L'hypocrisie japonaise du tourisme étranger sous la Golden Week 2022
Pour la première fois depuis 3 ans, cette année les Japonais ont pu profiter de la sacro-sainte Golden Week presque normalement.
Comme vous le savez si vous lisez Kanpai assidûment, les salariés nippons disposent de peu de jours de congé et il est mal vu de tous les prendre. C'est pourquoi les vacanciers se concentrent très fortement sur 3 périodes de l'année en particulier, où l'archipel semble comme s'arrêter pour se consacrer aux congés nationaux :
- la "semaine dorée" donc, de fin avril à début mai ;
- Obon, la fête des morts à la mi-août ;
- et Oshogatsu, le passage à la nouvelle année.
🏖 La libération des congés du printemps 2022
Alors que les Golden Weeks de 2020 et 2021 avaient été réfrénées pour cause de pandémie de Covid 🦠, cette année les festivités ont battu leur plein grâce à la suppression des (quasi) états d'urgence et l'autorisation de voyager à nouveau, à la fois hors de sa préfecture de résidence et à l'étranger.
Pensez-vous : juste avant le début des festivités, le ministre de la relance économique Daishiro Yamagiwa ouvrait carrément le débat sur l'utilité de porter un masque 😷 en extérieur, peu après la sortie presqu'inattendue de l'expert sanitaire en chef Shigeru Omi sur les activités sociales !
En réalité, la population de l'archipel n'a jamais été confinée et il s'agissait d'une recommandation morale plutôt que d'une interdiction juridique, mais la réputation du suivisme japonais n'étant plus à faire, peu osaient en réalité la braver. En tout cas, si un certain nombre de Japonais ne se faisaient pas prier pour voyager, il n'y avait pas encore de mouvements de masse.
Beaucoup de Japonais, logiquement frustrés de 2 années sans voyages, en ont donc profité pour s'offrir quelques vacances bien méritées en cette Golden Week 2022. Ainsi, rien que sur la route, les longs embouteillages se sont accumulés.
👨🔬 Une explosion de tests Covid pré-GW
Pour qui suit les indicateurs Corona avec attestation, une statistique a pourtant de quoi surprendre : celle des PCR et antigéniques effectués par la population.
Depuis fin février, le nombre de tests quotidiens oscillait entre 150 et 200.000. En France pour comparaison, on tournait autour des 350 à 400.000 tests par jour sur la même période, malgré une population 2 fois moins nombreuse (soit environ 4 fois plus à nombre d'habitants égal).
Mais d'un coup le 27 avril (veille du début de la Golden Week), les Japonais ont été bizarrement ~7 fois plus à se faire dépister : 1,34 million de tests ont en effet été réalisés sur cette seule journée ! Avec une capacité de résultat de seulement 390.000 quotidiennement, il aura fallu plusieurs jours pour les absorber.
Pensez-vous qu'il s'agisse uniquement de Japonais urbains responsables, vérifiant qu'ils n'aient pas contracté Omicron avant de retourner dans leur furusato pour passer quelques jours voir leur famille restée à la campagne ?
Quelques indices nous encouragent à penser que non. Car une constante du néo-tourisme mondial post-Corona est l'obligation désormais classique de soumettre un résultat de PCR négatif pour pouvoir embarquer à bord d'un vol vers l'étranger.
Un petit tour dans les principaux aéroports japonais, désespérément vides depuis 2 ans à cause de leurs fortes restrictions aux frontières, donne ainsi des éléments de réponse concrets en cette fin avril : ils étaient en effet déjà au moins 100.000 à avoir décollé de Narita seulement.
After two years of pandemic restrictions, planes from Narita to Hawaii are finally filling up with excited tourists again. pic.twitter.com/qRUrMSWhyU
— NHK WORLD News (@NHKWORLD_News) April 28, 2022
La liste des destinations extérieures où se sont rendus les Japonais en cette Golden Week 2022 n'est pas connue, si toutefois elle était rendu publique dans le futur, mais on sait déjà qu'Hawaii figure en bonne place dans la liste, sans grande surprise au vu de son statut de destination "cocotiers" traditionnelle des Nippons.
🛂 2 poids, 2 mesures
Il ne vous aura pas échappé que les frontières japonaises sont encore officiellement fermées aux touristes étrangers en ce début mai 2022, sans doute pour quelques semaines encore (une reprise dès juin est envisageable) :
Le gouvernement de Fumio Kishida maintient cette dure position :
- bien que son pays soit l'un des derniers au monde à ne pas accepter les touristes de l'extérieur (aux côtés d'une liste peu reluisante constituée de la Corée du Nord, de la Chine, du Turkménistan ou encore de la Syrie...) ;
- à contre-courant des recommandations de l'OMS sur l'inutilité des mesures de restrictions aux frontières face à la transmissibilité et la faible létalité des derniers variants ;
- probablement par posture politique en prévision des élections parlementaires du 25 juillet, sous les critiques de plus en plus vives y compris dans son propre parti, malgré des sondages d'opinion toujours plutôt favorables ;
- alors que son économie tremble sous la menace concrète de la stagflation, avec un Yen au plus faible depuis 20 ans.
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Ce choix de prolonger son néo-Sakoku (la fameuse politique isolationniste) est justifié par le Premier ministre japonais par une peur de la propagation du Corona sur son territoire. Il ne répond pas, en revanche, à la logique d'autoriser dans le même temps des centaines de milliers de Japonais (tous la même semaine !) à vaquer gaiement dans les autres pays, dont certains sans restrictions, avant de revenir tranquillement sur l'archipel.
Nous appelons cela de l'hypocrisie, mais d'aucuns sautent allègrement le pas et crient à la xénophobie. Jusqu'à quand cette posture pourra-t-elle tenir en l'état ?