Sword of the Stranger
Le Chanbara est intarissable pour les Japonais. Chaque année, moult manga, animés ou films sortent sur ce thème, avec des intérêts plus ou moins heureux. On peut ainsi aller du fan-service –OneChambara– au crossover hip-hop de génie –Samurai Champloo. Mais dans le cœur des fans du genre, dont je ne suis pas, deux noms restent gravés dans la pierre : Ninja Scroll et Kenshin le Vagabond. Sword of the Stranger, projet porté à bout de bras depuis des années par Masahiro Ando, tente de dépoussiérer le genre tout en restant dans le tragi-classique.
À commencer par un scénario plutôt ordinaire, qui prend place pendant l’ère Sengoku du Japon / la dynastie Ming pour la Chine. Kôtaro est un orphelin qui survit avec son chien Tobimaru en volant et en errant. Ils rencontrent un rônin sans nom, qui se fait littéralement appeler comme tel (« Nanashi ») et qui a scellé son épée dans son fourreau suite à une tragédie. Au passage, le personnage est doublé par le beau Nagase Tomoya. Nanashi va protéger l’enfant contre une milice chinoise secrète et surpuissante, venue le chercher pour utiliser son sang afin de créer une potion de vie éternelle.
La rencontre est d’abord intéressée, puis Kôtaro et Nanashi s’aperçoivent qu’ils ont des points communs et que chacun a des comptes à régler avec son passé. En parallèle, on suit le clivage toujours fort entre Chine et Japon, sur fond de complots politiques et intérêts personnels. Luo-Lang, par exemple, un combattant de génie dont la couleur de cheveux trahit ses origines occidentales (et dont le character-design rappelle étrangement Ken dans l’OAV adorée de Street Fighter), cherche à travers ce voyage un adversaire enfin à sa hauteur. Devinez de qui il s’agit…
L’histoire prend donc un pli historique intéressant, en sortant du cadre nombriliste nippo-japonais pour s’intéresser aux rapports délicats avec la Chine. Cette lecture des difficiles relations sino-japonaises donne au départ comme un traitement habituel. Par exemple, les Chinois sont doublés en japonais lorsqu’ils se parlent entre eux. Mais très vite, notamment avec le dévoilement des origines des protagonistes, on s’aperçoit que tout n’est pas si simple. Et finalement, quelque soit leur rang, les Japonais pure souche s’avèrent tous des arrivistes, pleutres ou voleurs, bref des gens de bien petite vertu.
Au final, si le scénario reste classique dans son déroulement, il a le mérite de bien travailler les tenants et aboutissants du contexte politico-social de l’époque. Le script développe également quelques personnalités intéressantes ainsi qu’une belle rivalité entre deux combattants. On pourra juste regretter que certains personnages secondaires ne soient pas assez creusés, et donc vite expédiés, mais c’est le parti-pris de l’écriture qui impose ce choix.
On doit Sword of the Stranger a un duo effervescent : le réalisateur Masahiro Ando et le Studio Bones. On connaît bien le second pour ses nombreux animés de bonne facture technique, et surtout de superbes films comme Cowboy Bebop, Fullmetal Alchemist ou RahXephon. Ando, lui, est moins connu car un peu plus dans l’ombre. L’homme a été chef-animateur ou réalisateur sur pas mal de gros produits : Ghost in the Shell, Jin-Roh, Metropolis, Evangelion… Excusez du peu. Sword of the Stranger est, en tout cas, leur première proposition originale et donc un peu plus personnelle.
Techniquement, le film attire rapidement la rétine. Les décors, en particulier les paysages, sont de très bonne facture ; certains tableaux dévoilent un travail absolument magnifique. Les couleurs sont comme un peu passées, mais c’est pour appuyer le style lancinant du film et puis cela s’éclaire à certains moments, notamment la fin. Mais c’est surtout dans ses scènes d’action que Sword of the Stranger explose. Les chorégraphies de combat ont un style incroyable, avec des effets d’animation absolument excellents. On n’atteint peut-être pas le niveau technique d’Amer Béton, mais sa classe dans les plans d’action, très certainement. L’acmé du film, son dernier quart-heure, est juste à couper le souffle.
Avec son côté franc, violent et gore, Sword of the Stranger revendique avec panache son statut de digne héritier des premières OAV de Kenshin. De là à le qualifier de successeur de Ninja scroll, chacun voit midi à sa porte, mais dans l’absolu ce film est une pure réussite, doublé d’une fable pas trop gluante sur l’expiation des fautes. Dans tous les cas, ça fait plaisir de voir de la très belle animation (après Coo également) dans un genre traditionnellement frileux.
Sword of the Stranger est sorti en septembre 2007 au Japon, et fin mai de cette année en France. Enfin, sorti… Il n’a été diffusé que dans 5 salles dans tout l’hexagone. Sa sortie en DVD devrait arriver d’ici la fin de l’année, mais si vous ne pouvez pas attendre, il est disponible en import pour une quinzaine d’€uros à cette adresse, ou en Blu-Ray par ici.