Japon 4e Vague Covid Mai 2021

La 4ème vague de Covid a hélas montré les limites du système japonais

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📈 Nouveaux cas, victimes... des chiffres record pour une Asie peu touchée

Ouf : le pic de la quatrième vague de Covid au Japon, atteint mi-mai, est désormais derrière lui. Mais cette poussée du printemps 🌸 2021 a été jusqu'à présent la plus forte et la plus dure pour l'archipel avec, par jour, jusqu'à :

  • plus de 7.000 cas découverts ;
  • un nombre de cas actifs dépassant les 80.000 ;
  • un pic à 216 décès.

Ainsi, rien qu'en mai, les Japonais ont déclaré :

  • ~150.000 nouveaux cas, soit 1/4 du nombre total comptabilisé jusqu'alors ;
  • ~3.000 morts de plus que les 10.000 enregistrés précédemment.

De tristes records pour une nation qui, bien qu'ayant augmenté son nombre de tests quotidiens à plus de 100.000, reste très largement en "sous-testing" comparativement à de nombreux autres pays riches : environ 8 fois moins que la France à population égale !
Heureusement, bien que chaque mort soit de trop, les victimes restent limitées et la surmortalité ne semble pas indiquer que le Japon "cache" beaucoup de morts du Covid (mais pour être tout à fait formels, nous en aurons le cœur net dans quelques mois).

Soyons juste : c'est une bonne partie de l'Asie de l'est qui est touchée par cette vague printanière (Taïwan, Thaïlande...), alors qu'elle avait été globalement très épargnée l'an dernier.

🚫 Un long état d'urgence printanier, bien que peu coercitif

Si le gouvernement peine à déclarer un état d'urgence national et y inscrit des préfectures successivement, dans les faits c'est tout comme : avec seulement 10 départements concernés sur 47 (Tokyo, Kyoto, Osaka, Hyogo, Aichi, Fukuoka, Hokkaido, Okayama, Fukushima et Okinawa), 70% de la population japonaise vit sous un état d’urgence qui se sera étendu du 21 mars au 20 juin.

Bien sûr, ce dernier reste peu limitant. Parmi les mesures les plus fortes, on citera :

  • la fermeture de tous les grands magasins (désormais uniquement le week-end) ;
  • la fermeture des commerces non essentiels, restaurants, bars et karaokés à 20 heures (pas toujours suivie) ;
  • la fermeture administrative des établissements servant de l'alcool, cinémas, salles de jeux et parcs d'attraction ;
  • une incitation au télétravail, malheureusement peu respectée par habitude du papier (et du fax !), même par le service public qui triche au moment de la vérification ;
  • une limite de 5.000 spectateurs dans les stades ;
  • ou encore l'extinction des néons le soir dans les grandes villes.

Encore une fois, on reste très loin des confinements comme en a connus notamment l'Occident, avec leurs limites de déplacements et leurs attestations, mais en conséquence il s'avère moins efficace (et par récurrence, il faut l'avouer, de moins en moins bien accepté).
Heureusement, le gouvernement japonais a au moins eu le bon goût de ne pas relancer la campagne d'incitation au tourisme domestique "GoTo Travel" depuis sa mise en pause en début d'hiver dernier.

🏥 Une structure hospitalière peu dimensionnée et surtout inadaptée

Au pic de la mi-mai, plus de 1.000 Japonais étaient hospitalisés en soins intensifs ou en réanimation. Face aux 6.000 tutoyés en avril en France avec une population 2 fois inférieure, ce chiffre ne devrait pas inquiéter outre mesure. Toutefois, il a montré des limites étonnantes du système de santé nippon, bien au-delà des épines déjà connues, telles que :

  • les tests PCR payants ;
  • ou encore les hokenjo (centres de santé publique) inaptes au traçage efficace des cas-contact.

Au Japon, environ 2/3 des 4.255 hôpitaux du pays sont privés. Dans une économie sanitaire très libérale où les cliniques sont reines (il n'y a pas de cabinets médicaux à proprement parler ; on va voir son médecin directement en clinique), le gouvernement ne peut pas mobiliser les hôpitaux privés. Ainsi, de nombreux établissements, pourtant équipés de lits de réanimation, choisissent de ne pas ouvrir leurs portes aux personnes qui ne seraient pas déjà patients chez eux, voire tout simplement de rester "clinique sans Corona" pour ne pas faire fuir leur patientèle habituelle ! Les hôpitaux accessibles, eux (moins de la moitié du total), sont donc naturellement débordés.

Conséquemment, des malades du Covid dont l'état de santé se dégrade finissent par succomber sans avoir eu accès à la réa : dans des ambulances qui tournent pendant plusieurs heures sans trouver de clinique pour les accepter, voire tout simplement chez eux. Et puisque le variant britannique du Coronavirus 🦠 sévit également désormais à plus de 80% au Japon, l'âge moyen de la population touchée est nettement rajeuni par rapport aux statistiques de 2020. Et cela a pu déborder sur des patients aux pathologies non liées au Covid, qui ont eu du mal à se faire soigner simplement s'ils avaient de la fièvre.

Alors qu'en France, tous ceux qui ont besoin de réanimation sont placés dans des lits ad hoc, au Japon ce n'est malheureusement pas le cas. Voilà qui donnera du grain à moudre à tous les mécontents du système hospitalier français.

💉 La vaccination poussive, à cause d'un démarrage terriblement lent

Nous n'allons pas nous étendre trop longuement sur ce point, qui fait l'objet d'un article dédié très régulièrement mis à jour sur Kanpai :

En substance, la campagne de vaccination japonaise contre le Covid a non seulement démarré très tardivement (mi-février, soit 2 mois après les États-Unis ou l'Europe), fait des mauvais choix stratégiques (préférence initiale pour AstraZeneca alors qu'elle vaccine exclusivement avec Pfizer) mais de plus elle connaît depuis une accélération léthargique : après 3 mois et demie d'inoculations, le Japon vaccine environ 10% moins vite que la France alors que sa population est 2 fois plus nombreuse, et beaucoup plus âgée !

Ainsi, au 1er juin, moins de 8% des Japonais avaient reçu leur première dose, contre près de 40% en France et 50% aux États-Unis... Pour ne pas aider, aucun outil comme Vite ma dose ou Doctolib n'est accessible au Japon (un pays peu avancé technologiquement contrairement à l'idée reçue) : il faut encore attendre de recevoir son ticket de vaccination par la Poste 📮 pour avoir le droit d'appeler (sur un numéro payant !) l'un après l'autre les établissements qui vaccinent afin de prendre rendez-vous ! Alors que certains officiels tels que des maires, eux, ont utilisé des passe-droits sans vergogne (photo de une).

Heureusement le gouvernement japonais et Suga, son Premier ministre apathique, semblent avoir pris la mesure de cette "catastrophe sanitaire dans la catastrophe sanitaire" et visent le million de doses inoculées par jour dès la mi-juin. Si ces objectifs sont atteints, l'archipel aura atteint l'immunité collective avant la fin d'année 2021.

Pour être tenu(e) informé(e) le jour-même de l'annonce de la réouverture des frontières aux touristes francophones, qui dépendra de l'avancée réelle de cette campagne de vaccination, n'oubliez pas de vous inscrire à la newsletter Kanpai :

Comme pour la 4ème vague et à des fins d'équité, c'est une bonne partie de l'Asie qui montre également son retard sur le volet vaccin.

🛂 Des frontières toujours durement fermées, avec les JO en ligne de mire

Après un allègement des restrictions entre août-septembre et décembre 2020 (tous les visas étaient alors autorisés à entrer sur le territoire, sauf bien sûr les touristes), le Japon a refermé ses frontières depuis la fin d'année dernière.

Hormis les expatriés bénéficiant d'un statut de résidence (ouf !), la délivrance des nouveaux visas est quasiment nulle et demande des conditions précises, tel qu'un mariage antérieur avec un ressortissant. Même les écoles de langue ont, pour certaines, abandonné l'espoir de faire leur rentrée universitaire de l'automne 🍁 2021 avec des étudiants étrangers. Cela ne veut pas dire que ce ne sera pas possible en réalité, mais simplement qu'à ce jour il n'est pas envisageable de le garantir et donc de le préparer. Ainsi les facultés, elles, ont souvent déjà annulé les échanges universitaires de septembre.

Seule exception au tableau : les quelques 100.000 athlètes, personnels et médias liés cet été aux Jeux Olympiques 🏅 de Tokyo 2021, déjà reportés d'un an. Un sujet hautement sensible, tant la population japonaise y est réfractaire, rejointe depuis par un positionnement éditorial du puissant journal Asahi Shimbun. Et même si la probabilité de leur annulation est quasiment nulle (puisqu'elle dépend exclusivement d'un CIO cupide), le populisme a gagné et le gouvernement a tranché en mars : les étrangers, même munis de billets achetés au prix fort et vaccinés, ne pourront pas entrer au Japon pour assister à la compétition !

Voyez-y une potentielle représaille : les États-Unis ont placé fin mai le Japon au niveau d'alerte le plus haut et déconseille depuis à ses ressortissants d'y voyager, devant notamment l'absence de distinction sur la protection vaccinale ou la quarantaine imposée à tous les entrants (alerte tempérée 2 semaines plus tard).

Et alors que cette dernière montre des failles déplorables dans le suivi effectué par les autorités, le Japon poursuit sa quête de la chasse aux sorcières que sont les gaijin. Dernier épisode en date, et pas des moindres : dans un document officiel de prévention contre le Covid, le centre de santé de la préfecture d'Ibaraki recommandait fin mai de ne pas manger avec des étrangers (vous savez, ceux-là même qui ne peuvent pas entrer au Japon depuis près de 6 mois !).

😓 Le sentiment de Kanpai

Ces déboires multiples, l'équipe de Kanpai les regrette :

  • aussi bien nos personnels basés en France, qui ne peuvent plus voyager au Japon depuis mars 2020 (mais c'est l'ensemble du tourisme international qui est encore à l'arrêt pour probablement quelques mois !) ;
  • que ceux basés au Japon, où nos expatriés aimeraient retrouver "la vie d'avant" et se sentent laissés pour compte cette année alors que leurs pays d'origine vaccinent à vitesse grand V depuis des mois.

Ils nous montrent, comme on le savait déjà, qu'un pays aussi admirable et organisé que le Japon ne dispose d'aucune agilité pour faire face à l'imprévu. Gageons que l'archipel remonte vite la pente et utilise ces difficultés et erreurs rencontrées pendant la pandémie pour encore s'améliorer à l'avenir !