Le démarrage poussif des JO 2020 de Tokyo
Depuis l'annonce officielle du CIO il y a deux ans presque jour pour jour, les Japonais ont débuté l'organisation de leurs quatrièmes Jeux Olympiques 🏅 qui se tiendront à Tokyo au cours de l'été 2020.
Après la liesse populaire mondiale et un certain état de grâce, depuis quelques semaines le Japon a enchaîné des polémiques qui se sont successivement soldées par deux reculades majeures et retentissantes.
Stade olympique : gouffre financier
Le cabinet d'architecture anglais Zaha Hadid, qui avait remporté l'appel d'offre, présentait en 2013 un bâtiment de 80.000 places, prévu pour se loger dans le quartier de Yoyogi. D'un projet initial de 130 milliards de Yens (~794,8 millions d'euros), le budget de construction s'est vu depuis gonflé à près du double : 252MM¥ (~1,5 milliards d'euros) !
À mesure que les coûts et la polémique enflaient, les critiques se sont multipliées. Les utilisateurs de Twitter japonais, notamment, s'en sont donnés à cœur joie en imaginant des parodies rapprochant le design du stade à... une cuvette de toilettes 🚽.
Le gouvernement japonais, sous le feu 🔥 des critiques, a finalement choisi d'annoncer la battue en retraite le 17 juillet, par la voix de son premier ministre Shinzo Abe. Le stade national olympique sera donc repris à zéro et se cherche depuis de nouveaux plans.
Il manquera du coup, hélas, la coupe du monde de rugby prévue au Japon en 2019, la première en Asie. Cela a eu pour effet de provoquer l'ire de l'organe mondial de l'ovalie, qui donne jusqu'à fin septembre au comité japonais pour revoir sa copie. En attendant, c'est le stade international de Yokohama (à quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest) qui fait office de remplaçant supposé, avec ses 72.000 places utilisées notamment pour la finale de la coupe du monde de football en 2002.
En décembre 2015 sont annoncés les deux nouveaux projets, plus modestes. C'est finalement l'architecte japonais Kengo Kuma qui remporte la compétition, avec 60.000 places et un coût de construction estimé à 149 milliards de Yens (~911 millions d'euros), financés par Tokyo à hauteur de 39,5MM¥ (~241,5 millions d'euros).
Logo officiel : accusations de plagiat
Le 24 juillet 2015, pile cinq ans avant le début des festivités, avait lieu l'annonce des emblèmes officiels. Dans une vidéo rendue privée depuis (comme, semble-t-il, l'ensemble de sa chaîne YouTube officielle), le comité organisateur dévoilait ainsi les logos des JO et Paralympiques de Tokyo 2020, réalisés par le designer Kenjiro Sano.
Si la création en elle-même a soulevé des retours mitigés, rapidement des accusations de plagiat les ont balayés. Car le contenu fait montre d'une ressemblance troublante avec le logo du Théâtre de Liège en Belgique, conçu par Olivier Debie et en exploitation depuis 2013 :
Au terme d'une polémique de plusieurs semaines, le comité des JO 2020 annonçait le 31 août 2015, puis lors d'une conférence de presse le 2 septembre, que cet emblème controversé ne serait finalement pas utilisé. Selon l'explication officielle :
"Nous pensons qu'il risque d'être difficile de le voir supporté par le grand public." (via)
Sano fait l'objet, en parallèle, d'autres accusations de copies d'images pour certaines de ses créations antérieures. Une gamme de sacs promotionnels pour la brasserie Suntory, retirés de la circulation depuis, soulève en particulier le questionnement général.
Le designer de 43 ans a fait part de son sentiment d'une campagne de dénigrement à son égard et celui de son studio. S'il est aisé de crier avec les loups, on sait la célérité avec laquelle les justiciers de tout poil peuvent s'acharner sur leurs profils de réseaux sociaux, confortablement installés derrière leur écran. La critique est facile, l'art est difficile... Bien que rien ne fût (encore ?) prouvé, dans notre ère d'ultra-communication Kenjiro Sano ne pouvait tout simplement pas, semble-t-il, au moins prétendre à la présomption d'innocence.
En attendant, ce qui fait son infortune crée les affaires d'autres opportunistes. Ainsi, des posters du logo abandonné se monnayent déjà à plus de 100.000¥ (~611€) sur Yahoo! Auction !
Mise à jour -- En octobre sont annoncées les conditions de propositions d'un nouveau logo. Toute personne âgée de plus de 18 ans, de quelque nationalité qu'elle soit, peut soumettre sa création au comité olympique, par ici entre le 24 novembre et le 7 décembre ! 14.599 propositions auront été envoyées pendant ce laps de temps.
Points de discorde et perspectives
Mais tout ceci sera vraisemblablement oublié de longue date à l'approche de l'évènement. Et l'on reste encore, d'ailleurs, très loin des difficultés successives d'Athènes, Pékin ou Sotchi qui finissaient leurs travaux pharaoniques parfois quelques jours à peine avant le début des compétitions. La capitale japonaise a tout le temps de faire face à d'autres difficultés potentielles.
D'autres voix s'élèvent encore contre la chaleur et l'humidité tokyoïtes qui risquent de surprendre le public voire de gêner les athlètes. Malgré des conditions climatiques bien plus supportables, l'affaire sonne déjà comme un préambule au scandale de la coupe du monde de football 2022 confiée au Qatar. Calés par le calendrier du CIO du vendredi 24 juillet au dimanche 9 août 2020, les non-initiés vont en tout cas devoir apprendre à supporter l'été japonais.
En octobre 2019, il se murmure d'ailleurs que le marathon et les courses pourraient être délocalisées à Sapporo.
Quels que soient les scandales, l'attribution des Jeux Olympiques 2020 à Tokyo a déjà remporté au moins la première partie de son pari : le coup de projecteur est bel et bien là et fait ressentir ses effets sur une fréquentation touristique au Japon déjà bien dopée par la reprise qui faisait suite aux évènements de mars 2011. Au moment de la candidature, les responsables japonais estimaient que ces prochains JO pourraient :
- générer une activité économique de près de 40 milliards de dollars ;
- créer plus de 150.000 emplois directs ou indirects ;
- permettre d'accueillir 20 millions de touristes sur l'archipel en 2020.
Cinq ans à l'avance, 2015 risque déjà de faire tutoyer le volume de touristes avec l'objectif fixé pour l'année des JO. Pour le moins encourageant !