Tokyo plongée dans le noir pour ses états d’urgence de printemps-été 2021
En raison d’une recrudescence d’infections dues au Covid-19 🦠, l’état d’urgence au Japon est une nouvelle fois entré en vigueur au printemps 🌸 2021 et dans les régions les plus touchées : à Tokyo, Kyoto, Osaka, Hyogo, Aichi, Fukuoka, Hokkaido, Fukushima, Okayama et Hiroshima (de fin avril / début mai au 20 juin) puis encore à l'été.
Cela implique, entre autres, des sorties limitées, la mise en place du télétravail autant que possible et la fermeture à 20h des établissements de restauration et de divertissements (dont les pachinko et les karaoké), où l’on sert de l’alcool le soir. La gouverneure de Tokyo va plus loin et demande également aux enseignes d'éteindre leurs néons à l'heure du couvre-feu 🔥, pour inciter la population à rentrer chez elle.
Nous avons parcouru à la nuit tombée, donc en début de soirée au vu de l'horaire de coucher de soleil au Japon, les quartiers nocturnes habituellement les plus animés de la capitale afin de prendre le pouls de la mégapole durant cet état d’urgence (l'un des plus stricts depuis le début de la pandémie il y a plus d'un an).
Shinjuku : le quartier central de Tokyo
Nous commençons par nous rendre à Nishi-Shinjuku, à l’ouest de la gare JR de Shinjuku. Tout juste après le quartier électronique se trouve celui des affaires, reconnaissable à ses innombrables tours de verre. Les larges avenues, bien éclairées autour de 19h, ne laissent déjà plus voir âme qui vive. Quelques rares salarymen empruntent le chemin du retour et il n'y a déjà presque plus de circulation. Le silence général des rues est seulement brisé par les mini-vans banalisés qui diffusent par leurs hauts-parleurs les spots sonores des mesures anti-Covid pour inciter à rentrer chez soi au plus vite.
En levant les yeux, on se rend compte que les immeubles de bureaux n’ont plus que quelques étages éclairés, voire qu'ils sont complètement éteints comme la Cocoon Tower et la tour Sompo. Le siège du gouvernement métropolitain de Tokyo (Tocho), l’un des symboles du quartier, ne semble également plus occupé, son bel observatoire gratuit et ouvert jusqu'à 23h en temps normal est fermé pendant l'état d'urgence. Les quelques business hôtels 🏨 ouverts montrent quant à eux un léger frémissement d’activité.
Nous rejoignons ensuite Kabukicho à l’est de la gare, en passant par Omoide Yokocho. Ce dédale de ruelles intemporelles, rempli de gargotes aux bonnes odeurs de grillades, se révèle bien calme. Entre l'absence de touristes depuis plus d'un an et avec le couvre-feu annoncé à 20h, les échoppes ont de toute façon presque toutes baissé leur rideau de fer.
On arrive enfin sur Kabukicho, le quartier incontournable pour sortir le soir à Shinjuku. Ici, on retrouve un peu de monde sans que cela ne soit la frénésie "sulfureuse" qu'on lui connaît. L’état d’urgence est plus ou moins bien respecté, que ce soit par les quelques établissements encore ouverts ou par les passants plutôt jeunes qui déambulent de manière décontractée sans trop se soucier de l'heure. Malgré tout, ce n’est pas aussi animé et éclairé que d’habitude, bien loin de là. Beaucoup d’enseignes ont en effet fermé plus tôt et éteint leurs devantures.
Shibuya : le rendez-vous de la jeunesse en soirée
On prend la ligne JR Yamanote pour un court trajet jusqu'à Shibuya, une autre adresse de Tokyo réputée pour sa vie nocturne. Les rames de train 🚅 peu bondées offrent facilement des places assises pour tous les passagers.
À la sortie "Hachiko" de la gare de Shibuya, toujours en travaux d'agrandissements, on est tout de suite surpris par la faible luminosité du célèbre carrefour. Le Time Square de Tokyo se montre vraiment métamorphosé, sans ses écrans géants tous éteints et qui plongent le croisement de Shibuya dans une pénombre verticale inédite, éclairé seulement les lampadaires plantés au sol le long des trottoirs. Le changement se fait également ressentir par l’ouïe : finies la musique tonitruante et les annonces publicitaires qui tournent en continu. On reste réellement stupéfaits par l'absence du bruit et de la vie qui caractérisaient normalement l'un des plus grands carrefours au monde.
Le reste de la balade reste dans le même ton, l’artère Center Gai se montre quasi-déserte et sans brouhaha, loin de son agitation habituelle. On croise juste quelques enseignes encore ouvertes et des promeneurs téméraires. On pousse l'exploration en allant du côté de Chuo-gai, au sud de la gare de Shibuya et le constat est encore plus flagrant : une légère sensation de malaise nous envahit devant ce quartier devenu fantôme.
Ikebukuro : le quartier tendance du nord de la capitale
On remonte en direction du nord pour Ikebukuro et sa gare, la troisième la plus empruntée du pays et bien plus calme que d'ordinaire. On emprunte la sortie est, la plus populaire, et déjà nous observons les gratte-ciels en face, habillés de néons et de grands panneaux publicitaires complètement éteints.
Nous nous dirigeons vers l’avenue Sunshine 60-dori et ses multiples enseignes de loisirs en tous genres. Non seulement il n'y a aucun passant, mais la totalité de ses magasins, de ses restaurants et les trois salles de jeux géantes (Adores, Round One, SEGA) sont fermés. La tour Sunshine 60 que l'on aperçoit entre deux bâtiments ne semble pas non plus très vivante avec la majorité des étages non allumés.
On continue sur Mikuni-koji, une petite ruelle rétro de l’époque Showa fréquentée pour ses izakaya ouverts très tard en soirée, mais là encore les établissements sont plongés dans le noir, sans aucun client à la ronde.
Asakusa : le quartier touristique par excellence
On continue notre circuit à l’est de la ville vers Asakusa, véritable lieu de pèlerinage pour les touristes du monde entier, à commencer par les Japonais eux-mêmes. Les abords faiblement fréquentés de l’entrée du Senso-ji laissent deviner la quiétude qui va régner tout au long de la visite du temple. En effet, la grande porte vermillon Kaminari-mon se trouve cette fois-ci bien seule et ce ne sont pas les magasins de l’avenue Nakamise-dori, fermés de jour comme de nuit depuis le 25 avril, qui vont troubler le calme ambiant.
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On arpente donc la rue commerçante très rapidement sans le slalom habituel au milieu de la foule, pour retrouver la deuxième porte imposante baptisée Hozo-mon et sa sublime pagode à 5 étages érigée à côté. Le pot jokoro, où l’on met des bâtons d'encens à brûler, est éteint et les portes du bâtiment principal Hondo sont closes, ainsi que les arcades de shopping adjacentes au temple. De là, on lève les yeux pour observer la Tokyo SkyTree toujours illuminée, mais pas autant qu'en temps normal. La sensation procurée de profiter au calme du quartier traditionnel d'Asakusa n’est finalement pas désagréable, tant qu'elle ne s'inscrit pas dans la durée bien entendu.
Ueno : le marché populaire d'Ameyoko
Au sein du quartier voisin d'Ueno, on rejoint le marché permanent d’Ameya Yokocho, une sortie nocturne réputée pour les prix intéressants de ses échoppes et l'ambiance conviviale de ses terrasses en extérieur. Les nombreux restaurateurs respectent globalement les mesures restrictives avec une fin de service à partir de 20h, où les derniers clients terminent leur repas.
La ruelle se vide rapidement de ses passants pour laisser la place aux camionnettes des commerçants qui remballent leurs marchandises. Il n'est pas 21h que les poubelles apparaissent déjà sur les trottoirs devant les rideaux de fer baissés.
Akihabara : la mecque des otaku
Un peu plus au sud, toujours sur la Yamanote, on retrouve Akihabara, célèbre quartier orienté vers la pop-culture japonaise telle que les mangas, le cosplay, ses innombrables salles de jeux d'arcade et ses maid cafe. On prend la sortie "Electric Town", habituellement la plus animée, mais qui ce soir se révèle bien moins bondée.
Les grands magasins sur les avenues, par exemple l'incontournable Akihabara Radio Kaikan, tout comme les boutiques lilliputiennes du centre commercial Radio Center, spécialisées dans la vente de matériel électronique, sont fermés. Le temple des otaku, Akiba Culture Zone, montre également portes closes.
Sur l’artère principale, un faible flot de voitures 🚙 et de piétons nous permet de marcher sans encombre. Les trottoirs sont surtout occupés par quelques rabatteuses en soubrette qui tentent en vain d’attirer le peu de passants dans leur maid café. On passe devant quelques salles de jeux qui sont malgré tout ouvertes mais les possibilités offertes pour rester dans le quartier ne sont pas bien grandes.
Marunouchi : le quartier impérial de la gare de Tokyo
On change d’ambiance pour rejoindre le quartier plus chic de Marunouchi. Sur le parvis de la sublime gare de Tokyo, avec son édifice historique en briques rouges qui contraste élégamment avec les gratte-ciels modernes côté Yaesu, seul le compteur du nombre de jours restants avant le début des Jeux Olympiques 🏅 affiche un éclairage criard.
La façade de la gare, d'ordinaire rétro-éclairée, est cette fois-ci laissée dans le noir. L’éclairage urbain apporte un peu de lumière sur la place désertée par les voyageurs. On s'avance jusqu’à l’entrée de Naka-dori, mais rien ne change, toujours le même calme un peu pesant d'une avenue fantôme aux enseignes closes.
Ginza : la vitrine des marques de luxe
On termine notre exploration nocturne avec le quartier de Ginza, dont les façades des grandes marques de luxe revêtent en général un habillage étincelant à la nuit tombée. Comme pour toutes les rues commerçantes de la capitale, les boutiques sont fermées, que ce soit les enseignes indépendantes ou bien les grands centres commerciaux, tels Ginza Six ou Mitsukoshi.
Le carrefour principal de Ginza, reconnaissable depuis près d’un siècle par le bâtiment en quart de cercle dans le style néoclassique du grand magasin Wako et plus récemment, par le magnifique bâtiment Ginza Place placé juste en face, manque de cachet avec les néons éteints. On est d'ailleurs plutôt aveuglés par les phares des taxis rangés en une longue file et qui attendent patiemment le retour de la clientèle.
Un centre-ville déserté sous couvre-feu nocturne
Il n’est définitivement pas habituel de voir une capitale dynamique telle que Tokyo si endormie, loin de sa frénésie quotidienne de jour comme de nuit. L'objectif politique de Yuriko Koike, convaincre les locaux de rester chez eux plutôt que sortir le soir à plusieurs, semble être atteint dans le sens où la ville perd réellement de son intérêt lorsque les néons s'éteignent et que les enseignes cessent d'ouvrir.
Malgré tout, nous avons croisé des gens, globalement des jeunes adultes, qui refusent de se cloisonner 24h/24 chez eux et qui continuent de se rendre en soirée dans le centre-ville. Ils portent naturellement tous leur masque sanitaire 😷 et restent le plus possible en extérieur, surtout depuis l'arrivée du printemps. Les restaurateurs ouverts respectent plus ou moins l'heure du couvre-feu, tandis que d'autres ont, quant à eux, malheureusement et définitivement fermé leurs portes.
Cet état d'urgence ne doit pas durer dans le temps et l'on espère que la courbe des infections dues au Corona va finir par décroître durablement, même si le retard confondant de la vaccination japonaise n'incite pas à l'optimisme ces dernières semaines. Ce sentiment étrange et mitigé, où l'on apprécie la quiétude mais où l'on s'inquiète de l'absence de vie et d'allégresse autour de soi, pèse sur le moral. Nombreux sont ceux, parmi l'équipe de Kanpai comprise, qui attendent une relance de l'économie mais également un redémarrage du tourisme qui sera le signe que la situation s'améliore durablement.