Maiko et Geiko de Kyoto
À la rencontre des ambassadrices de l'art traditionnel japonais
Personnage fantasmé par les amateurs du Japon pour son élégance et son raffinement, la Geisha reste encore aujourd'hui un certain mythe vivant. Kyoto, ancienne capitale historique à l’image traditionnelle préservée, s’affiche comme la ville privilégiée pour croiser au détour d’une rue, ou bien au cours d’une cérémonie dédiée, des apprenties Maiko et des confirmées Geiko.
Avant de pouvoir assurer pleinement leur rôle de divertissement, les Geisha doivent suivre un parcours relativement long et exigeant lors d'un apprentissage pluridisciplinaire sans faille pour toute jeune fille japonaise aussi motivée soit elle.
Devenir une Geisha
Le premier stade intervient à partir de l’âge de 12 ans lorsque la jeune fille est acceptée en pension dans une maison okiya de Geisha. Elle devient une servante baptisée shikomi-san. La loi japonaise actuelle rend l’école obligatoire jusqu’à 15 ans, ce qui impose à la jeune stagiaire de suivre les cours avant son service domestique. Dans les faits, elle abandonne souvent l’école après le collège ou le lycée.
La shikomi s’occupe des tâches ménagères de toute sorte. Elle doit assister les Maiko les plus âgées et les Geiko à s’habiller, se maquiller, puis à se laver chaque jour. Elle a également la responsabilité du transport des instruments de musique comme le shamisen.
Durant la période de shikomi qui dure souvent entre une à deux années, la jeune fille doit également commencer son propre enseignement : s’initier à porter le kimono 👘, à jouer de la flûte, de la percussion, à maîtriser la danse odori. De plus elle apprend notamment le dialecte ancien de Kyoto prénommé kyo-kotoba ; les apprenties n'étant pas nécessairement natives du Kansai.
La shikomi peut porter des vêtements occidentaux ou le kimono suivant la situation. Aucun contact avec sa famille n’est possible, en-dehors de certains évènements publics comme Obon (la fête des esprits) ou Shogatsu (le Nouvel An).
Une fois que la mère dirigeante (appelée okasan) juge que la shikomi a le niveau suffisant, elle lui fait passer un examen au théâtre Kaburenjo. Beaucoup de jeunes filles abandonnent en cas d’épreuve ratée, car cette vie d’apprentissage même courte s’avère très rude, avec surtout très peu d’heures de sommeil.
En cas de test réussi, la okasan choisit le nom de la future Maiko. La première partie est souvent le même pour toutes les apprenties d’une okiya. La seconde partie dépend de l’orientation que la mère souhaite donner à sa nouvelle protégée, un attrait plus artistique ou lié à sa beauté, voire à sa situation économique.
Misedashi sonne le jour où l’on présente officiellement la nouvelle Maiko à la société. Des décorations estampillées de son nom sont accrochées à la façade de l’okiya. De même, des éventails uchiwa à son effigie sont offerts aux clients habitués et autres membres réguliers de la hanamachi, quartier auquel est rattaché la maison.
Ensuite, la fraîchement élue se choisit rapidement une marraine onesan parmi ses sœurs les plus expérimentées (Maiko ou Geiko). Le rituel San San Kudo, proclamé au Kaburenjo, les lient définitivement ; cela correspond à partager du saké 🍶 comme lors d’un mariage shinto.
La phase Minarai débute. Encore en formation, la nouvelle Maiko se contente d’accompagner et d’observer sa onesan durant ses performances artistiques par exemple. Pendant le premier mois, elle porte une ceinture obi coupée à la moitié. Lors de sa première année, elle ne peut pas porter de rouge sur sa lèvre supérieure, et affiche une décoration florale sur le côté de sa coupe de cheveux.
En outre, elle continue son apprentissage des arts traditionnels, sous forme de cours au Kaburenjo : cérémonie du thé, ikebana, danse, chant, musique, calligraphie, etc.
Les Maiko ont entre 15 et 20 ans ; certaines sont plus âgées afin de pouvoir servir de marraine à une plus jeune. En 2017, la plus vieille Maiko de Kyoto avait 24 ans.
Le passage du statut de Maiko à Geisha (Geiko à Kyoto) s’appelle Erikae. Les changements s’observent essentiellement dans l’apparence. Les manches du kimono se raccourcissent tandis que le col devient uni, de couleur blanc ou noir ; contrairement à celui avec motifs, le plus souvent rouge de la Maiko. Enfin, la future Geiko change de coupe de cheveux et adopte la perruque de style sakko, plus subtil.
Ultime étape, la fête Hiki-iwai notifie le retrait de la vie publique de la Geiko. Plusieurs raisons interviennent dans cette mise à la retraite : âge trop avancé (même s’il n’existe pas de limite officielle), mariage privé ou bien prise de la direction d’une maison okiya ou salon de thé ochaya comme okamisan.
Voir des Maiko et Geiko à Kyoto
Il existe plusieurs possibilités pour apercevoir des Geisha à Kyoto. Le circuit classique des touristes revient à attendre, tels des paparazzi, que les demoiselles sortent de leur maison pour se rendre dans l'un des salons de thé. Pour cela, il faut bien connaître les lieux et les heures auxquelles on a le plus de chance de les croiser ; principalement la rue Hanami-koji dans le quartier de Gion en fin d'après-midi. De plus, les matsuri et autres fêtes nationales tel que Setsubun permettent parfois de les voir en spectacle gratuit ; attention donc à la foule.
Les cérémonies payantes garantissent de les voir évoluer plus longuement et dans des conditions favorables ; en voici un échantillon :
- Représentation théâtrale | danse odori de Maiko et Geiko : les spectacles sont programmés selon les saisons du printemps en avril / mai, et de l'automne en octobre / novembre, par chaque hanamachi de Kyoto. On dénombre environ trois séances quotidiennes de 50 minutes. La réservation est obligatoire et peut se faire en ligne notamment pour le Miyako Odori de Gion. Il faut alors compter de 4.000¥ (~24,20€) à 7.000¥ (~42,36€) par siège.
- Séance photo | Maiko ou Geiko dans un décor traditionnel japonais : la séance s'effectue en groupe restreint pendant deux heures avec une réservation en ligne obligatoire via le site 55maiko.net. Il faut compter entre 10.000¥ (~60,51€) et 35.000¥ (~211,80€) par personne environ. Deux inconvénients à cette prestation : elle se déroule entièrement japonais et avec un petit nombre de séances ouvertes chaque mois.
- Rencontre en journée | cérémonie du thé et photo souvenir : la séance s'effectue en groupe pendant 1h30 avec une réservation obligatoire. Il faut compter environ 7.000¥ (~42,36€) par personne pour les prestations en après-midi. La Maiko effectue deux danses et il est possible d'échanger quelques mots en anglais pendant 5 minutes. Les photos sans flash sont autorisées.
- Visite du musée Gion Art Kagai Museum |condensé et nouveauté 2024 : cet établissement situé à côté du théâtre Gion Kaburenjo propose une exposition sur la vie artistique des Maiko et Geiko ainsi qu'un mini spectacle de 2 danses Kyomai et la possibilité de réserver une séance photo en bonne compagnie moyennant suppléments.
- Dîner privé en soirée | performances artistiques, jeux et conversation : la séance s'effectue en privé sous la forme d'un banquet traditionnel ozashiki pendant 3h. Il faut compter environ entre 500€ et 1.000€ par personne. Il s'agit d'une prestation unique et très haut de gamme. Autour d'un repas kaiseki, deux Maiko et une Geiko servent à boire aux invités, discutent en tête à tête et les divertissent via des danses et des jeux bon enfant. Une séance photo clôt la rencontre. Cette version est beaucoup moins accessible aux étrangers, a fortiori depuis le Covid.