Koyomi : les 72 saisons du Japon
L'ancien calendrier de l'archipel
Le premier calendrier japonais adopté par la cour impériale pendant l'Antiquité (autour du VIe siècle) vient de Chine, via les échanges avec la péninsule coréenne. Baptisé en japonais koyomi ou reki selon l'idéogramme 暦, il s'agit d'un calendrier luni-solaire basé sur l'observation du Soleil et de la Lune et leurs influences sur la nature, ainsi que le comportement des animaux et des floraisons en fonction de la progression des saisons.
Au cours des siècles suivants, cet éphéméride s'enrichît de célébrations annuelles et autres rituels organisés pour s'attirer la bonne fortune, qu'elle concerne les récoltes généreuses de riz pour les agriculteurs, les batailles gagnées pour la classe des guerriers, les affaires prospères pour les marchands ou encore les mariages heureux pour les familles. Un certain nombre de ces évènements existent d'ailleurs toujours et rythme le calendrier annuel des sanctuaires shinto au Japon.
On peut également citer les grandes 5 fêtes sekku (節句) qui marquent le passage des saisons et restent célébrées par la population actuelle :
- le 1er janvier (nouvel an) ;
- le 3 mars (Hina Matsuri 🎎, la fête des poupées ou fête des filles) ;
- le 5 mai (Kodomo no hi 🎏, le jour des enfants) ;
- le 7 juillet (Tanabata 🎋 💫, la fête des étoiles) ;
- et le 9 septembre (Kiku no sekku, la fête des chrysanthèmes).
En 1872, le gouvernement Meiji change radicalement d'organisation et adopte de manière officielle le calendrier grégorien (uniquement solaire) utilisé par les Occidentaux. L'ancien calendrier japonais perd de son influence au niveau du pouvoir en place mais reste présent dans les arts et les traditions. Les poètes haïku s'inspirent par exemple largement de cet almanach pour écrire et saisir la beauté de chaque instant.
Aujourd'hui, l'art de vivre koyomiste selon le calendrier japonais antique revient à la mode auprès d'une population sensibilisée aux enjeux écologiques et à l'appréciation des choses simples : tourisme durable et slow life. De nombreux ouvrages qui détaillent les micro-saisons japonaises ont été publiés ces dernières années, notamment en français.
24 souffles saisonniers sekki et 72 micro-climats kô
L'ancien calendrier koyomi définit, sur une année, un nombre de saisons différentes bien supérieur aux 4 principales que l'on connaît : printemps, été, automne et hiver. En effet :
- chacune des 4 saisons annuelles est divisée en 6 souffles saisonniers, pour un total de 4x6 = 24 sekki (二十四節気 nijushi sekki) ;
- puis, chaque sekki est découpé en 3 micro-climats ko d'une durée moyenne de 5 jours chacun, soit 24x3 = 72 ko (七十二候 shichijuni kou).
Le calendrier luni-solaire japonais commence le 4 février pour le début du printemps, baptisé Risshun au Japon. Chaque année, le découpage exact des dates, qui peut différer d'1 à 2 jours selon la position des astres, est fixé par l'observatoire astronomique national du Japon (NAOJ) installé à Mitaka, à l'ouest de Tokyo.
Voici un tableau récapitulatif des 4 saisons détaillées en 24 sekki et 72 kô, ainsi que les dates officielles du calendrier des saisons japonaises pour l'année 2024-2025 (année bissextile) :
Jour du réveillon de nouvel an printanier, le 3 février reste une date importante pour les Japonais car il correspond à la fête traditionnelle de Setsubun (節分). Cet évènement est ce qu'on appelle un "zassetsu", c'est-à-dire une date supplémentaire ajoutée dans le calendrier japonais, qui n'existait pas dans la version chinoise d'origine. À noter qu'à l'époque, on célébrait Setsubun 4 fois par an, à chaque changement de saison annuelle.
Calendrier des floraisons et changement climatique
Si les 72 saisons annuelles donnent la part belle à l'avènement immuable de la végétation, la réalité du calendrier des floraisons au Japon subit déjà les conséquences du réchauffement climatique, avec une année 2023 annoncée comme la plus chaude jamais enregistrée selon l’Organisation météorologique mondiale.
Voici quelques points d'attention qu'il faut désormais prendre en compte lorsque l'on souhaite voyager au Japon en période de sakura ou de koyo :
- La floraison des cerisiers arrive en moyenne chaque année quelques jours en avance et se chevauche avec celle des pruniers et des abricotiers du Japon (ume). De cette façon, dès début février voire fin janvier dans les régions les plus chaudes (Okinawa et Atami par exemple), on observe les 1ères floraisons printanières. Ces dernières continuent ensuite de s'amplifier jusqu'à la fin mars avec le pic de floraison des sakura observé dans les villes les plus touristiques que sont Tokyo, Kyoto et Osaka. Les touristes au Japon en avril sont invités à voir les cerisiers en fleurs dans la région du Tohoku, située au nord de la capitale.
- La saison du rougeoiement des érables est également plus tardive, par exemple jusqu'au 10 décembre à Tokyo, et dure moins longtemps. En effet, les fortes chaleurs estivales engendrent des koyo moins flamboyants, avec des feuilles plus sèches, parfois cramoisies et des arbres davantage dégarnis, notamment dans les villes.
Avec les saisons actuelles qui se mélangent au gré des températures et des phénomènes météorologiques changeants, l'ancien calendrier koyomi continue d'apporter une vision délicate et poétique du temps qui passe.