Triennale de Setouchi
L'art contemporain des îles de la mer intérieure
La Triennale de Setouchi est un important festival d'art contemporain international qui a lieu tous les 3 ans sur une 12aine d'îles de la mer intérieure de Seto, réunies dans les préfectures de Kagawa et d'Okayama au Japon. Les visiteurs y effectuent un parcours unique, à la fois artistique et touristique, au sein de la campagne insulaire japonaise.
Le territoire morcelé de l'archipel et ses paysages naturels magnifiques représentent un terrain de jeu parfait pour l'expression de l'art contemporain au Japon. Il faut s'éloigner des grands pôles urbains pour trouver des petites perles artistiques nichées dans la végétation luxuriante ou faisant face à l'immensité de l'océan. On pense par exemple :
- au Musée en plein air de Hakone ;
- à l'observatoire Enoura à Odawara ;
- au Musée Miho dans la campagne d'Otsu ;
- ou encore aux Musées d’art contemporain de Towada et de Kanazawa.
Coincée entre les 2 grandes terres de Honshu et de Shikoku, la mer intérieure de Seto abrite des centaines de petites îles pour la plupart rurales et surannées, dont certaines servent désormais de cadre idéal pour la tenue du festival d'art international de Setouchi, également officiellement baptisé en anglais "Setouchi Triennale", c'est-à-dire la "Triennale de Setouchi".
Un évènement trisannuel et saisonnier
Inauguré en 2010, la Triennale de Setouchi a lieu tous les 3 ans, avec une 6ème édition organisée en 2025. Elle est découpée en 3 phases évènementielles selon les saisons :
Pendant ces temps forts, des animations ainsi que des manifestations temporaires sont organisées et donnent de l'épaisseur à la scénographie. Il est également important de noter qu'une partie des œuvres d'art, notamment celles installées en extérieur, sont en exposition permanente et restent visibles même en dehors des périodes du festival.
Dès sa première édition, le succès fut au rendez-vous avec une fréquentation de près d'1 million de visiteurs, chiffre qui sera dépassé les années suivantes ; l'édition 2019 a ainsi enregistré 1.178 484 visiteurs. La renommée internationale de cet évènement attire des amateurs de tous pays, qui découvrent ici aussi bien une vaste exposition d'art contemporain assurée par des centaines d'artistes de toutes nationalités, qu'un patrimoine culturel et géographique entretenu par les communautés locales.
Avec les ports de Takamatsu et d'Uno, une douzaine d'îles rattachées aux préfectures de Kagawa et d'Okayama sont concernées par le Triennale de Setouchi ; majoritairement accessibles par bateau 🛥️ uniquement. Le festival se déroule donc sur la partie orientale de la mer intérieure, de part et d'autre du grand pont de Seto, et ne s'étend pas jusqu'à la préfecture de Hiroshima.
Des îles concept entre art et patrimoine
Les principaux objectifs de la Triennale de Setouchi sont notamment de revitaliser la région par le tourisme culturel et de mettre en valeur son patrimoine, qu'il soit naturel ou historique. En effet, chaque île sélectionnée présente une histoire différente et les œuvres installées sur son territoire font écho à ce passé. On voyage avec les yeux et dans le temps, ainsi :
- Naoshima (直島), la plus célèbre des îles Setouchi et vitrine de la Triennale, est la première à avoir développé une offre artistique sous l'impulsion du collectif "Benesse Art Site Naoshima". Celui-ci édifiait au début des années 1990 plusieurs musées d'art et bâtiments architecturaux, notamment en collaboration avec Tadao Ando. La fusion du cuivre, le transport maritime et l'aquaculture sont ses principales industries historiques.
- Teshima (豊島) est une île nourricière avec ses terres agricoles, ses rizières en terrasse, ses villages de pêcheurs et ses élevages de vaches laitières. Ayant subi un déversement illégal de déchets industriels dans les années 1970, elle est très sensible à la protection de l'environnement. Ses installations dont le Musée d'art de Teshima sont également gérées par la maison Benesse.
- Shodoshima (小豆島) est l'une des plus grandes terres de la mer intérieure de Seto, spécialisée dans la plantation d'oliviers et la production d'huile d'olive. Son savoir-faire comprend également la fabrication artisanale de produits purement japonais comme la sauce soja shoyu, les nouilles somen ou encore les condiments tsukemono. Avec ses montagnes et ses belles plages de sable, l'île profite de plusieurs arguments touristiques en plus de l'art contemporain qui épouse agréablement ses paysages.
- Inujima (犬島) est la 3ème île gérée par l'organisation "Benesse Art Site Naoshima" et tire ses œuvres de son passé industriel lié à l'extraction de la pierre de granit puis à la raffinerie de cuivre.
- Ogijima (男木島) abrite un charmant petit village de pêcheurs qui s'étend sur le flanc de la montagne et domine ainsi le port principal de l'île, d'où accostent la majorité des bateaux et ferrys ; on s'y balade facilement à pied à travers les ruelles tortueuses.
- Megijima (女木島) est associée à la légende de Momotaro où son immense grotte pourrait être la résidence des démons de l'île d'Onigashima dans le conte.
- Oshima (大島) est un ancien site pour lépreux où l'art rencontre ici le milieu médical et hospitalier.
- Honjima (本島) met en avant l'architecture authentique de son quartier portuaire féodal qui date de l'époque Edo (1603 - 1868).
- Shamijima (沙弥島) se dresse désormais comme une presqu'île, rattachée à la ville de Sakaide sur la côte nord-est de Shikoku. On y accède facilement en voiture depuis Takamatsu pour aller à la rencontre des quelques installations extérieures avec une vue imprenable sur le grand pont de Seto.
- Awashima (粟島) héberge une ancienne école de la marine nationale dont les bâtiments en bois peint vert céladon ont été préservés et sont aujourd'hui ouverts au public.
- Takamijima (高見島) est une île dépeuplée qui a été autrefois spécialisée dans la culture du pyrèthre, une plante utilisée comme insecticide et répulsif anti-moustique naturel. Entre urbex et parcours artistique, on déambule au sein du village portuaire principal où de nombreuses maisons sont abandonnées.
- Ibukijima (伊吹島) est la plus isolée à l'ouest des îles de la Triennale. Ce petit bout de terre est connu pour son activité de pêche à la sardine et à l'anchois. Les poissons sont ensuite séchés et conditionnés sur place dans une usine locale. On y parle toujours le dialecte de l'époque Heian, lorsque Kyoto était la capitale impériale du Japon.
Exposés en plein air ou bien abrités dans un bâtiment traditionnel revisité, les ouvrages d'art s'intègrent en harmonie à la vie locale. Les plus reconnaissables, aux dimensions souvent imposantes, trônent au milieu du paysage et sont devenus au fil du temps des symboles de leur île de résidence, telles que les célèbres citrouilles géantes et colorées de Yayoi Kusama à Naoshima.
La cohabitation de l'art contemporain dans ce cadre insulaire, rural et quelque peu oublié est une réussite. Les habitants, pour une grande partie des séniors agriculteurs et pêcheurs, bénéficient de ce regain d'attention et certains sont d'ailleurs partie prenante du festival côté exposants et à l'accueil des visiteurs. L'art se veut ici le moyen pour dialoguer durablement entre les peuples et protéger au mieux l'environnement naturel.
Pour s'y rendre, il est conseillé de bien préparer en amont sa venue, notamment concernant la fréquence des navettes fluviales ainsi que la réservation des hébergements sur place. Au sein des îles, on se déplace facilement à pied pour les plus petites, à vélo 🚲 ou en bus pour les plus grandes. Il n'est pas nécessaire de visiter toutes les destinations pour avoir un bon aperçu du festival et l'on recommande de consacrer 1 à 3 jours au festival selon le nombre d'îles que l'on souhaite découvrir.