quelques instants observer leurs voisins lutteurs, ne serait-ce que jeter un coup d'œil affectueux en direction de la baie vitrée.
Pour les apprentis rishiki, toute la matinée est rythmée de la sorte par des entraînements jusqu'au premier repas de la journée, à midi. Le système hiérarchique japonais est bien sûr aussi respecté dans les écuries. Ainsi, c'est le plus haut gradé qui va être servi d'abord : le yokozuna mange le premier et, seulement après qu'il ait terminé, les autres peuvent débuter leur repas.
Une fois (très) bien nourris, les lutteurs font une sieste qui va leur permettre de prendre du poids le plus rapidement possible. Puis la journée continue par les corvées, également régies par la hiérarchie : les nouveaux doivent s'occuper du ménage, des courses, et mettre au soleil les tenues mawashi qu'il ne faut pas laver. Ils ont ensuite du temps libre pour sortir, se reposer devant la télévision ou s'occuper avec leurs passe-temps favoris. Ils doivent enfin préparer le repas du soir et aller dormir, pour les moins gradés, dans un dortoir commun. Les plus gradés ont le droit d'avoir leurs propres chambres, ou de vivre en dehors de la Beya quand ils gagnent enfin un salaire à partir du grade juryo.
Quant aux visiteurs gourmands, la journée peut logiquement continuer dans le quartier des Sumo en dégustant un chanko-nabe, repas typique des sportifs.