Ce qui empêche la réouverture des frontières japonaises avant la fin 2021
Hormis les résidents au Japon, nous partageons toutes et tous la frustration de voir les frontières japonaises encore fermées, un an et demi déjà après le début des restrictions liées au Covid. Si l'on n'est pas DJ ou époux de Japonais (avec un peu d'effort et de patience), entrer au Japon relève hélas encore et toujours du fantasme.
Alors que l'horizon semble (enfin) s'éclaircir pour les prochains mois, avec les cristallisants Jeux Olympiques 🏅 désormais derrière nous, la progression tardive mais désormais bien réelle de la vaccination et l'objectif toujours maintenu de 60 millions de touristes en 2030, faisons le point sur ce qui bloque encore la réouverture japonaise pour les prochaines semaines.
💉 La fin de la campagne de vaccination
Le Japon a connu un retard délirant dans le démarrage de sa vaccination début 2021 : environ 2 mois de délai pris sur les autres pays riches, à un moment critique de flambée hivernale de l'épidémie. Taro Kono, le ministre en charge de la vaccination, a depuis expliqué la raison de cet aberrant patinage : alors que Pfizer avait bien inclus un panel de 100 Japonais dans ses tests aux États-Unis, le ministère de la santé nippon a tenu à les refaire de zéro sur son territoire, au motif que le régime alimentaire n'est pas le même sur l'archipel...
Heureusement, depuis un rythme de croisière dépassant le million de nouvelles inoculations quotidiennes trouvé à partir de la fin de la Golden Week, et malgré un freinage grotesque lors des sacro-saints jours fériés, le Japon est enfin en train de rattraper son retard et devrait rejoindre courant octobre le niveau élevé des pays européens afin d'atteindre l' "immunité collective" (soit environ 80% de sa population vaccinée) d'ici novembre.
Notre calculateur maison permet d'ailleurs de confirmer ces promesses en temps réel :
Si la vaccination réduit mais n'empêche pas la contamination, les chiffres démontrent qu'elle protège efficacement contre les cas graves. Les dernières grandes vagues (4ème en France / 5ème au Japon) ont bien confirmé par l'exemple que la tant redoutée saturation des hôpitaux a été largement atténuée par les couvertures vaccinales respectives des 2 pays. Ainsi en août, 80% des décès Covid au Japon étaient des personnes non vaccinées. L'administration de la 3ème dose au moins 8 mois après la 2ème, qui concernera donc tous les Japonais à partir de décembre 2021, devrait logiquement confirmer cela.
Quand un pays a choisi d'appliquer une politique "zéro covid" (comme l'Australie), la fermeture sur soi-même reste logique. Or l'Australie, pourtant elle-même en retard sur sa vaccination par rapport au Japon, a annoncé sa probable réouverture en décembre (voir plus bas). L'archipel est quasiment aussi fermé mais s'est pris cet été une énorme flambée comparativement aux chiffres qu'il connaissait jusqu'alors.
À quoi bon rester fermé dans ce cas, une fois que la vaccination est bien avancée ? Il n'y a donc pas que ça comme explication !
🦠 Les nouveaux variants du Covid
Le variant Delta a mis le Japon sous tension cet été, pour un pic court mais très intense comme l'archipel n'en avait jamais connu jusqu'à présent.
La vraie crainte face à la vaccination, qui tient bon la barre même face au variant Delta, ce sont justement d'autres éventuels nouveaux variants découverts récemment au Japon, à la virulence plus importante encore et qui pourraient sévir au cours de l'hiver 2021-2022 :
- le nouveau Delta, variant du variant ;
- Mu, en provenance de Colombie et plus résistant aux vaccins ;
- Lambda, originaire du Pérou et introduit avant les JO ;
- Eta et Kappa, surveillés par l'OMS :
- et d'autres...?
Dans la perspective d'une évolution endémique du Covid, il est désormais relativement acquis que la vaccination contre le Coronavirus 🦠 deviendra proche de celle de la grippe : ciblée sur les plus âgés et/ou les plus fragiles, et annualisée sur la base des souches les plus récentes et virulentes. En attendant, les responsables politiques surveillent d'un œil attentif chaque évolution susceptible de faire exploser les contaminations. Et les bars et restaurants (dont les dernières restrictions tombent ce 25 octobre) peinent à se projeter dans la pourtant importante période de fin d'année et ses traditionnelles fêtes d'entreprise bonenkai.
🗳 Les élections nationales à l'automne
C'est un sujet de politique intérieure logiquement méconnu et peu expliqué en-dehors du Japon, pourtant il joue un rôle prépondérant dans le maintien des frontières fermées. En effet, le pays est engagé depuis fin août dans le renouvellement de son gouvernement, à la suite de la démission surprise de son déplorable Premier ministre par intérim depuis un an : Yoshihide Suga. Nous allons donc faire notre travail de vulgarisation ici.
4 prétendants à la primaire du parti au pouvoir (le PLD, à droite) sont déclarés et concourent pour récupérer le poste :
- Taro Kono (58 ans) de Kanagawa, ministre de la vaccination et favori de l'élection, passé par l'Université américaine de Georgetown donc bilingue en anglais, relativement progressiste, populaire sur Twitter mais par-là même bloqueur compulsif ;
- Seiko Noda (61 ans) de Gifu, secrétaire générale du parti mais sans faction attitrée et peu suivie, plutôt progressiste ;
- Sanae Takaichi (60 ans) de Nara, ancienne ministre aux vues très conservatrices voire extrémistes, soutenue par Shinzo Abe ;
- Fumio Kishida (64 ans) de Hiroshima, ancien ministre également, libéral modéré, soutenu dans le parti mais peu suivi par l'opinion -- finalement élu au 2ème tour car bien poussé en interne notamment pour sa plus grande malléabilité !
Bien évidemment, dans les enjeux politiques actuels où la base électorale patriotique du PLD reste nostalgique de Sakoku, la réouverture des frontières aux touristes étrangers n'est pas vraiment un sujet de campagne ; déjà que celle des visas d'affaires ou étudiants n'en fait même pas partie... Le contexte électoral habituel rend les discussions plus orientées vers les sujets domestiques :
- la lutte contre le Covid évidemment, avec notamment la mise en place d'un loi autorisant les confinements (le Japon toujours en avance sur son temps..!) ;
- la relance économique (peu glorieuse sur l'archipel contrairement aux pays occidentaux) et une éventuelle nouvelle hausse de la TVA ;
- puis des sujets de politique extérieure, mais qui concernent essentiellement la Chine et les 2 Corées, meilleurs ennemis du Japon.
Le 25 septembre toutefois, lors d'un débat de la primaire, certains candidats ont abordé le sujet des frontières par le biais de la relance économique en régions : Kono a affirmé que le Japon devait promouvoir le tourisme international et en particulier celui des voyageurs à fort pouvoir d'achat, alors que Takaichi et Noda ont rappelé l'importance de la culture populaire japonaise (en particulier les animés et films) pour attirer les touristes étrangers. Kishida, lui, s'est contenté de promettre de relancer la campagne de subvention domestique GoTo Travel en la conditionnant au pass sanitaire ; la politique du pays ne devrait pas beaucoup changer, l'homme s'étant déjà prononcé peu en faveur du mariage homosexuel ou sur le fait de porter des noms de famille différents dans un couple marié.
Toutefois, le PLD doit garder de la vigilance : même si le parti majoritaire est sûr de conserver le pouvoir, par un jeu de nombre de sièges parlementaires déjà détenu et de son alliance avec le Komeito, il a connu plusieurs importants revers électoraux cette année (dont la retentissante fessée d'août à Yokohama qui a sans doute conduit ou au moins accéléré la démission de Suga). Le gouvernement sait donc qu'il doit commencer à envisager de moderniser petit à petit son cap pour suivre l'évolution de la société, à commencer par la mise en place du pass sanitaire pour dépoussiérer son état d'urgence inutile mais quasi-permanent.
Dans le détail du calendrier :
- finalisation de la primaire le mercredi 29 septembre par un vote interne au parti (le gagnant Fumio Kishida étant quasiment assuré de devenir le futur 100ème Premier ministre 5 jours plus tard) ;
- assemblée parlementaire extraordinaire le lundi 4 octobre pour entériner cette décision (des 21 membres du nouveaux gouvernement, 14 membres Nippon Kaigi d'extrême-droite, 3 femmes seulement et une moyenne d'âge de 62 ans) ;
- dissolution de la chambre basse le jeudi 14 octobre ;
- élections nationales le dimanche 31 octobre (la campagne démarrant 2 semaines plus tôt).
Avant cela donc, il est illusoire d'imaginer que le gouvernement nippon aborde le retour des touristes étrangers au Japon.
🌎 Les autres réouvertures internationales
Bien sûr, l'archipel est loin d'être le seul pays à ne toujours pas accepter de voyageurs étrangers sur son territoire. Hormis l'Europe de Schengen (réouverte pour des raisons constitutionnelles depuis la fin du premier confinement) et Dubaï (devenu à cette occasion le quartier général des influenceurs d'Instagram), rares sont les destinations à avoir franchement levé les restrictions d'entrées aux voyageurs étrangers.
Même le Maghreb ou d'autres zones fortement dépendantes du tourisme n'ont eu de choix que d'avancer au rythme de "stops and go" délétères. Quant aux tentatives de la Thaïlande cet été, elles se sont montrées si alambiquées qu'elles ont pu refroidir même les plus téméraires (mais elle ouvre sans quarantaine le 1er novembre). Enfin, la Corée du sud a bien rouvert à tous les entrants début septembre, mais au prix d'une quatorzaine stricte : à quoi bon la subir pour un court voyage ou des vacances ? Le Chili va à mi-chemin à partir du 1er octobre : 5 jours d'isolement et 14 jours de rapport quotidien (état de santé et localisation) par e-mail.
Première vraie avancée optimiste : le Canada qui a rouvert en 2 temps, d'abord aux États-Uniens le 9 août puis au reste du monde depuis le 7 septembre. Seule condition réclamée pour entrer : disposer d'un processus vaccinal terminé, accompagné d'un test PCR négatif de moins de 72 heures avant l'arrivée sur le territoire. Des exigences auxquelles se plient sans aucun problème tous les voyageurs de l'ère post-Covid. Quant à l'Australie que nous citions plus haut, elle s'apprête à suivre le même chemin, probablement rejointe par sa voisine la Nouvelle-Zélande en tout début d'année prochaine. Cuba y passe dès le 15 novembre. En Asie, Singapour, Inde (25 octobre), Indonésie, Philippines, Malaisie et consorts rouvrent dès l'automne 🍁. Seule la Chine ne bouge pas, comme sclérosée par ses JO de février.
Ne nous voilons pas la face : ce sont les États-Unis qui donneront vraisemblablement le ton de la reprise réelle du trafic international. Or, ils restent à l'heure actuelle englués dans leur campagne de vaccination : après un démarrage canon, celle-ci patine depuis le printemps 🌸 faute d'un accord national et Joe Biden a dû récemment obliger la vaccination des agents fédéraux et des salariés d'entreprises de plus de 100 employés pour gagner de nouveaux petits pourcents.
Quand les USA se décideront enfin à accueillir à nouveau les voyageurs en masse (cela commencera par les Européens le 8 novembre), leur puissance diplomatique devrait permettre une réouverture globale accélérée.
Début novembre 2021, pour la première fois depuis plus d'un an et demie, le gouvernement japonais annonce prévoir de commencer à envisager d'accepter les touristes étrangers sur son territoire d'ici la fin de cette année. Des phases de tests seront vraisemblablement conduites à partir de début 2022 sur des voyages de groupes très encadrés, pour une réouverture plus globale probablement à partir du printemps.
🛂 L'autorisation d'entrée des visas
Si l'écrasante majorité des voyageurs sont des touristes de courte durée (le Japon n'étant pas une destination remplaçable comme peut l'être un territoire balnéaire), il convient de rester réalistes et garder en tête que ces voyageurs constituent hélas la dernière roue du carrosse au sein de la stratégie de réouverture japonaise. Cela ne signifie pas qu'il faudra encore attendre des années pour les voir fouler à nouveau le sol nippon, mais qu'ils seront les bienvenus après les détenteurs de visas (ceux-là même qui avaient été autorisés à entrer au cours de la fenêtre de septembre à décembre 2020) :
- voyageurs d'affaires ;
- étudiants (le Japon étant le seul pays du G7 à les interdire encore) ;
- visas vacances-travail.
Signe des temps qui avancent : à peine le lendemain de la cérémonie de clôture des Jeux Paralympiques, le Keidanren (équivalent du Medef local) a officiellement demandé au gouvernement de supprimer la quatorzaine pour les nouveaux entrants vaccinés. En guise de bonne foi, celui-ci a répondu par une forme de réciprocité du passeport vaccinal, annonçant reconnaître le Pass européen (entre autres) à compter de décembre. D'ici là, vacciné(e) ou non, tout nouvel entrant doit subir sa quatorzaine, juste abaissée à 10 jours... alors qu'elle se réduit à 3 jours dans certains cas avec la réouverture des visas travail et étudiants le 8 novembre puis PVT le 20. D'ailleurs, les 7 principales Chambres de Commerce et d'Industrie (États-Unis, Angleterre, Canada, Allemagne, France, Italie et Europe) publient un communiqué commun pour exhorter le Japon à simplifier ses procédures et accélérer sa réouverture.
Ces détenteurs de visas, dans une situation de purgatoire qui s'éternise de manière déplorable pour l'image du Japon sur la scène internationale, servent de test dès leur autorisation avant les touristes car en contingents bien plus réduits.
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Comme un signe supplémentaire en faveur de ces informations de réouverture des frontières japonaises entre fin 2021 et début 2022, la compagnie aérienne Peach (filiale d'ANA), qui avait suspendu son programme de vols internationaux depuis des lustres, vient d'annoncer reprendre ses rotations en commençant avec Taïwan à partir du 5 janvier.
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Courage et patience à tous nos lecteurs : nous n'avons jamais été aussi proches de la réouverture du Japon au tourisme international ! Elle devrait avoir lieu, selon toute vraisemblance, à partir de début 2022 [note : c'était avant qu'Omicron conduise le gouvernement japonais à tout refermer le 30 novembre].
Les enjeux économiques nationaux poussent de l'autre côté bien au-delà du Keidanren, notamment parmi les lobbys du tourisme, et l'on apprenait récemment que la ville de Kyoto était au bord de la faillite...
Tant qu'aucune annonce officielle concrète n'a été faite, les tarifs (notamment sur l'aérien et les hébergements) restent particulièrement attractifs ; il ne fait aucun doute qu'ils risquent d'exploser lorsque le gouvernement japonais esquissera un calendrier de réouverture, tant le Japon attise plus que jamais les envies de voyage.