One Piece film 10 : Strong World
Ce dixième film One Piece aura été longtemps attendu. Alors que la série bat son plein sur tous les fronts (papier, animé, goodies) pour l'un des manga les plus vendus de tous les temps, notre équipe de pirates accueille chaque année son traditionnel long-métrage tiré de l'univers original. Comme pour les films Naruto, et comme pour un certain nombre de shônen à succès. On retrouve donc des histoires dérivées de la série, mettant en scène l'équipage Mugiwara aux prises avec des personnages inédits, souvent sans trop de rapport avec la timeline actuelle du manga ou de l'animé. C'est généralement plaisant, sans plus, mais on a le plaisir toujours renouvelé de voir l'équipage pendant 1h45 sur une montée technique appréciable. Le petit bonus Tôei, en somme.
Sauf que les deux derniers films One Piece (Épisode d'Alabasta et Épisode de Chopper) se sont montrés particulièrement fainéants, en se contentant de remixer la rencontre de Luffy et consorts avec respectivement la princesse Vivi et le tanuki tonakai Tony Tony Chopper. Connaissant la flemmardise marketing des grands comptes de la japanimation, on pouvait craindre une réutilisation stupide et fatigante du système, nous présentant à nouveau Brook, Franky, et pourquoi pas les plus anciens des Chapeaux de Paille dans autant de longs-métrages. De canonique ou filler, on passait alors au remix mendiant...
Heureusement, c'est le maître lui-même qui stoppe net l'hémorragie puisqu'Eiichirô Oda, aux commandes du manga depuis 1996, a pris les rennes de ce dixième film One Piece. Strong World est donc écrit et réalisé par le mangaka de génie, dans le cadre du 10ème anniversaire de la série. C'est dans ce même cadre que j'ai découvert à Hiroshima, il y a quelques semaines, la boutique "Dream 9" dont je vous parlais sur Twitter. La trame du film, donc, est en corrélation parfaite avec la progression du manga (ou plus exactement de l'animé). Ainsi, pour tous ceux qui suivent l'arc Impel Down, la légendaire prison sous-marine poursuit son dévoilement dans le film, avec un retour sur l'évasion spectaculaire et unique (enfin, plus maintenant...) de Kinjishi no Shiki il y a 20 ans. 2 décennies au cours desquelles il a fomenté et parfait son plan, qu'il met alors à exécution dans Strong World. Jusqu'à ce qu'il rencontre l'équipage de Luffy...
La sortie de ce dixième film a fait grand bruit au Japon, avec notamment un pré-film d'introduction de 15 minutes en forme d'OAV bonus (intitulé "Episode 0"), dans laquelle on retrouve Garp le grand-père de Luffy, Sengoku, Shanks, Barbe Blanche et toute une brochette de fameux pirates d'il y a 20 ans. Mais ce qui a fait exploser la popularité du film au Japon, c'est surtout le cadeau offert à tous les fans qui avaient précommandé leur place de ciné : un volume spécial du manga dédié à l'univers Strong World, non vendu dans le commerce et évidemment indispensable aux nombreux collectionneurs de One Piece. Le succès a été tel que les précommandes se sont arrachées et que la Tôei a dû promettre de rééditer ce manga pour pouvoir absorber le volume de demandes, devant la gronde des fans non promis d'être servis. Il y a donc eu, au final, 1.5 millions de livraisons de ce manga One Piece Volume 0 dans lequel on peut découvrir la bataille entre Shiki le Lion d'Or et le roi des pirates, Gold Roger. Résultat : sur son premier week-end d'exploitation, le film a dépassé le milliard de ¥ens de recette, soit (accrochez-vous à votre slip) plus de chiffre que l'écrasant Ponyo de Miyazaki / Ghibli !
Difficile donc, dans ce maillage marketing, de juger la qualité intrinsèque du dixième film One Piece. Pourtant, il faut se rendre à l'évidence : la recette fonctionne bien. Très bien, même. On est vite happé dans cette nouvelle aventure de Luffy et consorts dans laquelle ils font face à un pirate légendaire, Shiki Lion d'or, dont le doubleur est le multi-tâches Naoto Takenaka (vu et apprécié dans Nodame Cantabile, Swing Girls, 20th Century Boys, Hana Yori Dango, etc.). En parallèle, l'équipage Mugiwara fait face à un potentiel départ de Nami qui tente de se ranger dans les rangs de l'ennemi, et qui en profite pour rincer l’œil des spectateurs.
La valise technique de Strong World est impeccable, comme d'habitude avec les films tirés d'animés à succès. En tout cas, la différence avec la diffusion TV (bien que maintenant en 1080p depuis l'épisode 400) est tellement flagrante qu'on se prend une claque visuelle dès le début du long-métrage. Les couleurs pètent, l'animation est fluide et détaillée, les protagonistes ont la pêche et l'exagération se ressent jusque dans les combats ou le jeu des doubleurs. C'est frais, c'est fun, ça bouge bien et le plaisir est là ! Grâce à Oda, on évite assez habilement les chutes de rythme, en retrouvant avec plaisir une imagination sans borne pour la tronche des persos, leurs mimiques et leur nom, leurs tics verbaux croustillants en japonais et un ensemble modèle sur le character-design et le bestiaire de folie.
Ce film One Piece #10, Strong World est une réussite de bout en bout qui risque de nous faire regretter la probable absence d'Eiichirô Oda au casting des prochains films de la saga. Mais n'y pensons pas déjà. Sorti au cinéma en décembre 2009 au Japon, il débarque en début d'été de ce côté-ci du globe, prêt à ravir les fans du chapeau de paille. Il sera à l'affiche au cinéma en France dès le 31 août 2011 en VF ou VOSTFR. À l'abordage !