Les JO de Tokyo 2021 ne peuvent être ni annulés ni reportés à nouveau
Certes, l'année 2020, avec son ensemble de mesures et annonces aussi successives qu'inattendues, nous a éduqué vers la plus grande prudence quant à prédire l'avenir.
Toutefois, pour tout un tas de raisons que nous détaillons dans l'analyse ci-après, et contre l'avis des cassandres de tous bords, nous avons développé l'intime sentiment que les Jeux Olympiques 🏅 de Tokyo 2020, reportés d'une année, se tiendront bel et bien à l'été 2021.
Une histoire de calendrier
Quand devaient se tenir les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 ?
Initialement, les 4èmes JO japonais étaient prévus du vendredi 24 juillet au dimanche 9 août 2020.
Les Jeux Paralympiques devaient suivre après deux semaines de pause, du mardi 25 août au dimanche 6 septembre.
Quand ont-ils été reportés sur 2021 ?
Les nouvelles dates ont été annoncées fin mars 2020 :
- Jeux Olympiques du vendredi 23 juillet au dimanche 8 août 2021
- Jeux Paralympiques du mardi 24 août au dimanche 5 septembre
Tickets vendus et remboursés
Il y a eu 4,45 millions de tickets vendus, dont 1 million à des étrangers.
18% de tickets ont fait l'objet d'une demande de remboursement à la suite du report.
Pourquoi un nouveau report est impossible
Le Comité International Olympique a déjà prévenu : un nouveau report n'est pas envisageable.
La raison en est toute simple : cette XXXIIème Olympiade est celle des JO d'été ; les reports se prévoient donc obligatoirement sur la période estivale.
Or les Jeux Olympiques d'hiver de 2022 à Pékin se tiennent déjà du vendredi 4 au dimanche 20 février, soit à peine 6 mois après la fin des JO de Tokyo 2021 (ce qui signifie qu'annuler ces derniers assurerait presque l'annulation de ceux de Pékin) !
Et bien entendu, on ne peut pas imaginer repousser des Jeux de 2020 :
- ni à 2022, la même année que les JO d'hiver et après ces derniers ;
- ni à 2023, après 3 ans de retard et seulement 1 an avant les JO d'été de Paris 2024.
Des coûts et retombées pharaoniques
Combien coûtent les JO de Tokyo 2021 ?
Bien que le dossier ayant mené à la victoire en 2013 mentionnait un budget de 800 milliards de Yens (~5,1 milliards d'euros), le coût initial pour les Jeux Olympiques de 2020 a officiellement été relevé à 1,35 billion de Yens (~8,6 milliards d'euros).
Le financement de cette somme est composé de :
- 55% de fonds publics (~4,8 milliards d'euros), donc des impôts de la ville de Tokyo et nationaux ;
- 45% de fonds privés (~3,8 milliards d'euros) obtenus par le comité organisateur, par exemple :
- les sponsors,
- la vente de billets,
- ou encore la contribution du CIO.
Un audit gouvernemental réalisé fin 2019 indique toutefois que ce montant pourrait être largement sous-estimé : le coût total dépasserait en réalité le double de la somme officielle, soit entre 20 et 25 milliards d'Euros.
Par exemple, la ville de Tokyo aurait dépensé 810 milliards de Yens (~5,2 milliards d'euros) de son côté pour des projets olympiques.
Le coût du report, qui s'y ajoute encore, est estimé à 294 milliards de Yens (~1,9 milliards d'euros), dont 198 pour le retard en lui-même et 96 pour les mesures anti-Covid.
Nous avons tou(te)s en tête, notamment, le casse-tête du village olympique à Odaiba, dans lesquels les futurs propriétaires devaient emménager dès septembre 2020 après la fin des festivités.
Comment, alors, imaginer que tous les investissements effectués, déjà alourdis par un report monumental, soient purement et simplement "mis à la poubelle" ?
Quels sont les enjeux économiques ?
L'inconscient collectif veut que les Jeux Olympiques soient un gouffre financier pour les villes organisatrices. Il faut dire que les budgets finaux ont atteint des sommets lors des quatre éditions estivales précédentes :
- Athènes 2004 (~10 milliards d'Euros) ;
- Pékin 2008 (~31 milliards) ;
- Londres 2012 (~11 milliards) ;
- et Rio 2016 (~16,5 milliards).
Mais ce qui différencie Tokyo de ses grandes sœurs se situe sans doute dans le pallier touristique que ces dernières avaient déjà atteint aux moments respectifs des rencontres.
Or, le Japon est en forte augmentation statistique de son tourisme réceptif depuis 2013 (avec des croissances régulières à 2 chiffres), et n'est certainement pas arrivé ni à ses objectifs d'accueil, ni à son maximum de capacité. Ainsi, pré-Covid, le gouvernement nippon projetait 60 millions de touristes pour l'année 2030, alors que 2019 en avait déjà accueilli 32 millions.
Les retombées attendues à la suite de la tenue des JO de Tokyo sont donc multiples :
- dans les créations de postes directes et indirectes, bien que le Japon tutoie le plein emploi depuis des décennies ;
- dans les recettes touristiques sur les années à venir, les voyageurs ne se limitant certainement pas qu'à Tokyo, grâce notamment à l'excellent réseau JR Pass ;
- dans un ruissellement pour tout le pays sur la relève du secteur touristique (commerçants, restaurateurs, hébergements, voyagistes...) qui souffrent déjà terriblement depuis mars 2020, dans le cadre de la récession actuelle plus globale.
Le Japon n'a en réalité pas le choix
Des JO japonais ont déjà été annulés
On l'indiquait plus haut : le Japon s'apprête à accueillir ses 4èmes Jeux Olympiques.
Peu s'en souviennent mais leurs derniers Jeux d'été en date sont en fait consécutifs d'une annulation : celle de 1940, liée au contexte de la Seconde Guerre mondiale et en particulier à la seconde guerre sino-japonaise, démarrée en 1937.
Alors que les JO 1940 devaient montrer un Japon relevé du grand séisme du Kanto de 1923, ceux de 1964 (les derniers Jeux d'été à avoir eu lieu au Japon) ont servi à tourner la page de la Guerre et à présenter une nation technologique, tournée vers le futur.
Il faut toutefois noter que, dans l'histoire des Jeux Olympiques, jamais une édition n'a été annulée à cause d'une épidémie. Cela serait donc une première, peu probable !
La question de l'ouverture des frontières
Le CIO a d'ores et déjà prévenu que les JO ne pouvaient pas se tenir si les frontières du pays hôte n'étaient pas ouvertes aux voyageurs du monde entier, pour des questions de respect des valeurs de l'Olympisme.
Les frontières japonaises, actuellement fermées jusqu'à nouvel ordre, ne peuvent pas rouvrir peu de temps avant le début des Jeux Olympiques, pour des questions d'organisation.
Il est donc logique d'imaginer une réouverture progressive des flux touristiques (d'abord les pays asiatiques puis occidentaux) à partir de l'automne 🍁 2020, d'autant que le gouvernement japonais a déjà prévu de vacciner ses résidents d'ici... juin 2021 !
Par ailleurs, le Japon réfléchit depuis des mois à faciliter les visas / l'immigration à l'entrée des 11.000 athlètes attendus pour leur préparation sportive, ce qui se concrétise à partir de septembre.
Le plus grand enjeu : l'image du Japon
Même si certains petits médias relaient avec délectation des sondages à la méthodologie parfois douteuse (où par empilement, une petite majorité de Tokyoïtes sur un échantillon infime et possiblement trié ne se montrent pas favorables à la tenue des JO comme il était prévu), les gouvernements japonais et métropolitain ont déjà élaboré différents scénarios.
Ainsi, le nombre de spectateurs in situ pourrait être limité dans le cadre de Jeux dits "simplifiés" (par exemple via une limite de places assises dans les stades, liée à la distanciation physique), ce qui ne changerait nullement leur envergure internationale.
Car bien au-delà des considérations locales, c'est un pari colossal d'image qui se joue pour le Japon sur la scène mondiale :
- Il s'agissait de tourner la page Fukushima, avec le grand séisme, suivi du tsunami puis de l'accident nucléaire de mars 2011 ;
- désormais, il conviendra également de se tourner vers l'avenir après l'épisode douloureux du Covid-19 🦠 depuis début 2020 ;
- enfin, rétablir l'attrait d'un Japon au titre du business est nécessaire, lui qui (seul parmi le G7) a fermé sans pitié ses frontières aux résidents étrangers pendant plus de 5 mois !
Mais surtout : après la réussite de la Coupe du monde de Rugby à l'automne 2019, ou encore le civisme bien connu et si apprécié des Nippons dans les stades, quel meilleur évènement international, suivi par plus d'un milliard de téléspectateurs, peut permettre de faire rayonner l'image forte du Japon dans le monde entier ?
Rien que pour cela, le pays du soleil levant ne peut pas laisser filer ces Jeux Olympiques si chèrement attendus !
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Confirmations officielles -- 5 jours après la publication de notre article, John Coates, le vice-président du CIO, confirme notre analyse dans un entretien à l'AFP : il annonce que "Les JO de Tokyo vont se tenir en 2021 "avec ou sans" la Covid-19", quelle que soit l'évolution de la crise sanitaire, comme relayé dans cet article de France TV Sports.
La ministre japonaise des Jeux Olympiques Seiko Hashimoto lui emboîte le pas le lendemain, mardi 8 septembre, suivie de la gouverneure de Tokyo.