Le Nouvel An au Japon
Le Japon fête le passage à la nouvelle année le 1er janvier depuis la fin du XIXè siècle. C'est devenu aujourd'hui sans doute la fête familiale la plus importante dans la société nippone. Mais culture japonaise oblige, cette tradition diffère de celle des Occidentaux sur plusieurs points que nous détaillons dans cet article.
La période autour du nouvel an s'appelle Oshogatsu (御正月). Beaucoup d'administrations, lieux de visite et même commerces sont fermés généralement du 29 décembre au 3 janvier (parfois plus en fonction des week-ends attenants). Le 28 décembre s'affiche donc comme le dernier jour de l'année travaillé au Japon (仕事納めshigoto osame).
Traditions avant la nouvelle année
Dès le 25 décembre achevé, les Japonais oublient totalement Noël et rangent ses décorations pour s'intéresser au Nouvel An.
Fin de l'année
La tradition est d'envoyer ses vœux par courrier postal, avec des cartes appelées nengajo (年賀状). Alors qu'en France on peut les envoyer durant tout le mois de janvier, au Japon selon la tradition, elles doivent arriver le matin du 1er janvier. La poste japonaise 📮 fait en sorte que ce soit le cas et pour cela, elles doivent être postées avant le 28 décembre au plus tard. À noter que beaucoup de nengajo pré-timbrées, appelées nenga hagaki (年賀葉書, avec un timbre spécial aux couleurs de l'animal correspondant à la nouvelle année - voir plus bas) contiennent un numéro de loterie, dont les Japonais raffolent. Celui-ci permet de participer à des concours dotés de gros lots, tels que des voyages ou des gains d'argent. En 2003, un record de 4,4 milliards de cartes de vœux ont été envoyées, en baisse régulière depuis (3,3 milliards imprimées en 2015).
On dépose devant sa porte un kadomatsu (門松 ), composition décorative autour de bambous et de pins censée accueillir les dieux. Sur la porte de la maison, on accroche une corde shimenawa (しめ縄) pour protéger l'intérieur des démons shinto.
Les derniers jours de décembre, les Japonais font le grand ménage dans la maison : ce vaste nettoyage appelé osoji (大掃除) fait office de rite de purification. On lave tout du sol au plafond, et c'est le cas également dans les écoles, collèges, lycées et au bureau ! La tradition du susuharai (煤払い) veut qu'une journée soit consacrée à nettoyer la saleté de l'année passée entre le 13 et le 28 décembre.
La semaine qui précède la nouvelle année est souvent consacrée aux bonenkai (忘年会), des soirées entre amis ou collègues pour "oublier l'année". À cette période, les izakaya sont pris d'assaut et il est parfois difficile de réserver. En 2019, 65,5% des entreprises en organisaient mais ce chiffre a baissé à 8 et 13% seulement les 2 années suivantes à cause du Covid 🦠.
De nombreux magasins profitent également du nouvel an pour faire des soldes parfois importantes sur leurs produits.
Réveillon du 31 décembre
Le réveillon (omisoka / 大晦日) se déroule assez traditionnellement en famille, sauf pour les jeunes qui vont faire la fête entre amis. On mange un bouillon de soba ou udon (nouilles) appelées toshikoshi (年越し, "passage de l'année") qu'il faut intégralement finir.
On regarde à la télé des émissions de variétés qui diffusent des sketches et des chansons traditionnelles ou modernes. Le programme ayant le plus de succès est Kohaku Uta Gassen (紅白歌合戦 ; photo de une), une émission musicale diffusée toute la soirée du réveillon depuis 1951 sur NHK dans laquelle une équipe de chaque sexe s'affronte pour les votes des téléspectateurs. Toutefois, après des records d'audience pendant des décennies (jusqu'à 81,4% en 1963), ces dernières années ses chiffres baissent : sur le passage 2015-2016, elle ne réalisait ainsi plus que 39,2% puis en 2021-2022, cela descendait à 34,3%, son score historiquement le plus bas.
Par ailleurs en 2020, pour la première fois en 12 ans, le groupe AKB48 ne fait pas partie de la liste des invités, signe d'une page qui se tourne.
Aux alentours de minuit, on se rend au temple (bouddhiste) ou au sanctuaire (shinto) pour le hatsumode (初詣), la première visite au temple. On prie en sonnant la cloche. Les temples et sanctuaires sont souvent bondés et il faut faire la queue, parfois pendant plusieurs heures.
Certains temples et sanctuaires sont extrêmement populaires et accueillent plus d'un million de visiteurs autour du Nouvel An, par exemple :
- Meiji-Jingu ou Senso-ji à Tokyo
- Fushimi Inari Taisha à Kyoto
- Sumiyoshi Taisha à Osaka
- Tsurugaoka Hachimangu à Kamakura
Ensuite, tout le monde rentre pour un festin appelé osechiryori (お節料理), composé de plats variés ; une tradition qui remonte à l'ère Heian. On mange ces assortiments préparés dans des boîtes compartimentées (jubako / 重箱) préparées à l'avance. En règle générale, ce sont les mères de famille qui s'en occupent, mais de plus en plus de Japonais les achètent désormais toutes prêtes au supermarché.
Les enfants reçoivent des enveloppes décorées, otoshidama (ou toshi-dama / お年玉), qui contiennent des étrennes sous forme de billets en Yens. Généralement, ce sont les grands-parents ou les oncles et tantes qui les offrent. Le montant dépend de l'âge de l'enfant et peut varier de 500 à 10.000¥ / ~3,04€ à ~60,85€ (jusqu'à leur majorité environ). La plupart des enveloppes sont décorées de manière traditionnelle, mais depuis quelque temps la culture populaire s'y est immiscée, en premier lieu One Piece évidemment.
À noter qu'à Tokyo, pendant la nuit du 31 décembre au 1er janvier, plusieurs lignes de métros 🚇 et trains 🚅 fonctionnent alors qu'elles ne roulent pas en temps normal. C'est le cas par exemple de la Yamanote qui fait circuler ses trains toutes les dix minutes en moyenne, tout au long de la nuit.
De plus, depuis 2016, Coca-Cola sponsorise un évènement au carrefour de Shibuya, avec une vidéo de compte à rebours avant minuit. La première année, 67.000 personnes y ont participé. En 2022 à cause du Covid, l'évènement est suspendu et ce fut encore le cas jusqu'en 2022.
Depuis 2019, comme lors de Halloween 🎃, la vente et la consommation d'alcool y sont interdites entre 18h le 31 et 5h du matin le 1er.
Coutumes du début d'année
Consultez cet article pour savoir comment se souhaiter la bonne année en japonais.
1er janvier
Le premier jour de l'année, on se lève tôt pour assister au premier lever de soleil de l'année, appelé hatsuhinode (初日の出). Plusieurs spots touristiques le permettent dans des conditions magiques :
- l'observatoire de la mairie de Shinjuku ;
- le Mont Fuji, notamment depuis les cinq lacs alentours mais certains le grimpent aussi au réveillon (accompagnés !) pour profiter de ce qu'on appelle goraiko (ご来光 ) ;
- la tour Port Tower à Chiba ;
- le mont Moiwa à Sapporo ;
- la plage Miho no Matsubara à Shizuoka ;
- la plage Uppama à Okinawa ;
- la plage de Katase Higashihama à Kanagawa (Enoshima).
On boit le premier sake de l'année (toso / 屠蘇) à 9 heures du matin, on petit-déjeune très copieusement, et l'on peut éventuellement retourner au temple tirer des prédictions de bonne fortune (omikuji / お神籤). Selon la tradition, il faut également faire voler des cerfs-volants.
Le 1er janvier (ganjitsu / 元日) est férié et souvent, pendant le ou les deux jours suivants, certaines entreprises ferment (pas les konbini, heureusement). Cela crée une forme de mini Golden Week pendant laquelle les Japonais peuvent se reposer ou partir en voyage : retrouver la famille ou aller séjourner à l'étranger. Les gares, aéroports, autoroutes et hébergements au Japon sont souvent bondés à ce moment-là ; attention donc, si vous souhaitez séjourner sur l'archipel pendant cette période, à vous y prendre très en amont. En revanche, les grandes villes se vident et sont souvent très intéressantes et agréables à visiter.
Jours suivants
Le 2 janvier, l'Empereur du Japon présente ses vœux aux visiteurs venus au Palais Impérial de Tokyo. C'est l'un des deux seuls jours de l'année avec l’anniversaire de l'Empereur (le 23 février depuis le changement d'Empereur en 2020) où il est possible d'apercevoir le monarque en personne. La foule y est très dense et la famille impériale salue le public plusieurs fois dans la journée depuis un balcon protégé par une vitre.
Cela n'a pas été le cas, exceptionnellement, début 2021 et 2022 à cause de la crise du Covid.
Les premiers jours de l'année, il est coutume de ne pas trop cuisiner. On mange des mochi (餅), un dessert japonais à base de riz gluant, d'ailleurs responsable chaque année de plusieurs morts par étouffement, souvent chez les personnes âgées (par exemple 9 décès et 128 blessés au passage 2014-2015).
À partir du 1er janvier, beaucoup de magasins proposent des fukubukuro (福袋), littéralement des "sacs de chance" (appelés "lucky bags" en anglais). Pour 3, 5 ou 10.000¥ (~18,25€, ~30,42€ ou ~60,85€), ces sacs contiennent un assortiment de produits qui en coûtent souvent le double, voire plus ! Les Japonais adorent cette tradition et l'esprit de surprise qui l'accompagne. Parmi les plus célèbres, on compte ceux d'Apple le 2 janvier, qui offre parfois du matériel jusqu'à cinq fois la valeur dépensée.
L'organisation de soirées pour fêter la nouvelle année est également possible. On les appelle des shinnenkai (新年会) et, bien que moins fréquentes, elles s'avèrent relativement proches dans l'esprit des bonenkai citées plus haut.
Le 4 janvier est considéré comme le 1er de travail de l'année, où les employé(e)s retournent à l'entreprise après les festivités du Nouvel An.
"L'année du..." (horoscope)
Bien que les années japonaises respectent le calendrier grégorien et non le décalage chinois de quelques semaines, elles suivent l'horoscope chinois. Ainsi, chaque nouvelle année est associée à un animal :
- 2022 : tigre 🐅
- 2023 : lapin 🐇
- 2024 : dragon 🐉
- 2025 : serpent 🐍
- 2026 : cheval 🐎
- 2027 : mouton 🐑
- 2028 : singe 🐒
- 2029 : coq 🐓
- 2030 : chien 🐕
- 2031 : cochon 🐖
- 2032 : rat 🐀
- 2033 : buffle 🐃
- 2034 : on revient au tigre, et ainsi de suite...
Attention : au Japon, on ne fête pas le nouvel an chinois (sauf chez les expatriés Chinois, naturellement) !
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Kanpai vous souhaite à tou(te)s une excellente nouvelle année !