Pourquoi il reste illusoire d'attendre une réouverture du Japon au tourisme avant l'été 2022 au mieux
Ah, si seulement Omicron n'avait pas pointé le bout de son nez fin novembre 2021 ! Les frontières avaient (certes timidement) commencé à se rouvrir aux étudiants et courts voyages d'affaires le 8 novembre, le gouvernement japonais préparait des tests sur des groupes à partir de fin décembre / janvier en prévision du retour des touristes, et l'on s'imaginait déjà une reprise plus franche peut-être même dès ce début de printemps, à l'occasion de la floraison des cerisiers, après 2 années de sakura 🌸 manqués.
Patatras ! Au lieu de cela, dès qu'il a pris connaissance de ce nouveau variant à peine 17 jours plus tard, le nouvellement élu Premier ministre Fumio Kishida a refermé fissa et à double-tour sa frontière à peine entrouverte. Est-il utile de rappeler la gifle subie par les étudiants en particulier, tant usés après plus de 20 mois d'une attente inique ?
La 6ème vague de Covid a finalement frappé le Japon à partir de début janvier, le foudroyant aussi bien en nombre de cas (au moins jusqu'à ce qu'on décide officiellement de réduire drastiquement le nombre de tests...!) qu'en décès records. Comme partout ailleurs dans le monde, après un pic atteint mi-février, la tendance s'inverse pourtant largement depuis. Malgré la prolongation aussi prudente que peu utile du quasi-état d'urgence dans 18 de ses 47 préfectures les plus touchées (dont Tokyo, Kyoto et Osaka), finalement terminée le 20 mars, le Japon a enfin rouvert ses frontières à tous les visas hors touristes le 1er mars.
C'est donc l'occasion pour Kanpai d'établir un état des lieux des paramètres actuels, en vue de la reprise du tourisme international sur l'archipel.
😠 La fronde et le lobbying domestiques ont déjà permis un allègement des restrictions significatif
C'est sans doute le véritable point qui a fait pencher la balance vers la réouverture. Alors qu'à l'international, on râle depuis bien longtemps sur un Japon qui traîne les pieds pour rouvrir, au sein même du pays ce n'était quasiment pas un sujet jusqu'à il y a peu de temps. Et lorsque des reportages dans les journaux ou à la télévision ont commencé à aborder la question des étudiants en début d'hiver, beaucoup de Japonais ont même découvert que ceux-ci n'étaient toujours pas ré-autorisés !
À partir de là, ce fut l'effet boule de neige ❄️ : les universités et universitaires ont élevé la voix, le Keidanren (équivalent du Medef local) a accentué son lobbying, et quand l'opinion a commencé à (doucement) pencher en faveur de la réouverture progressive, le gouvernement n'a eu d'autre choix que d'alléger ses restrictions de manière significative.
Ainsi désormais, tous les visas hors touristes peuvent à nouveau accéder au Japon : étudiants, professionnels (courte et longue durée) et même les PVT pour peu qu'ils aient une structure sponsor, ainsi que les familles (époux et parents) au cas par cas. Il n'est même plus question de l'aberrant calendrier d'entrée fonction de la date d'obtention du Certificate of Eligibility préalable à la récupération du visa. Ces derniers sont d'ailleurs prolongés afin que les étudiants puissent prévoir sereinement leur entrée. Quant à la quarantaine, elle est réduite à 3 jours avec PCR négatif, voire disparaît pour les triple vaccinés en provenance des pays sûrs (dont la France fait à nouveau partie). Enfin, un seul site web centralise toutes les demandes, ce qui évite de contacter chaque ministère spécifique, et sa réponse est censée tomber en 1 à 2 jours.
Bref, une sacrée amélioration, si attendue !
Reste toutefois un entonnoir sous la forme d'un quota initial de 5.000 entrées par jour maximum sur le territoire japonais. Hic supplémentaire : cela inclut les Japonais qui reviennent de l'étranger, car ceux-là ont toujours pu sortir de leurs frontières et revenir comme ils le voulaient (pour les études, le travail, le tourisme ou encore une lune de miel...) ainsi que les résidents étrangers de l'archipel qui rentrent temporairement au pays, par exemple pour revoir leur famille.
📈 Une accélération progressive de l'ouverture
2 jours seulement après cette date bénie, alors que le Keidanren se plaignait d'une réouverture trop lente malgré tout, Fumio Kishida annonçait déjà une augmentation du quota journalier. Celui-ci passait ainsi à 7.000 dès le 14 mars, dont 1.000 places quotidiennes sécurisées pour les étudiants, puis 10.000 dès le 10 avril et l'on peut s'imaginer que ce plafond continuera de croître régulièrement (on parle de 20.000 au 1er juin). D'ailleurs le 5 avril, Hiroshige Seko (secrétaire général du parti au pouvoir) indiquait que l'effet de cette limite n'était pas significatif dans la mesure où il y avait beaucoup de contaminations sur le territoire.
Il le faudra de toute façon car, avec des estimations officielles à un peu plus de 400.000 visas étrangers en attente depuis 2 ans (dont 170.000 étudiants), et même si un certain nombre d'entre eux ont logiquement abandonné leur projet entre temps, il faudrait théoriquement plusieurs mois pour tout éponger, sachant que ce quota n'est pas entièrement dédié aux étrangers. Ainsi, avec 1.000 étudiants par jour, il y en aurait ainsi jusqu'à août (à taux plein) pour tous les faire entrer.
Le 25 février, quelques jours seulement après l'annonce, déjà 160.000 demandes d'entrée avaient été formulées. On peut donc imaginer que d'ici le début d'été, une bonne part des 400.000 prétendants sera absorbée. Le 12 avril, le ministre de l'éducation Shinsuke Suematsu faisait d'ailleurs le point : depuis la réouverture aux visas le 1er mars, 30.000 étudiants s'étaient installés sur le territoire japonais, précisant que l'objectif d'accueillir d'ici mai tous les étudiants qui attendaient (encore environ 110.000 selon eux) était toujours en bonne voie.
À titre d'information, avant la crise du Corona, près de 150.000 personnes au total entraient quotidiennement au Japon !
Autre (très) bonne nouvelle : le puissant Keidanren ne relâche pas la pression et accentue ses demandes dès le 8 mars, en réclamant notamment que le virus soit traité comme endémique pour que le gouvernement dessine un plan de sortie de crise pour réouvrir totalement ses frontières, incluant les touristes ! En avril, la JATA (association japonaise des agents de voyage) réclame, elle, la levée de ces restrictions d'entrée.
Le 4 mai, le Premier ministre italien Mario Draghi qui accueillait Fumio Kishida lors d'une tournée en Europe a demandé la réciprocité du tourisme avec le Japon. Le lendemain à Londres, Fumio Kishida annonce qu'il assouplira considérablement les mesures de contrôle aux frontières en juin pour s'aligner sur les autres pays du G7.
Enfin, le jeudi 12 mai, la levée des restrictions de voyage doit être évoquée à Tokyo entre le Premier ministre et les responsables européens Ursula von der Leyen et Charles Michel, suivie d'une conférence de presse.
En parallèle, des croisières touristiques de test sont menées discrètement au Japon avec une poignée de touristes étrangers, pour mesurer leur contagiosité... Elles devraient se poursuivre jusqu'à juillet-août.
Du 22 au 25 septembre se tiendra le "Tourisme Expo Japan" et une source sûre indique même que les voyageurs pourraient s'y rendre !
🗳 Les embûches domestiques : du possible retour de GoTo Travel aux élections de juillet
Depuis son arrêt prématuré fin 2020, le retour de GoTo Travel est un serpent de mer que l'extérieur du Japon espère voir rester enterré. Car cette campagne de financement domestique porte tout en elle pour retarder le retour du tourisme international sur l'archipel :
Reprendra, reprendra pas ? Et si oui, quand ? Depuis plus d'un an, la campagne est systématiquement repoussée en raison des successions de vagues Covid et le dernier segment n'y fait pas exception : on devait la retrouver dès ce début 2022 mais Omicron en a décidé autrement. Go To Travel a pour l'heure été remplacée par des initiatives locales où les municipalités et préfectures subventionnent des voyages domestiques, en attendant le retour de la manne financière venant de l'extérieur.
Toutefois, même en son absence, les Japonais ne se privent pas pour voyager à l'étranger et lors de la Golden Week 2022, ils sont des centaines de milliers à voyager à l'étranger, notamment à Hawaii. Le nombre de tests PCR effectués au Japon fin avril explose d'ailleurs très largement. De là à y voir une hypocrisie vis-à-vis du risque induit par les touristes étrangers au Japon, il n'y a qu'un pas...
En parallèle, la politique intérieure au Japon se prépare aux élections de la chambre haute du Parlement (en quelque sorte équivalentes à notre Sénat) prévues pour le 25 juillet. Il s'agit là d'une étape importante pour le récent gouvernement Kishida qui ne connaîtra pas d'autre échéance électorale majeure avant 2025. Pour ne pas déplaire à son électorat plutôt âgé et aux vues nationalistes, et puisqu'il s'agit d'une élection proportionnelle où chaque voix compte, il serait étonnant que le Premier ministre actuel décide d'annoncer d'ici là une réouverture en grandes pompes, même s'il y travaille avec ses partenaires en "off".
Alors que sa cote de popularité reste haute, le gouvernement souffle encore fin avril qu'il aimerait, si possible, le retour du tourisme étranger "dans l'année fiscale" (c'est à dire avant fin mars 2023)...
🇺🇦 La guerre en Ukraine comme point de vigilance
C'est la "surprise" de ce début 2022, que beaucoup d'observateurs aiguisés envisageaient depuis plusieurs mois, mais dont un monde essoufflé par 2 années de Corona n'avait franchement pas besoin. Outre les évidentes atrocités sur place, cette guerre dont on a encore du mal à imaginer la durée ou l'issue a des répercussions importantes : la partie transport pour ce qui nous concerne particulièrement.
En effet, l'espace aérien russe est devenu depuis fin février un territoire difficile voire interdit à survoler par un certain nombre de compagnies (l'Europe, le Japon et les États-Unis faisant partie des pays les plus contradictoires de Vladimir Poutine). Les compagnies aériennes se sont donc adaptées :
- AirFrance a suspendu ses vols France-Japon dès le 28 février mais les a repris dès le lendemain, en passant par la route du sud, plus longue de 2 heures (soit environ 12h30 à 13h30 de vol direct désormais, selon le sens de la rotation et la force du vent) ;
- Japan Airlines et All Nippon Airways, plus longues à la détente, ont attendu le 3 mars pour annuler depuis certaines de leurs liaisons, dont celles avec Paris et se concentrer sur d'autres rotations entre Haneda et l'Europe ; JAL reprend le 4 mai.
Outre ces 3 qui opèrent les vols directs, de nombreuses autres compagnies aériennes qui rejoignent le Japon avec escale sont beaucoup moins impactées (dont, naturellement, celles du Golfe comme Qatar ou Etihad). Inutile de préciser qu'Aeroflot, la compagnie nationale russe déjà controversée, est désormais hors sujet.
Pour toutes en revanche, le tarif du billet aller-retour risque probablement de s'envoler (!), entre la durée de vol parfois étendue et l'éventuelle flambée du cours du kérosène, autre corollaire majeur du conflit.
Sur la partie diplomatique, après différentes sanctions mises en place par le Japon à l'encontre de la Russie, Poutine informe finalement début mai que Kishida ne pourra plus entrer en Russie (ce qui permet au Premier ministre japonais de subir lui-même une interdiction aux frontières !).
🦠 La situation sanitaire : 3ème dose du vaccin et de potentiels nouveaux variants du Covid
Sans surprise, et pour diverses raisons déjà abordées à plusieurs reprises sur Kanpai, le Japon est une fois de plus en retard sur sa vaccination : à début mars, la 3è dose a été injectée à 20% de sa population à peine. Il faudra donc jusqu'à la fin du printemps pour atteindre une couverture plus ou moins optimale, préalable au retour du tourisme de masse sur l'archipel :
En outre, Omicron ayant eu beau toucher beaucoup plus de personnes que tous les précédents variants réunis, y compris au Japon, la menace d'un nouveau type de Coronavirus 🦠 n'est certainement pas encore écartée. D'ailleurs, sa mutation BA.2 était déjà en passe de devenir majoritaire dans les séquençages en France et dans beaucoup d'autres territoires, y compris à Tokyo (sans compter les menaces XD / XE / "Deltacron").
De nombreux pays semblent désormais atteindre une forme de plateau haut du nombre de cas voire un rebond, alors que le Covid-19 est de plus en plus considéré comme endémique par des gouvernements exsangues sur le plan économique. Est-ce compatible avec une levée des mesures sanitaires ? L'histoire nous le dira, mais à l'heure des réouvertures en série de pays au tourisme international, la triple dose de vaccin et le test PCR négatif restent des pré-requis aux voyages dans la majorité des cas.
Reste également à supprimer l'obligation de faire un test PCR supplémentaire à l'aéroport d'atterrissage au Japon, point de friction du lobby touristique japonais car il génère d'importantes files d'attente (jusqu'à 5 heures pour sortir de Narita) incompatibles avec le retour du tourisme de masse.
Le 15 avril, Shigeru Omi, le responsable du panel d'experts de la santé et principal conseiller du gouvernement japonais sur le sujet du Covid, déclarait que l'archipel n'aurait désormais plus besoin d'arrêter complètement les activités sociales ou de fermer des établissements puisque les symptômes d'Omicron sont moins sévères que les précédents variants, une prise de position radicalement différentes de celles exprimées depuis 2 ans. Selon lui, la situation Corona au Japon est entrée dans une nouvelle phase et la population a appris comment vivre avec le virus. Il a ajouté : "il est difficile d'obtenir la compréhension et la coopération du public si nous continuons à nous focaliser sur des mesures visant uniquement à réduire le nombre de personnes infectées". D'après lui, la courbe des cas au Japon va probablement continuer à augmenter autour de la Golden Week, avec un nombre de cas graves plus haut en juin, lorsque les effets de la 3ème dose sur les séniors commencera à s'estomper, avant de probablement redescendre.
Un rapport des experts sanitaires est attendu d'ici fin mai / début juin, incluant une possible remontée des cas lié aux retours de Japonais partis à l'étranger pendant la Golden Week.
🇯🇵 Un retour des touristes sous conditions à partir de l'été ?
La bonne nouvelle, c'est que l'on reste quand même sur une dynamique de réouverture à la fois globale et domestique. Toutefois, comme nous l'expliquions dans un précédent article, le Japon sera probablement parmi les derniers pays au monde à s'y plier... En effet, les pays encore fermés au tourisme ne se comptent désormais plus que sur les doigts d'une main ou presque : Chine, Corée du nord, Syrie, Turkménistan, Myanmar, Bhoutan... et donc le Japon. Pas forcément une liste enviable !
D'ailleurs, le 8 avril, Fumio Kishida annonçait en conférence de presse qu'il n'y avait alors pas encore de calendrier établi pour le retour des touristes étrangers au Japon, alors que le Japon connaissait depuis 2 semaines une légère résurgence du nombre de contaminations Covid, notamment parmi les jeunes de 20 à 30 ans. Kishida ajoutait toutefois qu'il allait prendre une décision sur la réouverture au tourisme après avoir étudié les étapes prises par les autres pays pour leurs propres allègements de restrictions aux frontières. Dans la mesure où la grande majorité des pays du monde sont désormais complètement rouverts, on peut espérer que cela soit de bonne augure.
Ainsi le 27 avril, pour la première fois, un panel gouvernemental réclame la reprise du tourisme le plus tôt possible pour relancer l'économie japonaise en souffrance.
Pour être tenu(e) informé(e) le jour-même des annonces de réouverture des frontières aux touristes, n'oubliez pas de vous inscrire gratuitement à la newsletter Kanpai :
Au vu de tous les éléments détaillés plus haut dans notre article, voici donc ce que nous pouvons envisager à ce jour pour la reprise du tourisme international au Japon :
- une annonce entre mai et juin ;
- une réouverture progressive à partir de juin ;
- un démarrage de la réouverture dès fin mai seulement pour les tours organisés et guidés (pour États-Unis, Australie, Singapour et Thaïlande) par des agences de voyages, puis pour les individuels à partir du courant d'été ;
- un accès autorisé seulement en provenance des pays sûrs / verts au niveau de leur situation Covid à l'instant donné (la France en fait partie) ;
- une entrée possible uniquement aux voyageurs vaccinés avec 3 doses (avoir eu le Covid ne compte pas au Japon) et munis d'un test PCR négatif de moins de 48 ou 72 heures ;
- de potentiels quotas d'entrée quotidiens, bien plus élevés qu'à l'heure actuelle toutefois ;
- une assurance voyage potentiellement obligatoire ;
- pas de quarantaine (ce ne serait de toute façon pas gérable sur le plan logistique), c'est d'ailleurs l'un des plus forts facteurs de cette réouverture tardive.
Bien entendu, la situation évolue très vite dans un sens comme dans l'autre et nous espérons que tout sera plus facile et rapide que cela pour la reprise des voyages de tourisme.
Comme toujours, nous vous tiendrons informés sur Kanpai des évolutions futures mais une chose est sûre : on n'a jamais été aussi proches du retour des touristes étrangers, bien qu'il leur faudra sans doute attendre encore au moins plusieurs mois pour retrouver le chemin du Japon !