Omicron : la dure refermeture du Japon en décembre 2021
Patatras ! Alors que le mois de novembre 2021 nous laissait enfin entrevoir la reprise des voyages vers le Japon, en permettant aux étudiants et voyageurs d'affaires de soumettre à nouveau leurs demandes d'entrée sur le territoire, l'optimisme a rapidement été douché. Alors que ces visas, préalables à la réouverture au tourisme, n'avaient été ré-autorisés qu'entre septembre et décembre 2020, cette fois-ci l'entrebâillement de la porte aura duré à peine plus de 2 semaines : du 8 au 25 novembre pour être précis.
Énième point d'étape Covid 🦠 sur Kanpai dans ce grand 8 décidément interminable.
🛂 Un nouveau blocage des frontières aberrant
À peine quelques semaines après son accession au pouvoir, le nouveau Premier ministre Fumio Kishida a voulu frapper fort et ne pas subir les critiques qu'avait connues son évanescent prédécesseur Suga pendant sa présence intérimaire après le recul d'Abe, à savoir : longueur à la détente et mollesse dans les décisions.
Épousant l'extrême inverse, il a donc opté pour des choix bien plus rapides et radicaux : quelques jours à peine après l'explosion médiatique du nouveau variant Omicron, Kishida annonçait ainsi refermer le Japon d'une manière si totale qu'elle avait fait revenir ses frontières à un état pire que celui du printemps 🌸 2020. En effet, il devenait alors impossible d'effectuer toute nouvelle réservation de vol vers l'archipel pendant l'ensemble du mois de décembre au moins. Rappelons que pour les Nippons, si Noël revêt moins d'importance que dans les pays de tradition chrétienne, le passage du nouvel an s'avère un temps particulièrement fort de l'année.
Dans les faits donc, même les citoyens Japonais alors à l'extérieur des frontières ne pouvaient plus retourner au Japon, ce qui est anticonstitutionnel. La mesure a si largement subi les foudres de partout (y compris de la part de l'OMS) qu'elle n'aura finalement duré que 24 heures avant le rétropédalage affolé, ridiculisant un choix démonstratif trop hâtif.
Si l'on a donc heureusement évité le pire, le ton est hélas donné au moins pour les semaines qui viennent. Car ce choix de refermeture qui subsiste (soit la suspension à nouveau des visas étudiants et affaires ré-autorisés 17 jours plus tôt) se veut symbolique, purement politique et non pas uniquement motivé par une volonté de protection sanitaire. Rappelons que le gouvernement japonais présente depuis des décennies un positionnement nationaliste que l'on classerait, du point de vue occidental, très à droite voir à l'extrême-droite. Et pour cause : cela plaît à son vieil électorat qui valide dans l'écrasante majorité de telles mesures et fait remonter dans le même temps la courbe de soutien au gouvernement.
Et peu importe si mi-décembre, un cluster de ce nouveau variant découvert dans un stade de foot est dû à une Japonaise qui n'a pas respecté les règles de sa quarantaine, c'est bien connu : le virus vient des étrangers de l'étranger et bien que selon les premières études (y compris japonaises), Omicron s'avère a priori plus transmissible mais moins virulent que Delta, ce nouveau variant se présente donc comme la nouvelle excuse parfaite pour poursuivre cet ersatz déplorable de sakoku moderne.
Les conséquences déplorables aux aéroports ne se font pas beaucoup attendre. Visez déjà la nouvelle version du written pledge. Au bout de quelques jours à peine, l'attente pour passer son test PCR à l'immigration japonaise a pu atteindre 8 heures après l'atterrissage. Quant aux hôtels 🏨 autour de Narita, ils sont tellement remplis à ras bord de voyageurs en quarantaine depuis les nouvelles mesures que l'on décale désormais les nouveaux entrants vers l'aéroport du Chubu. Depuis, le débordement guettant également du côté de Nagoya, ils sont pour certains reroutés jusqu'à Fukuoka afin d'y effectuer leur version de quatorzaine...
🦠 La situation sanitaire au Japon, pré-6ème vague
Si l'argument de la protection sanitaire est utilisé par le gouvernement nippon lorsque le système de santé est sous pression, il l'est tout autant lorsque la situation se montre sous contrôle :
- le pays enregistre seulement une bonne centaine de nouveaux cas quotidiens depuis quelques semaines, malgré un nombre de tests encore et toujours famélique ;
- sa population est couverte par une vaccination très élevée avec, après un gros retard à l'allumage, près de 80% des résidents primo-vaccinés (un score certes plus facile à atteindre qu'ailleurs quand les moins de 12 ans sont aussi peu nombreux en pourcentage du nombre total d'habitants).
L'archipel fait donc actuellement partie des bons élèves dans le monde et n'hésite d'ailleurs pas à pointer du doigt son meilleur ennemi la Corée du Sud. Pour autant, l'expérience nous dit qu'après la hausse vient la baisse, et après la baisse vient la hausse. En santé comme en finance, la situation se montre souvent cyclique et même si des études pointent le facteur génétique comme cause d'un Covid moins prégnant au Japon, on constate déjà un frémissement à la hausse dans les statistique de cas en décembre. Pour s'en prémunir, le Japon a raison de se préparer à une éventuelle 6ème vague qui risque bien d'arriver dans les semaines ou mois à venir, en augmentant sa capacité en lits d'hôpitaux de 30%. Il faut dire que la 5ème vague de l'été dernier a été violente et a laissé des traces dans l'inconscient collectif.
Ne pas avoir de nouvelle résurgence est tout le mal que l'on souhaite au Japon, mais l'expérience nous incite plutôt à la plus grande prudence sur ce point. Avec une situation sanitaire très calme, les mesures-barrière ont tendance à se relâcher également sur l'archipel, et elles viennent se confronter aux traditionnelles fêtes d'entreprise de fin et début d'année (bonenkai et shinnenkai), certes moins prégnantes qu'auparavant.
D'ailleurs, malgré ses larges mesures autarciques, le Japon a été parmi les premiers pays à déclarer chaque nouveau variant majeur du Covid ou presque :
- la souche initiale début 2020, via l'épisode douloureux du Diamond Princess ;
- le Delta au tournant de 2021, par un pilote japonais revenu de Gaikoku ;
- puis Omicron, d'abord par un diplomate étranger revenu de Namibie en novembre, puis rapidement par un Japonais revenu d'Italie ; ensuite les cas se multiplient à la mi-décembre, dont un qui a même trompé l'inspection post-quarantaine.
De là à penser que les fermetures de frontières et autres mesures de protection à l'immigration ne servent à rien, il n'y a qu'un pas.
👨🎓 Une douche froide notamment pour les étudiants
Au moment de la réouverture aux étudiants début novembre, nous vous avions déjà expliqué le parcours du combattant ainsi que la plaisanterie (pour ne pas dire le dédain) que constituaient les délais d'entrée sur le territoire japonais.
Pas manqué : la procédure fut si aberrante et restrictive que pendant cette courte fenêtre de 17 jours, seuls 104 dossiers furent traités par l'administration japonaise, dont... 17 nouveaux visas long-terme de plus de 3 mois, soit (on ose à peine l'écrire) 1 par jour. Tu parles d'une réouverture ! Alors qu'il faisait rentrer près de 100.000 personnes en juillet pour ses Jeux Olympiques 🏅 décriés, le gouvernement vient d'abaisser à nouveau son plafond d'entrées de 5.000 à 3.500 voyageurs quotidiens.
Le résultat, c'est que de plus en plus d'aspirants développent une rancœur contre le Japon : ils s'étaient préparés à un déménagement à l'autre bout du monde, mettant en pause leur vie (vendu leurs meubles, quitté leur appartement...) et payant des semestres entiers d'études pour suivre pendant des mois des cours en ligne qui débutent entre 1 et 5 heures du matin à cause du décalage horaire 🕓. Au bout d'un an d'attente pour certains, ils ont appris que leur patience seraient enfin récompensée et même si la plupart n'auraient pu entrer qu'à partir de février 2022, ce rétropédalage leur reste logiquement en travers de la gorge.
Ultime coup de massue : ces étudiants étrangers, quand ils pourront enfin réintégrer le Japon, n'auront plus accès au duty-free dont ils pouvaient bénéficier jusqu'à présent. Le timing de la mesure, lunaire, a de quoi laisser sans voix. En attendant, dans les écoles de langue japonaises, la rentrée d'avril 2022 est en train de s'annuler comme une traînée de poudre.
Au sein du gouvernement, on fait le dos rond sauf du côté de Kono Taro, ancien ministre de la vaccination et favori déchu de la récente élection pour le poste de Premier ministre : celui-ci exhortait le gouvernement le 10 décembre à laisser entrer les étudiants étrangers Covid-négatifs. Le MEXT (ministère de l'éducation japonais), qui part d'une bonne intention en tentant d'éteindre l'incendie, donne plutôt l'impression de sortir les rames en évitant de se prendre les pieds dans le tapis :
Les étudiants ne sont certainement pas les seuls impactés et, si les touristes sont encore considérés comme la dernière roue du carrosse, dans l'intervalle les mesures actuelles touchent bien plus largement, notamment des familles qui ne peuvent pas se réunir comme le montre l'exemple de cette scientifique expatriée qui ne peut plus faire rentrer ses 3 enfants au Japon.
Moins ciblé mais donc plus vaste : de plus en plus d'expatriés (étrangers résidents au Japon) se sentent pris au piège par ces mesures variables et parfois extrêmes, sans préavis, souvent à la limite de la xénophobie. Combien sont-ils à avoir renoncé à des vacances de fin d'année en famille dans leur pays d'origine, par crainte d'une refermeture inopinée ?
Comme nous l'expliquons depuis déjà de nombreux mois, l'image du Japon continue hélas de se ternir sur la scène internationale.
✈️ Les perspectives de réouverture japonaise en 2022
Rappelons l'ordre de réouverture logique auquel il faut s'attendre :
- étudiants et stagiaires ;
- voyages d'affaires de moins de 3 mois puis longue durée ;
- visas vacances-travail (PVT) ;
- et enfin touristes.
Pour être tenu(e) informé(e) le jour-même des annonces de réouverture des frontières à chacun de ces groupes de voyageurs, n'oubliez pas de vous inscrire gratuitement à la newsletter Kanpai :
En parallèle de ce calendrier, la campagne de financement du tourisme domestique "GoTo Travel" est censée reprendre de fin janvier à mai 2022.
L'optimisme du calendrier que nous estimions cet automne 🍁, dont on avait toutes les raisons de penser qu'il se réaliserait à partir du printemps 2022 pour les touristes, a hélas été douché par l'arrivée d'Omicron. Pour la défense du gouvernement japonais, ce dernier avait bel et bien annoncé (certes sèchement) que la réouverture serait remise en cause à la survenance d'un nouveau variant, ce qu'il n'a pas tardé à faire.
D'après les premières études, y compris de la part d'experts japonais, la 3ème dose du vaccin Pfizer (et sans doute des autres ARN messagers) offre semble-t-il une protection contre Omicron. On a donc toutes les raisons de penser que le gouvernement japonais compte rouvrir plus largement après une bonne progression de cette 3ème injection, c'est à dire à partir de l'été 2022. Il est probable que dans l'intervalle, les visas hors touristes soient de nouveaux autorisés ; des perspectives sont attendues après le Nouvel an.
Dans le reste du monde, on se montre naturellement moins extrémiste que les Nippons :
- la France et beaucoup d'autres pays ont d'abord simplement limité les vols en provenances d'Afrique australe, d'où serait originaire le variant Omicron ;
- les États-Unis ont réduit la durée de validité des tests PCR nécessaires pour y atterrir (de 72 à 24 heures) puis réajusté le niveau d'alerte des pays (la France est par exemple repassée à 4/4) ;
- la Nouvelle-Zélande, après bientôt 2 ans de politique "zéro Covid" et un confinement record de 9 mois, a annoncé rouvrir ses terres aux touristes à partir du 30 avril.
Pendant ce temps, dans le phénomène manga One Piece qui vient de dépasser à la fois son 100ème tome et son 1000ème épisode animé, le rêve de l'ex-futur shogun Oden 🍢 du pays des Wa (le Japon fantasmé d'Eiichiro Oda) était d'ouvrir son territoire à l'extérieur. Kishida serait-il donc notre Kaido ?