Gozan no Okuribi
đ„ Le festival des immenses feux de Daimonji
Gozan no Okuribi est le festival des feux de Kyoto, organisĂ© chaque annĂ©e le 16 aoĂ»t pour cĂ©lĂ©brer la fin d'Obon, la fĂȘte des morts. Ă cette occasion, des bĂ»chers sont disposĂ©s sur les montagnes entourant l'ancienne capitale impĂ©riale pour former des kanji gigantesques enflammĂ©s au dĂ©but de la nuit. Ces illuminations attirent en moyenne 28.000 spectateurs rĂ©partis entre les diffĂ©rents points d'observation possibles en ville.
Si Gozan no Okuribi est considĂ©rĂ© comme un festival, il se distingue des matsuri classiques par sa solennitĂ© et en rĂ©partissant les lieux de participation entre les diffĂ©rentes collines entourant Kyoto. De plus, il n'a lieu que le temps d'une soirĂ©e, pendant environ une heure. Par consĂ©quent, on n'y trouvera pas l'ambiance de kermesse caractĂ©ristique des matsuri : pas de stands de nourriture ou de jeux, ni de feux d'artifice đ.
Gozan no okuribi signifie "feux đ„ pour guider [les Ăąmes] depuis les 5 montagnes". C'est un rituel liĂ© Ă la fĂȘte des morts Obon. Selon la tradition, les dĂ©funts viennent visiter le monde des vivants pendant cette pĂ©riode, Ă la fin de laquelle ils doivent retourner dans l'Autre Monde : les feux sont disposĂ©s sur les montagnes pour les aider Ă retrouver leur chemin.
Un rite aux origines incertaines
Bien qu'il n'en existe pas de preuve formelle, on considĂšre que ce rite remonterait au moins Ă lâĂ©poque de Heian (794 - 1185) et aurait Ă©tĂ© initiĂ© par le cĂ©lĂšbre moine bouddhiste Kobo Daishi (Kukai). Il commence Ă ĂȘtre documentĂ© Ă partir de la pĂ©riode dâEdo (1603 - 1868), rĂ©vĂ©lant une tradition essentiellement populaire et qui nâĂ©tait pas rĂ©servĂ©e quâĂ Kyoto. En effet, les communautĂ©s voisines de l'ancienne capitale construisaient Ă©galement des caractĂšres Ă enflammer, profitant de sommets dĂ©nudĂ©s par lâexploitation forestiĂšre notamment.
La tradition sâest interrompue quelques annĂ©es pendant la Seconde Guerre mondiale et son dĂ©roulement actuel aurait Ă©tĂ© codifiĂ© au dĂ©but des annĂ©es 1960, dans le but de dĂ©velopper le tourisme.
Comment se déroule Gozan no Okuribi ?
Le 16 aoĂ»t, dĂšs l'aube et jusqu'au dĂ©but de l'aprĂšs-midi, des plaquettes de bois appelĂ©es gomaki (è·æ©æš), portant le nom de dĂ©funts que l'on souhaite honorer ou des vĆux, sont collectĂ©es prĂšs des lieux d'embrasement et en particulier au Ginkaku-ji, le temple situĂ© sur le Mont Daimonji oĂč est tracĂ© le principal kanji du matsuri. Il est d'ailleurs possible d'y dĂ©poser sa propre tablette contre une offrande, afin qu'elle soit incinĂ©rĂ©e le soir.
Rassemblées en fagots, les gomaki sont transportées par des bénévoles qui les utilisent pour construire des bûchers à des endroits prédéfinis. Selon leur emplacement, ces structures peuvent mesurer quelques mÚtres de haut et sont bien sûr complétées avec du bois "normal" et d'autres matériaux combustibles.
Le rituel proprement dit commence à 19h, avec la lecture de sutras au Pavillon d'argent, puis les caractÚres sont enflammés successivement toutes les 5 à 10 minutes à partir de 20h, dans l'ordre suivant :
- Le kanji 性 (dai "grand") sur le mont Daimonji Ă l'est, constituĂ© de 75 bĂ»chers, s'Ă©tend sur une longueur de 160 mĂštres et une largeur totale de plus de 100 mĂštres. Outre sa taille, il est caractĂ©risĂ© par un foyer central plus imposant que les autres, dĂ©nommĂ© kanao ou kanawa (éć°Ÿ) ;
- Au centre, sur les monts Matsugasaki Nishi-yama (Ă l'ouest) et Higashi-yama (Ă l'est), les deux caractĂšres ćŠ (myĂŽ) et æł (hĂŽ) Ă©voquent les enseignements de Bouddha. Les deux kanji s'Ă©tendent sur environ 100 mĂštres par 100 chacun et comptent respectivement 103 et 63 foyers ;
- Un dessin de bateau đ„ïž sur le mont Funa-yama Ă Nishigamo au nord-ouest, constituĂ© de 79 bĂ»chers, rĂ©partis sur prĂšs de 200 mĂštres de large et 150 de long ;
- Le kanji 性 sur le mont Daihoku-san, aussi nommĂ© hidari daimonji (淊性æć "le grand caractĂšre de gauche") pour sa position occidentale. Il est constituĂ© de 53 feux rĂ©partis dans une zone d'approximativement 70 mĂštres par 60.
- Enfin, le dernier Ă s'Ă©clairer est le dessin du torii â©ïž, la porte traditionnelle marquant l'entrĂ©e d'un sanctuaire, sur le mont Mandara-yama au sud-ouest. Il compte 108 foyers rĂ©partis dans un carrĂ© de 75 mĂštres de cĂŽtĂ© environ.
Chaque caractÚre ou dessin est conçu pour pouvoir illuminer la nuit pendant 30 minutes environ.
Ăditions 2020 et 2021 rĂ©duites en pĂ©riode de Corona
L'Ă©dition 2020 a Ă©tĂ© particuliĂšre car organisĂ©e Ă Ă©chelle rĂ©duite dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus au Japon đŠ . Il sâagissait en effet de protĂ©ger les bĂ©nĂ©voles qui doivent manipuler le bois, se le transmettre de mains en mains, et d'Ă©viter les Ă©ventuels attroupements de spectateurs. Seuls quelques foyers ont Ă©tĂ© symboliquement allumĂ©s :
- 6 bûchers sur 75 pour le 性 du mont Daimonji ;
- 2 sur 108 pour le dessin de torii ;
- 1 pour chaque autre caractĂšre.
L'Ă©dition 2021 de Gozan no Okuribi s'est Ă©galement tenue sous un format restreint.
OĂč observer Gozan no Okuribi ?
Ă moins de beaucoup s'Ă©loigner et au risque de perdre la magie du spectacle, il est presque impossible d'observer les cinq caractĂšres dans la mĂȘme soirĂ©e. Toutefois, la confluence des riviĂšres Katsura et Kamo, prĂšs de Demachiyanagi dans le sud de Kyoto est le meilleur emplacement pour observer les illuminations. Il a d'ailleurs la faveur des Japonais qui n'hĂ©sitent pas Ă venir s'y installer en groupes avec boisson et nourriture achetĂ©s au konbini du coin. Si l'endroit peut ĂȘtre intĂ©ressant pour goĂ»ter une ambiance populaire, mieux vaut toutefois prĂ©voir son pique-nique Ă l'avance.
Il existe de nombreux autres points d'observation disséminés dans Kyoto, mais ils ne permettent de voir qu'un ou deux monts à la fois. On citera notamment :
- le parc du Palais impérial de Kyoto, Kyoto Gyoen, avec vue sur Daimonji ;
- Yoshida-yama, dans les environs du Ginkaku-ji, offre Ă la fois vue sur Daimonji et sur le mont Funa-Yama ;
- les idéogrammes myÎ et hÎ sont visibles de l'université Notre-Dame, prÚs du jardin botanique de Kyoto ;
- le dessin de bateau s'admire depuis le pont Misono prĂšs du sanctuaire Kamo-jinja, et les berges de la riviĂšre Kamogawa ;
- le sanctuaire Shikichi-jinja, non loin de Kitano Tenmangu, permet d'observer hidari daimonji sur le Mont Hokusan ;
- le torii s'observe aisément aux alentours du temple Daikaku-ji.
L'accĂšs aux berges des riviĂšres est gratuit mais il existe des solutions payantes, et peut-ĂȘtre plus confortables, comme les sommets des plus hauts immeubles de Kyoto :
- la gare de Kyoto ;
- la Kyoto Tower ;
- et autres terrasses d'hĂŽtels ou de restaurants en hauteur.
Néanmoins, il faut réserver à l'avance et les places disparaissent trÚs rapidement.
Pour ceux qui seraient tentés de s'approcher des zones de foyers : l'accÚs aux monts concernés est interdit le jour J, pour des raisons de sécurité et pour la mise en place des bûchers. De plus, l'utilisation de drones est interdite. La randonnée de nuit est également fortement déconseillée car trÚs dangereuse.
Un Ă©vĂšnement atypique sans ĂȘtre indispensable
Assister Ă Gozan no Okuribi constitue une expĂ©rience sympathique, notamment si on souhaite offrir une gomaki, mais il n'est pas recommandĂ© de planifier son itinĂ©raire spĂ©cifiquement autour de cet Ă©vĂ©nement. L'observation peut notamment ĂȘtre compromise ou perturbĂ©e par un Ă©ventuel mauvais temps ; de plus, l'impossibilitĂ© de contempler tous les monts enflammĂ©s en une seule vue pourrait rebuter.
Gozan no Okuribi peut cependant venir en point d'orgue d'une journĂ©e de visites prĂšs d'un des lieux d'observation Ă©voquĂ©s plus haut : les endroits oĂč sont tracĂ©s les caractĂšres sont dĂ©boisĂ©s et les bases des bĂ»chers sont installĂ©es en permanence, ce qui permet un repĂ©rage prĂ©alable, notamment pour les photographes qui souhaiteraient saisir au moins un caractĂšre.